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La marche vers la Forêt des Ombres commença sans mot dire. Aria sentait la tension dans l'air, presque palpable, comme si la nuit elle-même retenait son souffle. Kieran marchait à ses côtés, son corps tendu, son regard scrutant les ténèbres autour d'eux. Darius, en tête, semblait savoir exactement où il allait, ses pas guidés par une conviction inébranlable. Mais Aria savait qu'aucun d'entre eux ne pouvait vraiment savoir ce qui les attendait dans l'obscurité de cette forêt.
Ils arrivèrent à l'orée de la forêt bien avant l'aube. Les arbres qui bordaient le chemin étaient massifs, leurs troncs noirs comme de l'encre, leurs branches tordues en formes impossibles, comme des griffes cherchant à attraper la lumière de la lune. Le vent soufflait, mais même lui semblait murmurer des secrets que personne ne voulait entendre.
"Nous sommes là", dit Darius, son ton grave, presque cérémonieux.
Aria se sentit frissonner, mais ce n'était pas seulement le froid. C'était cette sensation étrange, comme si la forêt elle-même les observait. Comme si chaque arbre, chaque racine, chaque feuille savait exactement qui ils étaient et ce qu'ils venaient chercher. La Brume, cette entité qu'elle ne comprenait pas, semblait respirer avec la forêt, prête à les engloutir dès qu'ils franchiraient le seuil.
"Il n'y a pas de retour possible", avertit Darius en les regardant tous les trois. "La Forêt des Ombres ne vous relâchera pas une fois que vous y serez entrés. Vous devrez affronter vos peurs, vos démons intérieurs. Il n'y a pas de place pour l'hésitation ici."
Kieran serra les poings, le regard fixé sur les arbres sombres. "Alors qu'est-ce qu'on attend ?"
Sans un mot de plus, Darius pénétra dans la forêt, ses pas discrets mais sûrs. Aria et Kieran échangèrent un dernier regard avant de le suivre, la nervosité s'accrochant à leur peau comme une seconde couche.
Au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la forêt, l'air devenait plus épais, plus lourd, comme si la terre elle-même refusait de les laisser passer. Des bruits étranges résonnaient dans l'obscurité – des grattements, des murmures, des craquements. Aria serra les dents, forçant sa respiration à rester calme, malgré le chaos qui régnait dans son esprit.
Le sol était spongieux sous leurs pieds, et chaque pas semblait les enfoncer un peu plus dans l'obscurité. Les arbres se resserraient autour d'eux, leurs branches s'entrelassant, formant des arches comme des portes vers un autre monde. L'impression d'être observée devenait insupportable.
"Nous approchons", dit Darius d'une voix basse, presque inaudible. "Préparez-vous à tout."
Aria ne répondit pas. Elle savait déjà que ce qu'ils allaient affronter ne serait pas simple. Ce n'était pas un simple rituel. Ce n'était pas juste une épreuve. C'était une confrontation avec la vérité, avec leur propre essence, une vérité qui pourrait les briser ou les reconstruire.
Enfin, après ce qui sembla être des heures, ils arrivèrent dans une clairière. Au centre, une ancienne pierre se dressait, sculptée de symboles que ni Aria ni Kieran n'avaient jamais vus. C'était là que le rituel devait se dérouler, dans ce cercle ancien où le temps semblait suspendu.
"Placez-vous autour de la pierre", ordonna Darius, sa voix marquée par une autorité froide. "Ce que vous allez faire maintenant n'est pas sans risque. Ce lien que vous avez, Aria et Kieran... vous allez l'explorer. Vous allez le comprendre. Mais sachez ceci : si l'un de vous échoue, tout est perdu."
Aria sentit son cœur s'emballer dans sa poitrine. Elle avait entendu des histoires de rituels qui détruisaient ceux qui n'étaient pas prêts. Mais ici, dans cette forêt, elle ne pouvait pas reculer. Pas maintenant. Pas après tout ce qu'elle avait traversé. Elle se plaça, sans un mot, à côté de Kieran, les mains tremblantes mais fermes.
Le vent se leva soudainement, soufflant autour d'eux, comme une invitation. Darius leva les bras, prononçant des mots anciens, dans une langue que ni Aria ni Kieran ne comprenaient. Les symboles sur la pierre se mirent à briller d'une lumière pâle, presque spectrale, tandis que la brume se levait lentement du sol, enveloppant la clairière dans un voile épais.
Aria ferma les yeux, sentant la connexion entre elle et Kieran se renforcer, se tendre, comme un fil invisible les reliant. Mais ce n'était pas seulement Kieran qu'elle ressentait. La forêt, les arbres, la terre elle-même semblaient vibrer, comme si l'ensemble du monde se préparait à un changement.
"Restez concentrés", dit Darius, son ton plus grave que jamais. "Ce que vous allez voir... vous ne l'oublierez jamais."
Soudain, un cri perça la brume, un cri qui semblait venir des profondeurs de la terre elle-même. Aria sursauta, les yeux s'ouvrant d'un coup. Elle chercha autour d'elle, mais la brume était trop dense pour distinguer quoi que ce soit.
Une silhouette apparut au centre de la clairière, une ombre qui se déplaçait avec une fluidité surnaturelle. Aria sentit un frisson glacer son échine. Cette présence... elle la reconnaissait. C'était le loup de ses rêves, celui dont le nom brûlait en elle.
Mais ce n'était pas Kieran.
La silhouette se tourna vers elle, et dans les profondeurs de la brume, ses yeux brillèrent d'une lumière dorée.
Les yeux de la silhouette s'ancrèrent dans les siens, et Aria sentit une chaleur intense envahir son être. Ce n'était pas la chaleur rassurante de la lumière du soleil, mais une chaleur brûlante, presque douloureuse, comme si l'âme de la créature devant elle était une flamme vive prête à consumer tout ce qui s'en approchait.
Elle tenta de reculer, mais ses jambes restaient figées, clouées au sol. La silhouette s'approcha, chaque pas soulevant des volutes de brume comme un voile mystérieux, et Aria pouvait sentir la pression de cette présence autour d'elle, la comprimer, la happer dans une spirale de sensations contradictoires.
« Tu... » la voix qui émergea de l'ombre était grave, presque un murmure, mais pleine d'autorité. « Tu n'as pas encore compris. »
Aria sentit un frisson de peur et de confusion lui parcourir l'échine. « Qui êtes-vous ? » demanda-t-elle d'une voix tremblante, mais elle n'arrivait pas à détourner le regard des yeux dorés qui la fixaient.
La silhouette émit un léger rire, mais il n'y avait rien de réconfortant dans ce son. « Ce n'est pas à toi de poser cette question, Aria. C'est à toi de comprendre. »
Kieran, qui était resté silencieux jusque-là, s'avança à son tour, une lueur d'inquiétude dans ses yeux. « Qu'est-ce que cela signifie ? » demanda-t-il, sa voix teintée de confusion et d'angoisse.
L'ombre se tourna lentement vers lui, ses yeux dorés le fixant, comme si elle venait de le voir pour la première fois. Puis elle éclata de rire, un rire cruel et froid qui glaça le sang d'Aria. « Lui aussi, il ne comprend pas. »
Elle se tourna de nouveau vers Aria, et cette fois, l'intensité de son regard la fit frissonner. « L'épreuve ne se joue pas uniquement entre vous deux. Vous êtes tous les deux des pièces d'un puzzle plus grand, un puzzle qui dépasse vos désirs et vos volontés. Vous êtes marqués, oui. Mais cela ne signifie pas que votre destinée est tracée. »
Aria sentit son cœur se serrer. « Qu'est-ce que vous voulez dire ? » La question brûlait dans sa gorge.
L'ombre s'avança encore un peu plus, jusqu'à ce qu'elle se tienne à une distance presque insupportable. « La Lune vous a liés, mais elle ne vous a pas dit toute la vérité. Elle ne vous a pas dit pourquoi elle vous a choisis. Elle ne vous a pas dit que la souffrance ne fait que commencer. »
Un éclair de douleur traversa l'esprit d'Aria, et elle se tint la tête, tentant de repousser les pensées envahissantes. C'était comme si cette voix, cette présence, avait ouvert une brèche dans son esprit, libérant des souvenirs, des sensations qu'elle n'avait jamais voulu affronter. Mais il y avait autre chose, quelque chose de plus ancien, plus profond, qui remontait à la surface.
Une vision éclata dans son esprit, vive et violente. Elle se revit, enfant, courant dans les Brumes, poursuivie par des ombres. La sensation d'être traquée. D'être marquée. Et dans cette vision, Kieran n'était pas là pour la sauver. Il était... autre part. Avec quelqu'un d'autre.
Un cri s'échappa d'Aria, brisé, tandis que la vision se dissipait dans un souffle froid.
La silhouette s'approcha encore. « La vérité te brise, Aria. Mais elle est nécessaire. »
Darius, qui observait la scène sans intervenir, se tourna lentement vers Kieran. « Tu vois maintenant, l'Alpha ne peut pas être lié à deux âmes. Il est déjà lié à une autre. La vérité de ce rituel est plus complexe que vous ne le pensiez. »
Kieran se tourna brusquement vers Darius, son visage marqué par la confusion et la colère. « Mais... mais je ressens la douleur. Je ressens ce lien ! »
« Ce lien... » La silhouette éclata de rire une nouvelle fois. « C'est un piège, jeune Alpha. Un piège tissé par la Lune elle-même. »
Aria sentit son cœur s'emballer. Les mots résonnaient en elle, mais ils n'avaient pas de sens. Le puzzle se refusait à se dévoiler. Ses mains tremblaient, et elle porta une paume à son front, comme pour apaiser la douleur croissante qui se répandait à l'intérieur d'elle.
« Ce que vous ignorez tous, c'est que ce n'est pas la Lune qui a forgé ce lien. » La silhouette s'approcha d'Aria, ses yeux brillants comme des étoiles mourantes. « C'est moi. »
Le sol se mit à trembler sous leurs pieds. La brume s'épaissit, se densifia, et des ombres plus sombres se levèrent autour d'eux. Aria recula d'un pas, sentant son cœur s'emballer davantage, une angoisse grandissante la saisissant.
« Qu'est-ce que vous êtes ? » cria Kieran, son souffle court, cherchant à comprendre.
La silhouette s'élança soudainement, la vitesse de son mouvement si rapide qu'il était impossible de suivre. Aria se sentit happée par une force invisible, ses jambes incapables de réagir. Elle s'écrasa au sol dans un bruit sourd, les yeux grand ouverts.
« Je suis l'ombre de votre destin, l'origine de vos souffrances et de vos tourments », murmura la silhouette, se penchant vers elle. « Et vous n'êtes que des marionnettes entre mes mains. »
Et alors, dans un éclat de lumière, tout se passa.