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Le silence qui suivit la fermeture de la porte pesait lourdement sur la pièce, comme une brume dense, impénétrable. Aria se tenait là, figée, la tête bourdonnante, le cœur battant à tout rompre. Elle pouvait entendre le souffle de Kieran à côté d'elle, mais sa présence semblait presque lointaine, comme une écho fatigué dans l'immensité du moment.
Les mots de Darius résonnaient encore dans ses oreilles, répétant cette vérité cruelle : Si vous échouez, tout sera détruit. C'était une menace, mais aussi une réalité inévitable, une pression qu'ils ne pouvaient ignorer. Aria tourna lentement la tête vers Kieran. Le voir ainsi, son regard fixé sur l'horizon, ses poings serrés, lui rappela la vulnérabilité sous son apparence imposante. Kieran n'était pas invincible. Il était tout aussi perdu qu'elle, pris dans un destin qui le dépassait.
Kieran se tourna enfin vers elle, ses yeux d'or brillaient d'un éclat sombre. « Tu penses qu'il a raison ? » demanda-t-il, la voix basse, presque rauque. « Que nous avons un rôle à jouer, que tout dépend de nous trois ? »
Aria le regarda sans répondre immédiatement. Une partie d'elle avait envie de fuir, de disparaître dans les Brumes d'où elle venait, loin de ce tourbillon infernal qu'était devenu leur existence. Mais une autre partie, plus insidieuse, plus sombre, savait que ce n'était pas une option. Elle était liée à lui par quelque chose de plus grand qu'eux, et la marque brûlante sur sa peau était la preuve vivante de ce fait.
« Je ne sais pas, Kieran. » Elle laissa échapper un soupir lourd de doutes. « Mais je ne peux pas ignorer ce que la Lune a tissé entre nous. Si nous échouons... » Elle secoua la tête. « Je ne veux même pas imaginer ce qui pourrait se produire. »
Une longue pause s'installa entre eux, chargée d'une tension palpable. Kieran s'approcha d'un pas, les yeux fixés sur la marque brûlante de sa peau. « Cette douleur... » murmura-t-il, comme pour lui-même. « J'ai l'impression que ça me dévore de l'intérieur. » Il leva les yeux vers elle, un éclat de frustration dans le regard. « Mais Selene, elle... elle ne me ressent pas comme tu le fais, Aria. Je n'arrive même pas à comprendre pourquoi. »
Aria ferma les yeux, se maudissant d'avoir posé cette question qui revenait sans cesse. Pourquoi la Lune les avait-elle liés de cette manière ? Pourquoi lui, un héritier du Soleil, se retrouvait-il coincé entre deux mondes, tiraillé entre son devoir envers Selene et la douleur qu'il ressentait pour Aria ? Et pourquoi cette marque était-elle devenue une part de son existence, une partie de son âme ?
La douleur de Kieran n'était pas la sienne. Mais elle l'éprouvait tout de même, à sa manière. Car son propre cœur se brisait à chaque instant, sachant qu'il était ailleurs. Que le véritable lien n'était pas avec elle.
Elle se leva lentement, l'âme lourde, les pensées embrouillées. « Peut-être que nous devons comprendre ce que Darius veut dire par 'le rôle de chacun'. » Elle fit une pause. « Peut-être que nous devons trouver un moyen de nous unir, non seulement en tant que liens, mais en tant qu'individus... »
Kieran la regarda, son regard se durcissant légèrement. « Mais comment faire ça, Aria ? » Il s'avança vers elle, prenant une grande inspiration. « Comment pouvons-nous comprendre ce rôle quand nous ne savons même pas ce qu'il implique ? Quand tout ce que nous connaissons, c'est cette douleur ? »
Aria tourna son regard vers la fenêtre, où la lumière de la lune semblait les observer depuis les cieux. La lueur pâle caressait la terre, mais elle ne semblait plus aussi douce qu'auparavant. Maintenant, la lune était une entité froide, distante, observant ses enfants avec un regard impitoyable.
Et dans cette lumière, Aria se sentit plus seule que jamais.
Un bruit sourd, comme un grincement métallique, fit sursauter les deux loups. La porte de la pièce s'ouvrit brusquement, et une silhouette haute et imposante entra. Son regard perça l'air avec la force d'un fauve prêt à attaquer.
Selene.
Elle était là, son corps sculpté dans l'ombre de la nuit, son regard brûlant de défi. La tension entre les trois loups s'intensifia d'un coup. Aria se tendit immédiatement, ses muscles réagissant à la menace non dite qui flottait dans l'air.
Selene posa ses yeux sur Aria, un sourire presque cruel étirant ses lèvres. « Tu crois vraiment que nous allons laisser tout cela se jouer sans un mot ? » sa voix était douce, mais tranchante. « Parce que, tu vois, je n'ai jamais accepté de jouer les rôles qu'on m'impose. Pas même la Lune. »
Aria la fixa, l'esprit en ébullition. Selene... Elle avait beau être belle et digne, il y avait une froideur dangereuse en elle, une ambition qui transparaissait dans chaque mot, chaque geste.
Kieran s'était tendu à ses côtés, ses poings serrés. « Selene, qu'est-ce que tu veux ? »
Elle sourit, un sourire presque amusé. « Ce que je veux ? » Elle s'approcha de lui, son regard d'acier se posant sur le sien. « Je veux que nous soyons tous ensemble dans cette épreuve. Parce que si nous échouons, si l'un de nous échoue, ce sera la fin. »
Elle se tourna alors vers Aria. « Mais je veux aussi savoir qui tu es réellement, Aria. Parce que, toi aussi, tu as un rôle à jouer dans tout cela. Et ce rôle... peut-il vraiment être celui que la Lune a tracé pour toi ? »
Une question suspendue dans l'air. Une question qui, Aria le savait, changerait tout.
Les pièces du puzzle commençaient à se rassembler, mais pour chaque réponse, de nouvelles questions surgissaient. Les secrets des anciens, la vérité sur les marques, la lutte entre les forces de la lumière et de l'ombre... Tout cela les menait vers une confrontation inévitable.
Et Aria ne pouvait qu'attendre, son cœur battant la chamade, pour savoir si elle pouvait vraiment briser le destin que la Lune avait tissé pour elle.
L'air dans la pièce semblait devenir plus épais, comme si les mots de Selene s'étaient figés dans l'espace, flottant autour d'eux, insaisissables. Aria sentit sa gorge se serrer, une pression insoutenable s'exerçant sur son cœur. Elle n'avait pas les réponses. Elle n'en avait jamais eu. Les marques, les souffrances, les liens... tout cela était plus grand qu'elle. Mais une chose, une seule, demeurait gravée dans son esprit : elle devait trouver un moyen de comprendre son rôle avant qu'il ne soit trop tard. Avant que tout ne s'effondre autour d'elle.
Selene se tenait là, inébranlable, son regard toujours aussi froid, aussi perçant. Il y avait quelque chose de terrible dans la manière dont elle les observait, comme si elle savait déjà tout ce qu'ils allaient dire, tout ce qu'ils allaient faire. Aria se força à respirer profondément, ses yeux cherchant ceux de Kieran. Il semblait aussi perdu qu'elle, son visage marqué par l'incertitude, mais il y avait aussi une lueur d'espoir, une lueur qu'elle ne pouvait ignorer. Ils avaient peut-être encore une chance. Peut-être...
"Pourquoi m'approcher de moi, Selene ?" La voix de Kieran trahit une frustration contenue, une colère qui bouillonnait sous la surface. "Qu'attends-tu de moi, exactement ?"
Selene sourit, mais c'était un sourire cruel. "Je ne m'attends pas à grand-chose de toi, Kieran. Mais toi, tu attends quelque chose d'Aria, n'est-ce pas ? Elle est la clé de tout cela. Et tu le sais."
Aria, prise dans ce jeu de mots, serra les poings, sentant la tension monter entre les trois loups. Selene avait raison. Quelque part au fond d'elle, Aria savait que la véritable réponse, le véritable pouvoir, résidait dans la réponse de Kieran. Ce lien invisible entre eux, cette connexion plus profonde qu'ils ne pouvaient l'admettre... Il était le cœur de tout ce qui se passait.
Kieran se tourna lentement vers elle, son regard se faisant plus dur, comme s'il avait enfin compris quelque chose qu'il avait ignoré jusque-là. "Aria, peut-être que Selene a raison. Peut-être que nous devons accepter ce que nous sommes, accepter ce lien que la Lune a tracé pour nous. Mais je... je ne peux pas ignorer le fait que tout cela nous brise tous les trois. Est-ce ce que tu veux, Aria ?"
Aria secoua la tête, son esprit tourbillonnant sous le poids de ses pensées contradictoires. "Je ne sais pas ce que je veux. Mais je sais que je ne peux pas supporter cette douleur éternelle, cette souffrance de te voir... de voir cette marque sur ta peau, cette marque qui m'appartient et qui, pourtant, ne signifie rien pour toi."
Il s'approcha d'elle, son visage à quelques centimètres du sien, ses yeux d'or brûlants d'une intensité qu'elle n'avait jamais vue auparavant. "Aria..." Il murmura son nom comme un souffle, une promesse qu'elle ne pouvait ni comprendre ni saisir. "Peut-être que la Lune ne nous a pas choisis pour ce que nous croyons. Peut-être que tout ce que nous vivons, chaque battement de cœur, chaque douleur... nous les avons créés nous-mêmes."
Elle le fixa, le regard empli de confusion. Ses mots la percèrent comme des éclats de verre, chaque syllabe résonnant profondément en elle. Il y avait une vérité qu'elle n'avait jamais vue. Un miroir brisé qu'ils devaient assembler, mais qui restait hors de portée.
C'était à ce moment-là qu'une voix, forte et autoritaire, fit irruption dans la pièce. "Il est temps."
Tous les trois se tournèrent brusquement. La silhouette imposante de Darius se tenait sur le seuil, son regard impitoyable se posant sur eux. Il n'y avait ni sourire ni compassion dans ses yeux, juste un vide froid et calculateur.
"Le temps est venu de vous confronter à ce que vous êtes réellement", dit-il d'une voix qui ne laissait aucune place à l'argumentation. "La Lune vous a liés. Mais il est temps de comprendre la vérité de ces liens. La question n'est pas si vous échouerez. La question est : jusqu'où irez-vous pour éviter le sacrifice que vous exigez tous ?"
La tension dans la pièce monta d'un cran, une pression quasi physique qui écrasait les esprits. Aria sentit un frisson parcourir son échine. Darius n'était pas là pour les sauver. Il était là pour les pousser, pour les forcer à faire face à la réalité de leurs choix.
"Suivez-moi." Darius fit un pas en arrière, s'éloignant pour laisser le passage libre.
Kieran se tourna vers Aria, son regard cherchant une réponse qu'il n'aurait jamais cru devoir demander. "Tu viens ?"
Elle hésita. Chaque fibre de son être lui criait de fuir, mais une force plus grande encore la poussait à avancer. Elle savait que cette rencontre, ce face-à-face, allait tout changer. Ce n'était pas un simple test. C'était le début de la fin.
"Oui", répondit-elle, sa voix faible mais résolue.
Ensemble, ils sortirent, leurs pas résonnant dans le silence oppressant du manoir, tandis que la lune, éternelle, continuait de les observer, comme une ombre indifférente et omnisciente, prête à révéler la vérité... ou à les engloutir.