Capítulo 9 Une photo volée

Teska promena son regard interrogateur tout autour d'elle. C'était bien son bureau, sa maison et, à priori, le bon moment de la bonne époque. Il faisait nuit, elle avait dû revenir certainement plus tard que ce qu'elle souhaitait, sa notion temporelle était encore à travailler. Elle savait que c'était compliqué pour elle d'arriver au moment souhaité car elle avait perdu la faculté de comprendre le temps qui passe. Ce qui s'avérait inquiétant pour sa mission. Est-ce que cela aurait une incidence ? Il ne manquait plus qu'elle se perde dans le temps...

Teska toucha du bout du pied les morceaux de lampe encore sur le sol. Dans la vie des autres, cela ne faisait qu'une succession d'heures, dans la sienne une éternité à rallonge s'était écoulée. Son esprit vide, ses gestes machinaux, Teska s'accroupit pour ramasser les tessons de la lampe. Trop d'informations en si peu de temps... Le temps... Cela devenait une obsession. Elle se coupa un doigt en ramassant un morceau plus pointu que les autres, ou peut-être avait-elle perdu le fil de la réalité. Instinctivement, Teska mit son doigt dans la bouche. Un sentiment étrange l'assailli, un vertige malmenait son corps. Elle se releva immédiatement et comprit que le temps remontait tout seul. Tout seul, vraiment ? En tout cas, ce n'était pas sa faute pour une fois. Les morceaux de lampe dans sa main, s'échappaient en voletant les uns à côté des autres pour se reconstituer. Teska enleva son doigt de la bouche, il était refermé, nulle trace de blessure. Elle se mit à la fenêtre pour observer l'extérieur, les nuages se déplaçaient à une vitesse effrayante, le soleil inversait sa course, les piétons et les voitures allaient en marche arrière, et la femme qui avait déjà sonné plusieurs fois s'immobilisa devant sa porte. Au moins, la lampe était sauve... S'agissait-il de la mise à jour du temps ? Après tout elle n'avait pas vécu une bonne partie de l'après-midi, peut-être se remettait-il au bon moment ? C'était un peu présomptueux de penser que le monde tournait autour d'elle, mais après tout, avait-on la preuve du contraire ?

L'interphone sonna. Teska ouvrit un vortex pour se retrouver derrière sa porte d'entrée et l'ouvrit, prête à accueillir comme il se doit cette visiteuse, assidue, au manteau rouge et classeur noir, qui revenait pour la énième fois.

̶ Bonjour, puis-je vous aider ?

L'espace d'un instant, la femme tordit son visage en une expression de dégoût. Teska eut peur d'être à nouveau bleue et pencha son regard vers ses avant-bras, non, à première vue, tout allait bien.

̶ Je suis désolée, je ne sais pas pourquoi je suis venue.

Pour le coup, Teska afficha une mine déconfite. A priori, la petite dame n'était pas « Témoin » de quelque chose et ne voulait pas lui présenter Dieu ou des Tupperware... Il était cependant hors de question pour Teska de la laisser filer. Si l'univers était remonté à cet instant, c'est qu'il y avait forcément une bonne raison à cela.

̶ Je ne comprends pas, vous avez besoin de quelque chose ?

̶ Non, pardon... Je suis désolée... Je n'aurais pas dû...

La jeune femme s'enfuit sans demander son reste, essuyant son visage envahi de larmes.

̶ Attendez ! intima Teska en avançant spontanément son bras droit comme pour l'arrêter.

A sa grande surprise la femme attendit, mais pas de manière naturelle. Son pas était en suspens dans les airs.

̶ Manquait plus que ça...

̶ Teska se rappela les paroles de son autre du futur, elle lui avait dit que ce serait possible, l'expérimentation était cela dit plus épatante encore que l'information elle-même.

Teska s'avança doucement, son instinct scientifique prit le dessus. C'était fort intéressant comme situation... Elle observa chaque détail de ce corps en suspension, c'était un phénomène hors du commun. Elle venait de figer le temps par sa propre volonté, incroyable. Teska examina la démarche de la femme ; comment était-il possible qu'elle resta presque suspendue dans les airs, sans tomber, un de ses pieds ne touchait pas le sol ? Ses cheveux étaient portés par son élan et restaient là, en l'air... Teska se mit nez à nez avec la femme, et se demanda où elle l'avait déjà vu... Qui était-elle, que voulait-elle, et qu'y avait-il dans ce classeur ? Autant de questions qui pouvaient facilement trouver une réponse si elle pouvait récupérer gentiment ledit objet. Mais que se passerait-il si elle touchait la personne, reprendrait-elle « vie » ? Le reste du monde était-il dans le même état ? Quel était son champ d'action ?

Teska regarda autour d'elle, quelque chose la sortit de son obnubilation et elle comprit que ce qui se passait était bien plus compliqué que ce qui lui apparaissait. Il n'y avait plus aucun bruit. Les voitures et passants qui passaient dans la rue étaient inertes. Dans son jardin, un chat était en suspens dans les airs après avoir sauté d'un arbre. L'oiseau poursuivit s'envolait pour lui échapper, lui aussi figé. Teska s'approcha de l'oiseau et caressa ses ailes, il était effrayé. Le chat, lui, projetait ses griffes en avant, sa gueule prête à infliger le coup de grâce à sa proie. Teska poussa d'un doigt hésitant l'oiseau de quelques centimètres, une main en dessous, au cas où, on ne sait jamais. Il ne tomba pas, il resta là où elle l'avait mis. Elle était stupéfaite... Mais qu'y avait-il dans le sérum qu'on lui avait injecté ?

Teska revint vers la femme au manteau rouge et sans la moindre hésitation, attrapa son classeur. A l'intérieur, il y avait des photos de photomaton et des imprim'écran. Des photos de Joras... Et de la femme... Ensemble... Et souriant ou s'embrassant de surcroît... Allons bon... Elle devait probablement venir faire une scène à l'origine... Votre mari a une liaison avec moi et patati patata... Et alors ? Après avoir vécu plus de 50 ans ensemble, il avait bien le droit de voir ailleurs, un petit peu... Elle ne s'était pas privée non plus lorsqu'elle en avait eu envie... Certes, c'était toujours contrariant, et cela amenait d'autres questions... Si Joras s'échappe c'est que le quotidien ne lui convient pas... Teska éprouva un sentiment de tristesse pour lui. Il n'était pas heureux, mais n'ayant pas les mêmes attentes, ils ne pouvaient pas l'être tous les deux ensemble. Cela dit, ça devait continuer comme ça, ils n'avaient pas le choix que de rester ensemble. Il n'y avait plus de jalousie, plus de possession, quand on a vécu autant de vies ensemble, certaines choses paraissent plus futiles...

Ils avaient l'air vraiment heureux sur ces photos... Plus heureux qu'eux depuis bien longtemps... Longtemps... Ça ne veut plus rien dire, ça n'a plus de sens... Teska chassa cette idée de son esprit. « Tu me manques », c'était elle ? Teska la regarda à nouveau, elle était jolie, très jolie. Quelques tâches de rousseurs, un air gentil, elle était certaine que c'était quelqu'un de sympathique. Surement plus qu'elle-même... Mais qui avait le temps d'être aimable ou de se maquiller, lorsque le sort du monde entier reposait sur ses épaules ? Le temps... Le temps... Bon... Justement, peut-être était-il venu de faire autre chose, de dévoiler la mission à Joras. De lui expliquer pourquoi elle avait besoin de lui. S'il va voir ailleurs c'est qu'il ne trouve pas sa place, leur couple ne lui convenait plus, il fallait reprendre les choses. Utiliser le Chandrakant ? C'était déjà arrivé une fois avec une autre, et il ne le savait plus. Teska avait remonté le temps afin d'éviter la rupture. Elle lui ressemblait d'ailleurs. Piquée par la curiosité, Teska l'examina à nouveau. Etait-ce possible ? La femme était-elle française ? Qu'était-elle venue faire en Belgique... Que s'était-il passé pour qu'elle vienne lui déverser sa peine ? Joras avait-il rompu en vue de partir en Suisse ? On ne peut pas empêcher ce qui doit arriver, c'était déjà elle la première fois, c'était désormais une certitude... Teska paniqua, son couple en arrivait toujours là, il n'allait jamais plus loin, peu importe ses efforts. C'était le moment de laisser partir Joras, et ça, ça n'était pas possible. Cela dépassait son entendement. Elle ouvrit à nouveau le classeur et prit une photo qu'elle glissa dans sa poche de jeans. Les imprim'écran reprenaient des conversations que la femme au manteau rouge avait eu avec Joras. C'était très clair, ils avaient une relation plus que torride. Il est bien plus facile de se désinhiber par écrans interposés... Teska replaça le classeur dans les mains de la femme, écœurée des obscénités perverses que Joras faisaient par échange de mails avec la femme au manteau rouge, qui somme toute, paraissait bien loin de ce genre de pratique. L'habit ne faisait vraiment pas le moine. Elle comprit pourquoi Joras ne la touchait plus comme avant et de manière tellement irrégulière qu'elle aurait pu tenir de tête un planning de leurs activités pour adultes, il vivait ses fantasmes ailleurs et repoussait ses avances. Depuis tout ce temps, elle pensait que la routine, ses études, son emploi ou ses projets l'accaparaient tellement qu'elle le négligeait, il y avait surement de cela aussi, mais ce n'était pas totalement sa faute. Perdue dans ses sentiments, elle regarda à nouveau la femme sans savoir ce qu'elle cherchait dans ce regard triste.

Teska fila jusqu'à la porte d'entrée et reprit la position qu'elle pensait avoir lorsqu'elle avait figé le temps. Le peu de séries télé qu'elle avait vu sur le sujet, impliquait ce genre de conduite.

Après une grande inspiration, Teska ferma les yeux et expira en imaginant le temps reprendre sa course. Elle ouvrit les yeux, le chat reprit l'action qu'il menait, mais surpris, tomba à quatre pattes sur le sol. Se demandant ce qu'il s'était passé sans rien laisser paraître. C'était un chat après tout, on ne pouvait pas la lui faire à l'envers. Il émit un miaulement se voulant rassurant pour un interlocuteur invisible et se lécha le plus naturellement possible les babines. L'oiseau, lui, n'avait pas prévu que le courant d'air ascendant ne le soutiendrait plus, il fut déstabilisé et tomba au sol. L'instinct du chat reprit le dessus et sauta sur le volatile sans défense. Debout devant sa porte, Teska eut les larmes aux yeux.

̶ On ne peut pas empêcher ce qui doit arriver, dit-elle en entrant dans la maison.

*

* *

La voiture de Joras s'avança dans l'allée. Il devait être plus tard qu'elle ne le pensait, en tout cas bien trop tôt pour discuter à son goût... Après tout, il y avait bien un temps pour chaque chose... Teska regarda ses mains tremblantes, pas de doute, la colère ne la quittait pas, et c'était la seule qui ne la quitterait pas, de toute évidence...

Teska avait passé son après-midi à s'exercer avec son nouveau pouvoir, la quête pouvait encore attendre. Elle serait de toute façon inutile pour le futur tant qu'elle ne maîtrisait pas ses pouvoirs. Et elle avait autre chose en tête à l'heure actuelle.

Joras descendit de la voiture, regarda vers la fenêtre et croisa son regard. Il avait l'air triste, le cœur de Teska se serra... Elle ouvrit un vortex et descendit d'un étage avec aisance, comme si elle avait fait cela toute sa vie.

Teska s'assit dans le salon et attendit, angoissée par la suite des événements. Afin d'alléger ce moment, elle avait préparé un apéritif avec tout ce qui plaisait à son compagnon. Elle savait que c'était futile mais elle se déculpabilisait grâce à cela. C'était toujours mieux que de lui balancer une poêle dans la figure, il fallait privilégier le dialogue coûte que coûte.

̶ Tu es devenue feignante à ce que je vois, ironisa Joras en entrant dans le salon.

̶ Oui, effectivement dit-elle dans un sourire triste. Je pense que nous devrions parler.

Joras la dévisagea en marquant une pause, fronça les sourcils et s'assit dans un fauteuil en face d'elle. Son visage était froid et distant. Il attendait l'agression verbale, il savait qu'elle viendrait, ça n'était pas arrivé depuis leur dernière vie, mais il le voyait sur son visage... Sa mâchoire se crispa. Joras comprit le but de l'apéritif et se dit que Teska appliquait désormais ses propres méthodes qui, vraisemblablement, ne fonctionnaient sur personne...

̶ Je t'écoute.

Teska se leva et fit les cent pas en se frottant les mains.

̶ Nous avons vécu beaucoup de choses ensemble. Beaucoup plus que tous les êtres vivants ne devraient en vivre. C'est une chance extraordinaire mais aussi un fléau.

Joras était sans voix, ce n'était pas du tout ce qu'il pensait.

̶ Tu n'es pas sans connaitre la situation écologique actuelle. Nous pensons avoir du temps, mais ce n'est pas le cas. Nous devons réagir et très vite.

̶ Mais de quoi tu parles, enfin ? Moi, je veux qu'on reparle de nous, vois-tu ! La situation ne me convient pas du tout. Je ne veux pas partir d'ici ! J'aime ce que je fais ici, et toi tu n'en as que pour ton projet insensé dont tu ne veux rien me dire ! Nous sommes censés être une équipe et je ne sais rien !

Teska s'avança vers lui, en essayant de retenir ses larmes. Elle s'agenouilla à ses pieds et prit les mains de Joras entre les siennes. Il y a seulement quelques jours, elle aurait hurlé à l'infamie, que son projet était bien plus important que n'importe quelle construction qu'il réaliserait au cours de sa misérable vie, qu'il était égoïste, que tout ce qu'elle voulait c'était donner sa vie pour le monde, et qu'évidemment il ne comprendrait jamais ce que cela impliquait, son esprit étant trop obtus. Tout cela, elle l'avait en tête, mais ne le dit pas, car à cet instant, Teska s'aperçut que c'était à elle-même qu'elle pourrait le dire. Quelque chose en elle changea. Son esprit se sentit immédiatement libre, comme débarrassé de pensées obscures qui l'empêchaient de voir la vérité. Une sensation d'apaisement prit possession de son corps et elle comprit ce qu'elle devait faire désormais.

̶ Nous n'avons plus le temps pour ça, Joras.

Joras se leva en proie à une forte angoisse. Et sa colère à lui, elle méritait bien quelques minutes pour s'exprimer, qu'était-ce encore ce retournement de situation qui justifiait son mutisme.

̶ Mais qu'est-ce que tu racontes ?!

̶ Nous avons la responsabilité de sauver le monde.

̶ Rien que ça ?! Pour qui tu te prends à la fin ?

̶ ... Un être humain... Mon nouveau pouvoir n'est pas apparu spontanément. Mon futur moi, me l'a inoculé et apparemment, je suis la seule à pouvoir l'endurer. Nous devons agir dorénavant pour l'humanité toute entière.

̶ Mais que veux-tu que nous fassions ? Nous ne sommes ni politiciens ni riches... Acheter bio et local me parait un peu limité... Et comment as-tu eu connaissance de cela ?

̶ Je me suis rendue visite... le futur est bien pire que nous le redoutions... Nous devons éliminer à la base ceux qui empêchent notre survie.

̶ Tu deviens complètement folle, ma pauvre ! Il faut arrêter les voyages dans le temps, ça devient une évidence.

Joras fit mine de quitter la pièce, il était hors de lui, cela devenait intolérable et totalement dément.

̶ Joras, je sais pour ton amie.

̶ Et ? dit-il en s'arrêtant net et resta dos tourné afin que Teska ne puisse pas lire son émotion.

̶ Je pensais que nous allions bien cette fois.

Joras se retourna lentement, ses sentiments étaient un capharnaüm faramineux.

̶ Non Teska, tu fais ta petite vie, et je fais ce que tu veux. Voilà ce qui se passe. Madame veut faire de grandes études, plusieurs fois, madame décide combien de temps la vie est belle et quand elle ne lui convient plus, madame choisit où nous devons vivre, madame lutte contre le cancer, seule, madame refuse d'avoir des enfants avec moi, madame veut aller en Suisse, ok, j'abandonne tout, et on y va. Quand madame voudra remonter le temps, nous le ferons également. Et nous recommencerons, encore et encore et encore, parce que madame annihile ma vie selon son bon désir. Je suis le pion de madame. Ordonnez et j'exécute.

̶ Tu es injuste.

̶ Oh, et bien j'attends de savoir en quoi. As-tu des arguments ? Thèse, antithèse ?

̶ Tu déraisonnes...

̶ Certes. Et bien si madame ne veut rien de plus... J'ai des activités personnelles à mener. Juste une chose, la prochaine fois que tu remontes le temps... N'hésite pas, efface notre rencontre, nous avons eu tout le temps qu'il nous fallait.

̶ Comme tu l'as fait aujourd'hui ? Où est le Chandrakant Joras ? Ce problème peut se résoudre rapidement, tu pourras vivre la vie que tu souhaites, ou la subir comme le reste du monde. Ne t'en fais pas, je ne refais jamais deux fois la même erreur !

̶ Cela m'étonnerait tellement de toi, madame est tellement parfaite. Intelligente, belle, sophistiquée, tout ce qu'il faut pour amadouer et manipuler son petit monde. Comment sais-tu que j'ai remonté le temps ?

̶ Figure-toi que dans la liste de mes qualités, tu as oublié que je ne subissais pas les effets du Chandrakant quand une autre personne l'utilise. J'ai vu le temps remonter. Tu n'as pas été assez loin et ton amie est venue m'apporter des photos de vous. Elle n'a pas dû aimer la rupture... Tu l'aimes ?

̶ Je ne sais pas... C'est différent... Où sont les photos ?

Teska jeta les clichés sur la table du salon, entre les canapés au saumon et les friandises au curry.

̶ Trêve de bavardages ! Peu m'importe ce que tu ressens, tu n'es qu'un enfant ! Comment veux-tu que j'en ai avec toi, alors que tu es incapable de grandir. J'en ai assez Joras, j'ai été plus que patiente et j'ai atteint ma limite ! Dis-moi où est le Chandrakant ?!

̶ Ou quoi ? qu'est-ce que tu vas me faire, hein ? As-tu vu tes mains ?!

Teska descendit son regard immédiatement vers ses mains qui grouillaient de filaments bleus visiblement très en colère vu la puissance de leur lumière et leur vitesse de déplacement.

̶ Pourquoi perds-tu du temps comme ça ? Dis-moi où il est et je te libère de moi !

̶ Et ma mémoire ? Je veux garder mes souvenirs, nous avons eu beaucoup de bons moments, je ne veux pas les effacer. Tu m'as enlevé mes enfants, je refuse que tu vides aussi ce qui fait de moi ce que je suis.

̶ Très bien... Je peux remonter à la fin de nos études et chacun part de son côté. Ça te convient ?

̶ Pourquoi es-tu aussi complaisante tout à coup ?

̶ Tu ne m'es d'aucune utilité tant que tu fais une crise d'hystérie.

Joras la dévisagea, les mots restèrent coincés dans sa gorge. Il était impossible que cette femme soit celle qu'il avait tant aimée. L'amour était-il friable, telle une roche soumise à l'érosion ? Trop d'années avaient coulées sur leurs fondations, rongées par les non-dits et les frustrations. Finalement, peut-être valait-il mieux oublier ?

̶ Il est sur la tombe de ta grand-mère.

̶ Qu'est-ce que tu racontes ? Comment as-tu fait pour y aller aussi vite ?

̶ C'est vite fait, tu le saurais si tu y mettais les pieds de temps en temps... Je savais que ce serait le dernier endroit où tu irais le chercher de toute façon, dit-il d'un air satisfait.

Teska ouvrit immédiatement un vortex avec ses mains, elle avait enfin l'information qui lui manquait pour se lancer dans sa quête, seule désormais.

̶ Attends Teska. Peut-être pourrait-on s'accorder le temps de se dire adieu ? Nous avons des choses à nous dire, je crois.

̶ J'espérais que tu avais fait le tour, en ce qui me concerne, je n'ai pas de regret. Je ne peux plus remonter le temps, je t'ai menti. Ne gâche pas ta chance cette fois, n'insiste pas si tu sens que ça ne va pas, ta vie est trop courte pour t'imposer des choix qui ne sont pas les tiens. Je te souhaite une dernière belle vie.

Teska sauta dans le vortex sans attendre de réponse. Joras voulu la rattraper pour la serrer une dernière fois dans ses bras. Lui dire merci pour cette nouvelle chance qu'elle lui donnait et leurs vies passées. Lui dire pardon, de ne pas avoir été celui qu'il lui fallait et de la méchanceté dont il avait fait preuve. Lui dire qu'il l'admirait. Lui dire, malgré tout, combien il l'aimait.

            
            

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