Seule dans sa voiture, Teska réfléchissait. Lunettes de soleil sur le nez et un gobelet de café à la main, garée sur une place de parking attenante au centre de recherches, dont elle venait tout juste de démissionner, elle cherchait une bonne excuse pour pouvoir accéder au laboratoire sans se faire prendre pour une espionne industrielle qui revenait sur les lieux de son crime. C'est pas gagné, pensa-t-elle. Mais comme qui ne tente rien n'a rien, et surtout qu'elle n'avait pas le choix, Teska commença à cogiter sur un nouveau plan d'attaque.
Peu d'employés étaient en poste à cette heure-ci, sauf le gardien à l'entrée du parking, et peut être un vigile dans l'enceinte du complexe. Elle n'avait plus ni badges ni accès et ne pouvait décemment pas faire comme si de rien n'était en passant la guitoune du gardien...
Un léger choc sur sa vitre de voiture la surprit au point de la faire sursauter et renverser un peu de café sur elle. Contrariée, Teska ouvrit la fenêtre un faux sourire aux lèvres.
̶ Bonjour Piotr... Vous allez bien ?
Teska avait oublié un détail, Monsieur Piotr arrivait toujours plus tôt que tout le monde et prenait les transports en commun, car, en plus d'être un brillant chercheur, il était aussi écologiquement responsable. Ce qui visiblement avait tendance à agacer l'égo de la jeune femme, mais peut-être, était-ce juste le café renversé et le fait d'être aussi futée qu'un lapereau de six semaines, elle ne savait pas ce qui l'irritait le plus, finalement. Sa voiture était garée en face de l'arrêt, il était forcément passé devant elle en voulant rejoindre le centre... Merveilleux...
̶ Bonjour Teska, je peux vous aider ?
̶ Est-ce une remarque ou une vraie attention ?
̶ Je vous écoute.
̶ ... Et bien, j'aurais besoin d'un caryotype, est-ce que vous voulez bien m'aider ?
̶ J'imagine que vous ne me direz pas pourquoi ?
̶ Non.
Piotr soupira en levant les yeux au ciel... Il ne la connaissait pas bien, mais il savait une chose, elle méritait qu'on lui fasse confiance, elle l'avait déjà prouvé. Ironiquement, il se dit qu'elle était très certainement une sorcière mieux valait ne pas lui poser trop de questions et faire ce qu'elle demandait... De toute façon, il étudierait les résultats à postériori pour savoir ce qu'elle cherchait, ça ne serait visiblement pas hors du commun comme anomalie génétique.
̶ Venez... Je vous dois bien ça, dit-il en avançant vers l'entrée piétonne.
Teska ne se le fit pas dire deux fois, elle ferma sa vitre, sauta hors de la voiture et courut pour le rattraper. Piotr voulait bien être gentil, mais fallait quand même pas abuser, le temps c'est de l'argent et l'argent ça paie les yachts fonctionnant à l'énergie solaire en Méditerranée...
*
* *
̶ Vous êtes certain de ne pas vouloir appeler une infirmière ? Il y en a une fort agréable au centre de prélèvement deux étages plus bas, proposa Teska livide.
̶ Pourquoi ? C'est quoi le problème ?
̶ Il n'y a pas de souci, Piotr. Mais ça fait longtemps que vous n'avez pas fait ça et j'avoue qu'avoir recours à une professionnelle peut être intéressant... Vous avez piqué autre chose que des cadavres ou bien ?
̶ Piqué au vif, le professeur surdiplômé et surqualifié qu'il était la regarda, outré.
̶ Mais enfin, je vous en prie, je sais encore faire une prise de sang, regardez le plafond si ça vous inquiète tant que ça...
̶ ...
̶ Respirez.
Piotr piqua et remplit cinq tubes différents. Hop petit coton, retirage d'aiguille dans les règles de l'art et adorable pansement à tête de clowns. Il aurait bien fait un léger bisou sur la micro compresse, mais Teska l'aurait mal pris, quoique... non, non... Passons... Il était assez fier de lui, ça lui rappelait ses jeunes années d'internat dans des dispensaires avec un public bien plus jeune et récalcitrant. Son esprit s'éveilla à ces souvenirs bien flous désormais.
̶ Pourquoi en avez-vous pris autant, un seul suffit ? demanda-t-elle baissant sa manche.
̶ Est-ce que je vous ai demandé l'heure qu'il est ? Je commence à vous connaître, vous allez vouloir pousser vos investigations, suivant ce que vous allez trouver... Soit dit en passant, vous remarquerez que je ne vous ai pas demandé pourquoi...
̶ Et je vous en remercie.
̶ Mais je ne vous empêche pas de m'en parler...
̶ On verra ça dans soixante-douze heures.
̶ Bien madame... Je vous appellerai dès que les tubes « secret défense » seront prêts à être manipulés. Car j'imagine que vous souhaitez faire vous-même les recherches qui vous concernent.
Teska l'observa quelques secondes, luttant pour ne pas sourire. Puis, elle sauta du siège prête à disparaître, tandis que Piotr fouillait ses poches désespérément, il lui tendit un petit objet rouge.
̶ Teska, attendez avant de partir. J'ai gardé votre badge, je n'ai pas eu le temps de le restituer au service informatique, vous en aurez besoin pour réaliser vos analyses.
̶ Mes accès sont encore valables ?
̶ Je n'ai pas fait la demande pour les supprimer... Comme ça, vous pourrez venir quand vous voulez.
̶ Merci encore, dit-elle en lui serrant longtemps la main, trop longtemps, se dit-elle.
̶ Je vous en prie.
Une certaine gêne s'immisça entre eux, quelque chose qui n'avait pourtant jamais été présent durant tous ces mois de travail collaboratif. Teska se sentit rougir et baissa les yeux, avant de se diriger vers la porte.
̶ Bon je repasse dans trois jours, je vous fais confiance, dit-elle en filant vers le couloir.
Manquait plus que ça, pensa-t-elle. Ses mains s'électrisèrent d'une nuance de bleu, en descendant l'escalier vers la sortie.
*
* *
Il était désormais temps d'en découvrir plus sur le Chandrakant, impossible de demander à quelqu'un de la famille, les morts étant peu bavards et une recherche Google semblait plutôt insensée... Mais avait-elle le choix ?
Derrière son ordinateur, Teska tenta le tout pour le tout en indiquant « Chandrakant » dans la barre de recherche. Quatre millions de résultats... Une comédie musicale Indienne, « être d'humeur changeante » en arabe, « aimé de la lune » en sanskrit, comme sa grand-mère lui avait déjà dit... Rien qui se rapporte à l'objet paranormal, il fallait s'en douter...
Teska sourit, il est vrai que rien n'était plus changeant que la lune...
Elle essaya « voyage temporel Chandrakant sanskrit », résultat de recherche : « retour vers le futur »... Bon, bon, bon... Il fallait chercher autrement, comment cet objet visiblement originaire d'Inde pouvait-il avoir échoué en Serbie ? A plus de sept mille kilomètres... Elle fit une recherche rapide sur le sanskrit, une langue visiblement morte et parlée dans le sous-continent Indien, soit sept pays : le Bhoutan, le Bangladesh, l'Inde, les Maldives, le Népal, le Pakistan, le Sri Lanka, soit plus de quarante-cinq mille kilomètres carrés... Il devait bien il y avoir quelqu'un qui connaissait le sujet...
Il fallait qu'elle sache pour comprendre ce qui lui arrivait, ça devenait important et urgent, constata-t-elle en baissant les yeux sur ses mains bleutées, à cause des filaments qui tournaient tout autour.
*
* *
Chacun assit à un bout de table, l'ambiance était plutôt froide... Teska se demandait comment ils en étaient encore arrivés là... L'heure n'était plus à se poser des questions inutiles cela dit, il fallait agir pour son propre intérêt, à un moment il fallait être égoïste, et apparemment c'était ce moment-là.
̶ Joras, j'ai besoin du Chandrakant. Il faut que tu me le donnes.
̶ Pour faire quoi ? demanda-t-il en reposant sa fourchette pleine dans son assiette, le regard acéré.
̶ J'ai besoin de l'étudier...
̶ Il va falloir que tu trouves une meilleure raison que cela.
̶ Très bien. Peux-tu me dire si tu ressens quelque chose de particulier lorsque nous remontons le temps ?
̶ Tu veux dire quand nous le faisons ensemble ou quand tu le fais sans que je m'en aperçoive ?
Ah, pensa-t-elle, la conversation allait être plus compliquée que prévu, quelques fourmis s'immiscèrent dans le bout de ses doigts. Teska tenta de réprimer ses émotions par une longue respiration, ce n'était pas le moment d'être bleue, par contre.
̶ Réponds à ma question, et je répondrai à la tienne, ajouta-t-il d'un ton léger.
̶ Très bien... dit-elle en se levant froidement.
Joras, lui, bouillait intérieurement, qu'allait-elle faire maintenant ? Encore fuir la conversation ? Lui jeter la soupière sur la tête ? En fin de compte, c'était assez jouissif de la provoquer.
Teska positionna ses avant-bras à la perpendiculaire de son corps, ses paumes vers le ciel. Elle ferma les yeux et intérieurement rit de se prendre pour un être divin, tel qu'on les voyait représentés en statues à la section Egyptienne du Louvre. Ce ne fût pas difficile de penser à quelque chose, ou quelqu'un, qui la mettait en colère. Il y avait, par exemple, son incompréhension face à cet hominidé têtu, récalcitrant et pénible. Ses mains devinrent petit à petit luminescentes et bleutées, des filaments se dégagèrent de sa peau et prirent de l'ampleur. Progressivement, ils se déplacèrent le long de ses bras puis sur tout son corps. Teska n'était plus en colère, elle comprit qu'elle pouvait désormais activer le processus par simple pensée. Aucune douleur ne la perturbait, cependant, son corps était comme endolori. Elle leva les yeux vers Joras, pleine de suffisance. Celui-ci, bouche bée, s'était levé et tenait fermement son fauteuil devant lui, qui pour le coup avait pris fonction de bouclier.
̶ Mais... Comment... qu'est-ce que c'est ? Tu as fait des expériences sur toi-même ? Tu t'es prise pour Frankenstein ?
̶ Détend-toi ! rit-elle, satisfaite. C'est Jekyll en plus. Je ne sais pas comment s'est arrivé. Tout ce que je sais, c'est que ça réagit en fonction de mes émotions.
̶ Tu as mal ?
̶ Non.
̶ Je peux toucher ?
Teska éclata de rire, ça y est, il redevenait lui-même, il fallait juste un peu de couleur dans leur vie, en définitive. Elle y vit une main tendue, ce qu'il fit concrètement, en se déplaçant avec appréhension et avidité, en même temps, jusqu'à elle.
̶ Vas-y, essaie.
Les yeux de Joras le piquèrent, il en avait oublié de cligner. Doucement, il tendit sa main vers celle de son épouse, une chaleur inhabituelle le saisi. Passé l'originalité de la situation, Joras était très inquiet des effets que cela pouvait avoir sur le physique et le mental de Teska. Depuis toujours, il savait qu'elle n'était pas une personne ordinaire, mais il la savait instable également. Si elle ignorait d'où venait cette chose grouillante et ce qu'elle pouvait faire, lui, avait bien une idée de son origine surnaturelle. Il posa une de ses mains dans celle de la jeune femme, et les lumières bleues encerclèrent les deux. Les deux époux se regardaient et souriaient ensemble, incrédules.
̶ C'est bizarre, j'ai l'impression de sentir quelque chose d'instable, je ne peux pas l'attraper. Mais ça ressemble beaucoup aux courants électriques qui accompagnent le vortex. Tu vois, je t'avais dit d'arrêter de jouer avec les filaments, tu vois le résultat maintenant ?!
Ils rirent en cœur, tandis que l'intensité des éclairs augmentait. Le plafonnier, ultra design, en métal, au-dessus de leurs têtes, se balança de gauche à droite, en suivant le rythme des arcs électriques qui s'échappaient du corps luminescent de Teska. Le temps qu'ils prennent conscience de la réaction anormale de l'objet au plafond, l'ampoule illumina de manière aveuglante la pièce et explosa. Joras et Teska tombèrent instinctivement au sol dans les bras l'un de l'autre. Une fois reprit sa couleur originelle, Teska dévisagea Joras avant de rire à gorge déployée et de l'embrasser. Joras lui rendit volontiers son baiser, oubliant à nouveau et sans remords, les rancœurs du passé. Ils regardèrent leur lustre, qui continuait de valser dangereusement.
̶ Mais comment c'est possible ? dit-il.
̶ Je ne peux pas t'expliquer pour l'instant. Je suis allée faire une analyse chromosomique ce matin, j'aurais les résultats dans quelques jours. Je pense que les voyages spatio-temporels altèrent de manière visible mon ADN désormais. Il faut que je comprenne ce qui se passe.
̶ Alors, je vais devenir bleu aussi ?
̶ Je ne sais pas, rit-elle. Je ne sais rien de plus que ce que je t'ai dit sur le Chandrakant. J'aimerais l'étudier, s'il te plait. Il y a peut-être des choses que je n'ai pas vu, qui pourrait expliquer ce que c'est. Peut-être y a-t-il un numéro SAV gravé à l'intérieur, en cas de besoin... Je ne remonterai plus le temps sans ton accord.
̶ Tu le promets ?
̶ Oui Joras, je te le jure.
̶ Il me faut quelques jours pour le récupérer... En attendant, j'ai envie qu'on se réconcilie vraiment. Qu'en penses-tu ? dit-il en haussant les sourcils de manière suggestive.
̶ Le premier en haut ! rit-elle en le poussant sur le sol avant de se relever.
Les choses s'arrangeaient toujours se dit-elle, il fallait juste trouver la bonne façon de détourner l'attention des problèmes, une nouvelle quête lui redonnait foi en eux.
*
* *
̶ Alors Piotr, qu'avez-vous trouvé ?
̶ J'ai jamais vu ça !
̶ Oh...
Teska ne savait pas comment interpréter l'excitation du chercheur, cependant, d'après son expérience ce n'était jamais très bon pour les cobayes ce genre de réaction... Le professeur était accroché d'une main à son microscope et de l'autre, il indiquait le moniteur en face de lui.
̶ Tenez, regardez l'écran.
Teska fronça les sourcils, il avait été convenu qu'elle ferait ses analyses elle-même. Préférant faire sa petite affaire tranquille sans avoir à partager l'information avec « Monsieur le professeur qui n'avait jamais vu ça ». Tant qu'il n'essayait pas de la disséquer, cela dit, la collaboration pouvait être intéressante. Le professeur s'affaira. L'image apparue. Rien qui n'attirait plus particulièrement l'œil, à première vue. Les chromosomes étaient bien rangés, d'un bleu un peu plus soutenu que d'habitude, mais ça dépendait de la dose et de la marque du colorant ajouté, rien de particulier.
̶ Vous savez, une fois qu'on a bloqué la mitose, on ajoute le fixateur, puis le colorant qui fait apparaitre les bandes claires et foncées et c'est ainsi qu'on peut les associer les uns aux autres...
̶ Oui, merci je l'ai fait plus d'une fois, venez-en au fait...
̶ Et bien... Là... je n'ai pas ajouté de colorant... Ils sont bleus et luminescents naturellement... Je dirais...
Piotr se mit à rire le plus naturellement du monde. Ceci dit, il ne comprenait pas pourquoi, mais ce n'était visiblement pas très drôle comme blague pour Teska, il se reprit en toussotant, un peu gêné par son laissé-allé et le manque total de réaction analogue de son interlocutrice.
̶ Ne vous inquiétez pas, visiblement vous êtes en bonne santé, j'ai pris la peine de faire un ECBU, tout va bien. Enfin relativement, quoi... Quand on aime le grand bleu... Certains voient la vie en rose, d'autre c'est plutôt bleu... Ce rêve bleu...
̶ Au moins ça vous amuse... Vous êtes un petit comique finalement, quand on vous connait. Mes chromosomes sont bleus phosphorescents et ça vous fait rire... Je n'ai pas abusé du bleu de méthylène*, c'est un peu plus sérieux que ça ! Avez-vous vu autre chose qui pourrait m'expliquer pourquoi j'en suis là ?
̶ Oui ! Mais je pense que vous allez encore plus vous agacer, vu votre réaction à mes petites boutades. Je voulais juste dédramatiser, pardonnez-moi.
̶ Dites toujours...
̶ Vous avez une aneuploïdie**.
̶ Pardon ? Je n'ai jamais constaté ça... Sur lesquels ?
̶ Alors c'est là où c'est drôle.
Teska le fusilla du regard, c'était confirmé, ils n'avaient pas du tout le même humour. Piotr toussa à nouveau et s'intéressa de beaucoup plus près à son microscope.
̶ Ou pas... Regardez, là, cet amas-là, bah, je ne sais pas ce que c'est. Alors ça a bien la forme de chromosomes comme on les connait, hein, mais c'est des nouveaux... Jamais vu...
̶ Vous avez bien compté ? Vous êtes sûr ?
̶ Madame, s'il vous plait, vous voulez que je vous redise le nombre de diplômes que j'ai obtenus à la sueur de mon front ? dit-il jouant le scientifique blessé au plus profond de son âme sagace.
̶ Ah ! Ce pas le moment de jouer à qui pisse le plus loin, Piotr ! Combien y en a-t-il en plus ?
̶ Et bien, compte tenu du fait que nous avons 46 chromosomes par cellules, alors je dis nous, mais vous ne faites pas partie du décompte, évidemment...
̶ Vous voulez vraiment me voir en colère ?
̶ Je... Euh... Non... Evidemment... Euh... Bon 54...
̶ J'ai 54 chromosomes ? C'est quoi ces huit de plus ?
̶ Je ne sais pas... Mais euh, Teska...
̶ Quoi ?!
̶ Vos mains... Font quelque chose de d'étrange...
̶ Voici les huit qui se manifestent...
̶ Vous ressentez quelque chose de particulier ?
̶ De l'agacement, présentement.
̶ C'est très curieux, c'est exactement la même couleur que vos gènes d'ailleurs... C'est très amusant... Vous n'allez pas me faire de mal au moins ? Non parce que dans les films, c'est toujours le scientifique à l'origine de la découverte qui meurt en premier, quand même, et vous me regardez vraiment comme quelqu'un qui en a envie...
Teska leva les yeux au ciel et sortit du laboratoire sans un mot au grand soulagement de Piotr. Il regarda sa montre, sa pause était bien entamée, mais ce n'était pas tous les jours qu'on voyait ça, tant pis, l'envie de jouer à l'apprenti chimiste était trop grande. Il se mit à trier joyeusement les petits chromosomes mutants.
*
* *
Dans sa voiture, Teska se demanda quoi faire, visiblement elle n'était plus humaine... Huit chromosomes en plus, ça faisait beaucoup, une mutante, ça sonnait bien cela dit... Elle se demanda quel Xmen elle préférait être. Allait-elle avoir des supers pouvoirs ? Si c'était voler pourquoi pas... Entendre les pensées des gens la tentait moins... Il fallait faire des tests, et découvrir ce que le Chandrakant avait à voir là-dedans, et faire tout ça avant que Piotr n'appelle l'armée pour l'étudier dans son laboratoire... Ou qu'elle en meurt... Elle ne ressentait aucune douleur lorsqu'elle utilisait son « pouvoir » mais c'était loin d'être normal. D'abord appeler Joras, l'information ne pouvait pas attendre dix-neuf heures...
̶ Oui mon cœur ?
̶ J'ai un souci...
Le sang de Joras ne fit qu'un tour, il savait bien qu'il y avait un problème avec cette électricité, même si Teska se voulait rassurante. Les tests sanguins ne devaient pas être bon... Il fallait qu'il aille chercher le Chandrakant, peut-être qu'en revenant en arrière, elle n'aurait plus ces choses bizarres en elle ?
̶ Quoi ?
̶ J'ai muté. J'ai des chromosomes en plus... Ils n'étaient pas là lors de notre vie précédente, j'ai fait le test moi-même.
̶ Alors qu'est-ce qui s'est passé dans cette vie ?
̶ A priori le Chandrakant modifie l'ADN du porteur, comme c'est moi qui l'utilise et que tu n'as rien fait de bleu, je pense que tu n'es pas en danger.
̶ Ça veut dire que tu es en danger ?
̶ Je ne sais pas... Après tout, je n'ai mal nulle part, peut-être que c'est une évolution positive. Pour l'instant, je n'ai fait de mal qu'à une ampoule. Mais il faut être prudent. Je vais essayer de voir ce que je peux faire.
̶ Mais depuis que tu utilises le Chandrakant, tu n'as jamais rien remarqué ?
̶ J'ai des douleurs musculaires à chaque fois, parfois des migraines, mais le changement physique est si radical pour moi lorsqu'on remonte le temps, que cela s'explique...
̶ Tu ne m'en avais jamais parlé, je comprends mieux certaines choses du coup.
̶ Et je l'ai peut-être trop utilisé.
̶ Sans moi ?
̶ ... Oui, sans toi... J'ai besoin de savoir d'où ça vient, je suis une scientifique, je ne peux pas me contenter de faire de la lumière bleue avec mon corps, de la surtension avec les ampoules et continuer à préparer la purée du soir, comme si de rien n'était.
̶ Je suis d'accord avec toi, de toute façon, elle est infâme ta purée...
̶ ... Joras... Il faut qu'on parte et qu'on découvre ce que c'est que cette fichue boîte et ce qu'elle me fait.
̶ Est-ce que tu penses pouvoir redevenir comme avant ?
̶ Non, toute altération de l'ADN est définitive, au mieux, ça n'évoluera pas.
̶ Ah... Ok, soupira-t-il. Je vais donner ma démission... Nous pourrons partir. As-tu un plan ? Tu sais par où commencer ?
̶ A priori, le Chandrakant vient du sous-continent Indien. Il faut qu'on parte là-bas.
̶ ... Mais c'est immense... On part en touristes ? Ou tu prévois de t'établir là-bas ?
̶ En touristes, je vais essayer de faire plus de recherches avant.
̶ ... D'accord, est-ce que tu peux m'accorder un peu de temps ? J'ai un projet en cours qui me tient à cœur...
̶ J'ai besoin de toi... Tu es mon partenaire. Je ne peux rien faire sans toi.
̶ ... Ok... Ok... N'en dis pas plus... Je vais me débrouiller... Je te laisse, à ce soir.
Joras appuya sur le petit bouton rouge de son téléphone et regarda autour de lui la montagne de dossiers en attente. Il l'aimait tellement son boulot, c'était tellement agréable de voir émerger de terre ses structures qu'il couchait sur le papier. Tellement revigorant tous ces gens qui faisaient l'apologie de ses œuvres, il se sentait respecté. Tellement difficile d'être à côté de « Madame la scientifique » qui comprenait tout beaucoup plus vite que les autres et qui faisait des courants électriques sur demande. Pourquoi il n'avait pas de pouvoir magique, lui ? Bon, l'aptitude de faire péter les ampoules n'était pas vraiment le plus enviable des dons, mais quand même... C'était toujours pour les autres la « super » part de gâteau, se dit-il.
*Selon des écrits médicaux du XIXème siècle, le bleu de méthylène (qui est un produit hautement toxique) pouvait colorer l'urine des patients traités en bleu, ainsi que le collagène des tissus. Il est également utilisé comme colorant pour dans les laboratoires.
**Mutation chromosomique de cellules qui ne possèdent pas le nombre normal de chromosomes