Chapitre 7 CHAPITRE 7

MIA

– Je suis prête, on peut y aller. Dis-je en arrivant dans sa chambre. Mais, je ne peux pas courir, alors, on va marcher.

Il relevait la tête vers moi, alors qu'il était plongé sur son portable, et me regardait, surpris.

– Sérieusement ?

– Oui, dépêche-toi de te changer, avant que je change d'avis.

Et je partais à nouveau dans ma chambre. J'ajustais mon T-shirt rose flash dans la glace et jetais un coup d'œil à mon legging. J'avais maigri. En même temps, depuis une semaine, je ne mangeais presque rien et pourtant, je me sentais bien. Heureusement que papa n'avait pas remarqué ça, sinon, il me ferait une crise.

– C'est bon.

Il arrivait dans ma chambre avant que je puisse m'en rendre compte, et passait une main dans ses cheveux.

Son T-shirt noir lui moulait le torse, et je reconnaissais le short gris qu'il mettait avant pour la boxe.

– Parfait. Dis-je, l'air faussement joyeux.

Le ciel était couvert, mais la pluie n'avait pas encore fait son arrivée. Cette semaine était décidément la pire de ma vie. Le soleil aurait pu peut-être me remonter légèrement le moral, mais le temps en avait décidé autrement. Il ne faisait pas trop froid, et je commençais déjà à être essoufflé au bout de deux kilomètres. Sûrement à cause de mes poumons.

– Comment ça s'est passé, au poste ?

– Bien.

– C'est tout ?

Je ne répondais rien et continuais à fixer droit devant moi. Il se tournait un peu vers moi, et finalement, ne répondais rien.

– C'était stressant. Dis-je, au bout d'un moment. Ils ont le nom de deux de mes agresseurs. Celui qui est à l'hôpital, et celui qui m'a violé.

Je le voyais serrer les dents du coin de l'œil.

– C'est plutôt bien parti, alors. Ils les retrouveront.

– Oui.

Pourquoi ça me gênait autant de parler de ça avec mon propre frère ?

– Je vais aller voir une psy, demain.

– Oui, papa m'en a parlé.

Je fronçais les sourcils.

– De quoi vous parlez, sur ça, exactement ?

Il s'arrêtait subitement, puis reprenait aussitôt sa marche.

– Papa s'inquiète beaucoup pour toi. Il s'en veut de t'avoir laissé autant de liberté. Il pense que c'est en partie de sa faute.

Je serrais les dents. Comment il pouvait se reprocher ça ?

– C'est moi qui lui ai demandé plus de liberté. Ça n'a rien à voir.

– Apparemment, ce n'est pas un hasard, ce qui t'es arrivé.

Je tournais brusquement la tête vers lui.

– De quoi tu parles ?

Il se passait une main dans ses cheveux.

– Papa fait une enquête de son côté.

– Ça ne m'étonne pas. Mais ça me gêne, et ça m'énerve qu'il s'en mêle.

– Il veut simplement retrouver les connards qui t'ont fait ça. J'aurais fait la même chose, à sa place.

J'ignorais ce qu'il venait de dire et continuais à marcher.

– Jason, je ne veux pas que tu me regardes avec pitié.

Eh merde, je venais de dire ça à voix haute ?

Il s'arrêtait et me faisait face.

– Qu'est ce que tu crois, Mia ? Je suis ton frère, je n'ai pas de pitié pour toi. J'aimerais simplement revenir en arrière. Maintenant, je ne peux plus rien y faire, et je ne veux pas que tu te renfermes sur toi-même. On doit punir ses ordures, les enfermer et ensuite, tu verras que ça te soulagera d'un poids.

Son ton était menaçant. Il était vraiment en colère, et ma bouche se tordait.

– Tu crois vraiment que je vais pouvoir oublier un jour ce qui m'est arrivé ? Bordel, si tu savais combien de fois cette foutue scène repasse dans ma tête. J'en fais des putains de cauchemars et j'ai même maintenant peur de regarder ma tête dans une glace.

Il détournait les yeux, et je mordais ma lèvre en me rendant compte que je venais de m'énerver.

– Oublie ce que je viens de dire.

– Non, Mia, j'aimerais que tu m'en parles.

– Je n'ai rien à dire. J'aimerais seulement que les gens arrêtent de me demander si ça va ou de me parler de cette foutue affaire. Je ne veux pas y penser.

– Et pourtant, tu y penses tout le temps.

Je fermais les yeux en soupirant.

***

– Mia Watson ?

Je regardais autour de moi. Il y avait seulement une personne, et en voyant cette jeune femme me sourire de toutes ces dents, mon stress montait en flèche.

– Oui, c'est moi.

– Venez.

Elle m'indiquait un couloir, et je passais devant elle jusqu'à la dernière porte à droite.

Elle refermait la porte derrière nous, et un genre de petit salon m'accueillait.

Une fois assise derrière son bureau, elle me demandait :

– Donc, bonjour, je m'appelle Caroll Peterson. Je serais votre psychologue pendant les six prochaines semaines.

C'était déjà trop long...

– Alors, Mia, si vous permettez qu'on s'appelle par nos prénoms ?

Son sourire était sincère et je hochais la tête pour lui répondre.

– Bien. Alors, d'abord, comment vous sentez vous ? Vous étiez stressé en venant ici, ce matin ?

– Un peu.

– Oui, c'est normal. C'est la première fois que vous rencontrez un psychologue ?

Je mordais ma lèvre. A vrai dire, j'avais déjà rencontré des psychologues pendant ma carrière de gymnaste, et aussi lorsque ma mère était mourante à l'hôpital.

– J'ai déjà parlé avec des psychologues.

– Ah oui ? Dans quelles situations ?

Elle semblait très intéressée, et savoir qu'une personne inconnue avait envie de tout savoir sur ma vie mettait automatiquement des barrières devant moi.

– Euh, durant l'hospitalisation de ma mère.

– Oh, d'accord, et cela vous a aidé ?

Je haussais les épaules.

– Vous en avez rencontré dans d'autres situations ?

– Euh, oui, durant ma carrière de sportive de haut niveau, plus pour un suivi de contrôle.

– Oh, quel sport pratiquez-vous ?

– J'ai fais de la gymnastique, mais j'ai arrêté il y a quelques mois, suite à la mort de ma mère.

Elle tordait sa bouche, et baissait les yeux sur mon dossier.

– D'accord, très bien Mia. Je suis contente que vous soyez assez ouverte avec moi, cela sera plus simple si on discute à cœur ouvert.

Si c'est mieux, alors...

– Vous êtes ici aujourd'hui pour une toute autre raison, et j'aimerais savoir si c'est une volonté de votre part de me suivre, ou si on vous l'a imposé ?

– Mon père me l'a imposé.

– D'accord. Alors, d'abord, expliquez-moi ce qui vous a conduit ici. Racontez-moi.

Je prenais une grande inspiration avant de lui expliquer mon agression, jusqu'à l'hôpital.

Elle ne bougeait pas, ne cillait pas, et m'écoutait avec attention.

Je rêvais que d'une chose, c'était de fuir de cet endroit, et de retrouver ma chambre.

Cet interrogatoire se finissait une heure plus tard. J'avais le cerveau en compote et le dégoût de moi-même était encore plus intense. Jamais je ne pourrais accepter ce qui s'était passé, comme jamais je n'arriverais à tourner la page.

Dans une semaine et trois jours, je serais de retour au lycée, et je devrais faire face à toutes ces rumeurs et ces regards de pitié que je n'avais pas envi de croiser.

***

– Mia ?

– Julia ?

– Oh, bordel, Mia, ton père m'a appelé.

Je soufflais en fixant ma télé.

– Et qu'est-ce qu'il t'a dit ?

– Que tu t'étais fait agresser.

Je serrais les dents, l'imaginant stresser de l'autre côté du téléphone.

– Comment tu vas ? Elle me demandait, la gorge nouée.

– Ça pourrait aller mieux.

Ce matin, j'étais retourné chez la psy, et dans pile une semaine, je serais de retour au lycée.

– Pourquoi tu ne m'as pas appelé ?

– A quoi ça servirait ? On ne peut pas revenir en arrière.

Mes paroles devaient être un peu trop sèches, puisqu'elle ne répondait pas tout de suite.

– Je suis ta meilleure amie, Mia. C'est normal que je veuille être au courant de ce genre de chose. J'aimerais tellement t'avoir en face de moi

– On peut se parler en vidéo si tu veux ? Dis-je, en essayant d'être plus détendu.

– Bonne idée.

Moins d'une minute après, je voyais sa tête apparaître sur mon écran. Elle avait fait un chignon lâche et avait mit son gros sweat rouge.

C'est vrai qu'elle me manquait...

– Tu as l'air fatigué...

– Non, ça va. Et toi, tu n'as pas entraînement, aujourd'hui ?

– Non, je n'ai pas voulu y aller.

– Quoi ? Mais pourquoi ?

– L'équipe part aux championnats du monde, demain.

– Quoi ? Et toi du cou, tu n'as pas été sélectionné ?

– Non.

Je faisais une grimace, et mon cœur se serrait. J'étais tellement obsédée par moi-même, que je n'ai même pas pris la peine de prendre de ses nouvelles.

– Je suis désolé, Julia. Comment ça se fait ?

– J'ai terminé septième. Tu sais que j'ai régressé depuis que tu es partie, et je savais que je n'allais pas pouvoir y aller.

– Merde. Ça me fait vraiment de la peine pour toi...

– C'est bon, ça va. Moi ce n'est rien, on ne m'a juste pas sélectionné, mais toi, c'est beaucoup plus grave, ce qui t'es arrivé. Explique-moi vraiment comment tu vas ?

– Les gens ne me demandent que ça depuis une semaine. Je vais bien, pour l'instant. Je vois une psy deux fois par semaine, la police m'informe des avancées de l'enquête régulièrement et je ne sors presque pas de ma chambre. Je vais bien.

– Tu en es sûr ? Est-ce que la police sait qui t'a fait ça ?

– On a seulement deux noms, pour l'instant. Il nous manque le nom de deux personnes.

– Ils étaient quatre ?

Elle semblait choquée, et même horrifiée.

– Oui.

– Mon dieu, Mia, je ne sais pas quoi dire je suis tellement loin de toi, en plus.

Mes yeux commençaient à s'humidifier, et je levais un peu le téléphone pour qu'elle ne me voie pas craquer. J'en avais tellement marre de pleurer.

– Mia ?

– Oui ? Dis-je en essuyant mes yeux avec le revers de ma main.

– Je suis là. Je serais toujours là.

Je mordais ma lèvre et laissais encore couler quelques larmes.

– Je sais.

Et je raccrochais.

***

– Oui ?

Jack entrait timidement dans ma chambre, et refermait la porte derrière lui.

– Liam m'a appelé.

Eh Merde. Comment me faire stresser en moins d'une seconde ?

– Qu'est ce qu'il t'a dit ?

– Il voulait savoir si tu allais bien, parce que tu ne lui réponds presque plus.

Je détournais les yeux en ne sachant pas quoi dire.

– Pourquoi tu ne lui réponds pas ?

Il s'asseyait en face de moi et croisait mon regard.

– A ton avis ? Parce que, à cause de ce que j'ai vécu, je ne peux pas reprendre ma vie normalement, comme si tout allait bien.

Il fronçait les sourcils.

– Je peux savoir qui t'a mis ça dans le crâne ?

– Moi. Et j'ai raison. Quand je l'ai vue en rentrant de l'hôpital, j'étais terriblement gênée. J'avais honte de moi, et je ne sais pas pourquoi. Et maintenant, faire semblant que tout aille bien devant lui, ça me fait flipper. J'ai peur de le dégoûter.

– Pourquoi tu le dégoûterais ? Tu n'es pas la première fille à qui ça arrive. Tu ne vas pas t'empêcher de vivre et culpabiliser pour les autres, maintenant.

Je fuyais son regard. Il venait de me lancer une sorte d'avertissement.

– Tu n'as ressenti que de la honte quand tu as vue Liam ?

– Je ne sais pas. Non. J'étais bien dans ses bras, vraiment bien. Mais je ne supporterais pas qu'il reste avec moi par pitié. Il est quelqu'un, et moi je ne suis personne. Dis-je, la gorge nouée.

– Qu'est-ce que tu viens de dire ? Je t'interdis de dire que tu n'es personne. Tout le monde est quelqu'un, d'ailleurs. Et maintenant, je veux que tu répondes à Liam et que tu fasses comme si rien ne s'était passé.

– Tu crois que c'est aussi facile ? J'y pense jour et nuit et je suis en train de devenir folle, Jack. Je ne veux pas affronter tous les gens qui m'ont vue couché, inconsciente après mon agression. Ça me répugne de savoir que tant de gens m'ont vue dans cet état, j'ai tellement honte.

Il reculait sa tête et me regardait plus profondément :

– Tu as honte ? Mais honte de quoi, Mia ? Tu t'es fait agresser, et tu n'y es pour rien. L'essentiel, c'est de retrouver les types qui t'ont fait ça, et devant les autres, tu dois montrer que tu es forte et que cette agression ne t'atteint pas. Je te rappelle que les gens croient que c'était une simple agression. Personne ne sait que c'était une agression sexuelle.

Je baissais les yeux, sentant les larmes me monter aux yeux.

– Tout ça pour te dire que ce qui s'est passé ne doit pas freiner tes envies. Tu as envie de voir Liam, va le voir. Tu as envie de sortir, sors. Et, si tu as envie de crier, crie. C'est aussi simple que ça.

Un petit rire m'échappait, et je levais les yeux pour montrer qu'il arrivait quand même toujours à me faire rire.

– Je vais lui envoyer un message, pour commencer.

– Bien. De toute façon, n'oublie pas, tu seras obligé de revoir tout le monde la semaine prochaine.

Je levais les yeux au ciel, refusant d'y penser, et le regardais sortir de ma chambre.

Je prenais mon portable et cliquais sur la conversation de Liam. Mes mains tremblaient, et je ne savais absolument pas pourquoi. Son dernier message datait de ce matin. Je ne lui avais pas répondu depuis hier, et il s'inquiétait pour moi.

            
            

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