– Qu'est-ce que tu fais ici ? J'arrivais à articuler.
– Papa m'a appelé, tôt ce matin... J'ai pris le premier vol.
Je fixais le mur en face de moi, et réalisais que j'étais sur un lit d'hôpital. Jason semblait inquiet, et je me demandais bien ce qui avait pu se passer.
– Que... qu'est-ce qui s'est passé ? Où est Liam ?
– Tu ne te souviens de rien ? Il me demandait, surpris.
Je fixais un point invisible devant moi.
La soirée... Des inconnus... La voiture... Ma respiration... Mon corps retenu... Tout revenait comme des flashs, et je me demandais si c'était dans mon rêve, ou si quelque chose m'était vraiment arrivée.
– Je... j'étais à une soirée, et...
Je fronçais les sourcils, essayant de me rappeler le moment où ça avait pu déraper.
– Les ambulanciers sont venus te chercher cette nuit. Il était environ deux heures du matin. Tu... tu t'es fait agresser.
– Quoi ? Mais il est quelle heure ?
– Il est presque dix-neuf heures.
– Est-ce que, je...
Quelqu'un frappait. Jason se reculait et se tournait vers la porte. Papa entrait, les larmes au bord des yeux.
– Mia...
Je ne savais pas pourquoi, mais voir mon père comme ça me donnait envie de fondre en larmes. Un infirmier et un policier le précédaient.
– Papa.
– Comment tu te sens ? Il me demandait, en se penchant au-dessus du lit.
Il tremblait, et semblait s'en vouloir pour quelque chose que j'ignorais.
– Mademoiselle Watson, je suis content que vous soyez déjà réveillée. Je suis le docteur Edwards, c'est moi qui suis votre dossier.
Je ne lui répondais pas. Voir autant de gens autour de moi m'oppressait déjà. Et, voir un flic dans ma chambre me dérangeait.
– Comment vous sentez-vous ?
– Je ne sais pas. J'ai... J'ai l'impression d'avoir mal un peu partout, mais aussi de ne rien sentir du tout.
– C'est normal. On vous a administré un sédatif. Nous vous avons opéré ce matin.
– Opéré ? Dis-je, surprise.
Papa relevait la tête vers le médecin, avant de regarder le policier et de revenir sur moi.
– Oui, vous avez reçu un coup de couteau au bas du ventre, mais on reviendra dessus plus tard. Vous avez également un pneumothorax, qu'il faudra surveiller. Votre poumon s'est décollé de huit centimètres, et c'est pour ça que vous allez sûrement avoir du mal à respirer. Du repos et pas trop de déplacement et tout ira mieux. Vous avez également reçu un choc à la tête, et il faudra qu'on vous fasse d'autres analyses.
Des analyses ? Un coup de couteau ? Un poumon décollé ? Un choc à la tête ? Tout tournait en boucle dans ma tête.
– Comment j'ai pu avoir tout ça ? Je... je ne comprends pas.
Et voilà que tout le monde me fixait. D'autres flashs revenaient, mais cela me faisait mal, rien que d'y penser. Est-ce que je m'étais vraiment fait agresser, à cette soirée ?
– Mia, de quoi tu te souviens ? Me demandait papa.
– J'étais à une soirée chez Nico. Je... je n'ai pas bu beaucoup mais, à un moment, je me suis senti vraiment bizarre. Comme si je ne contrôlais plus rien. Dis-je en fixant droit devant moi, pour tenter de me remémorer ces dernières heures.
– Oui, mademoiselle Watson, nous avons retrouvé de l'acide gammahydroxybutyrique dans votre sang, lors de vos premiers examens quand vous êtes arrivée à l'hôpital cette nuit. Cet acide est plus connu sous le nom de GHB. Cela veut dire qu'une personne, ou peut-être vous, avez pris de la drogue. C'est pour cela que vous ne vous rappelez pas...
– Quelqu'un l'a drogué ? Criait mon père.
– Oui, c'est une drogue très rependue dans les soirées. On l'appelle aussi « la drogue du violeur ».
Drogue du violeur... des images horribles me brouillait la vue et mon cœur commençait à accélérer.
– Quelqu'un a dû la verser dans votre verre sans que vous vous en rendiez compte. C'est une drogue liquide qui est facilement dissimulable et...
– Mia, dis-moi de quoi tu te rappelles d'autre ?
Papa était au bord de la crise de nerf, et j'avais peur qu'il explose devant moi.
– Monsieur, s'il vous plaît, il ne faut pas la stresser dans son état. Elle doit se reposer.
– Oui, mais je dois m'entretenir avec elle avant. Je suis obligé de faire un rapport. Intervenait enfin le policier.
Un rapport ?
– Ma fille vient d'être agressée, et je suis moi-même dans la police, alors s'il vous plaît, laissez-là.
– Papa, s'il te plaît... Dis-je, pour tenter de le calmer.
Je fixais mes mains qui tremblaient, et les images qui repassaient en boucle dans ma tête me donnaient déjà la nausée.
– Je veux juste m'entretenir avec elle quelques minutes, et ensuite, je partirais et vous pourrez rester auprès d'elle. Mademoiselle Watson, êtes-vous d'accord ?
Papa me fixait avec insistance. Il attendait mon accord. Je hochais la tête en gardant la tête baissée. Je n'avais pas envie de penser maintenant, mais il fallait que je le fasse.
– On est dans le couloir, s'il y a un souci. Me disait Jason en posant une main sur la mienne.
Je lui souriais faiblement en les regardants sortir un à un par la porte blanche.
Le policier s'approchait de moi et rapprochait la chaise qui se trouvait contre le mur pour s'asseoir près de moi. J'avalais ma salive, redoutant les questions qu'il allait me poser.
Mon cerveau était en vrac.
– Alors, mademoiselle Watson, je suis désolé de vous faire subir un interrogatoire maintenant, mais plus on est proche des faits et plus on aura d'éléments pour retrouver vos agresseurs.
Je fixais mes mains jointes. Mes agresseurs...
– Donc, d'abord, la soirée se trouvait bien chez Nicolas Klein ?
– Oui, c'est bien ça. Ses parents n'étaient pas là pendant plusieurs jours et il voulait en profiter.
– Combien avez-vous bu de verre et qu'est-ce que vous avez bu ?
Je tournais la tête vers lui, choquée de sa question.
– Je suis désolé pour ces questions, mais plus j'aurais de réponses, et mieux ce sera.
– J'ai bu du Jägermeister. Cinq verres, je crois.
– Vous rappelez-vous avoir laissé votre gobelet sans surveillance pendant la soirée ?
– Non, je ne crois pas. Je l'avais toujours dans la main.
– D'accord, alors, d'après votre amie, Aria Hall, vous êtes sortis dehors, parce que vous vouliez prendre l'air ?
Je fronçais les sourcils, et fixais mes doigts, tentant de me rappeler tout ce qui s'était passé. La chaise... Mon téléphone qui me tombait des mains... Ma tête qui tournait...
– Je me rappelais que j'avais chaud, et que j'avais besoin d'air. Ma tête me tournait, alors je suis allé m'asseoir dehors. J'ai dû rester quelques minutes assise, ou quelques secondes... Je ne me rappelle pas bien. Et suite quelqu'un est venu me voir.
Je levais les yeux sur le mur.
– Fermez les yeux, cela vous aidera à vous souvenir. La drogue que vous avez ingurgitée a dû vous effacer quelques souvenirs, et c'est pour ça qu'il est impératif que vous vous concentriez pour retrouver vos souvenirs.
Je fermais les yeux, et essayais de me concentrer. Ma poitrine me faisait mal quand je respirais trop profondément.
– J'ai marché, sur plusieurs mètres. Et je me rappelle avoir vraiment ouvert les yeux quand je me suis retrouvé au milieu de voitures, loin de tout le monde. Des garçons riaient...
– C'est bien, continuez. Comment étaient-ils, et, combien ?
– Je... je ne sais plus vraiment, quatre ou cinq, il me semble. Je crois que je suis tombé plusieurs fois par terre, et... Et ensuite...
Il est rentré en moi. J'ouvrais les yeux, terrifiée. Les larmes me montaient aux yeux et je me cachais derrière mes mains qui tremblaient.
– Oh mon Dieu, non...
– Mademoiselle Watson, je sais que c'est dur, mais j'ai vraiment besoin que vous restiez concentré pour qu'on puisse retrouver vos agresseurs.
Je tentais de reprendre mon souffle au moment où j'entendais les BIP s'accélérer sur l'électrocardiogramme.
– Je... ils m'ont jeté contre la voiture. J'avais mal... J'ai essayé de me défendre, mais l'un d'eux m'a... je crois qu'il m'a mis une gifle.
Les larmes continuaient de couler sur mes joues, mais ce n'était rien en comparaison à ce que je ressentais dans mon cœur.
– Vous vous souvenez de leurs visages ?
– Non. Je ne me souviens de rien. A part... à part que l'un d'entre eux avait un tatouage qui dépassait de son T-shirt.
– D'accord, bien. On y reviendra plus tard. Continuez.
– Euh, ensuite, l'un des garçons a commencé à se déshabiller, et j'avais peur, je pleurais, il a déchiré mon collant. Et ensuite, c'est là que que j'ai senti...
Je ne pouvais plus parler. J'explosais à nouveau, en larmes. Mes BIP commençaient de nouveau à accélérer, et je sentais ma poitrine se compresser. Je me mettais en position assise, et une immense douleur me tordait le ventre. Le policier se levait et la porte s'ouvrait d'un claquement.
– Mademoiselle Watson, vous devez vous calmer.
Le médecin passait une main derrière mon dos et me posait délicatement contre mon coussin. Il enlevait ensuite mes mains, que j'avais posées sur ma poitrine pour tenter de retrouver mon souffle.
– Mia, s'il te plaît, calme-toi. Me disait Jason en arrivant de l'autre côté du lit.
Mes larmes me brouillaient la vision et je sentais que ma respiration se faisait de moins en moins douloureuse.
– Voilà, c'est bien, calmez-vous, respirez doucement.
Je fixais le plafond en respirant doucement. J'allais mieux, et je sentais mes larmes couler dans mon cou.
– Qu'est-ce qui s'est passé ? Demandait papa au policier, un peu sèchement à mon goût.
– Elle s'est replongée dans ces souvenirs. Je peux vous laisser. J'ai pu noter quelques informations. Je vous appellerais, si besoin.
Personne ne lui répondait, et j'entendais la porte se refermer. Il ne restait plus que le médecin, une infirmière, que je n'avais pas vu rentrer, et Jason et papa.
– Je sais que c'est dur, mademoiselle Watson, mais vous devez vous accrocher. Vous êtes une battante, je le vois dans vos yeux.
Je faisais un sourire faussement joyeux, en fixant toujours le plafond. Ces images ne me quittaient plus, et j'avais tout à coup l'envie de prendre une immense douche. Je me sentais dégueulasse, et honteuse.
– Est-ce que vous pouvez nous laisser un instant ?
Le docteur s'asseyait à côté de moi. Papa et Jason ne protestaient pas et sortaient de la chambre.
– Mademoiselle Watson.
– Appelez-moi Mia, je n'ai que dix-huit ans.
– D'accord, si vous voulez, Mia. Vous venez de faire le plus dur. Vous replongez dans vos souvenirs n'est pas quelque chose de facile, mais ça aideras beaucoup pour l'enquête.
Je faisais un sourire en coin. Qu'on me laisse tranquille pour que je puisse pleurer tranquillement et mourir en paix...
– Je voulais parler des premières analyses qu'on avait faites ce matin. Nous allons vous faire une nouvelle prise de sang un peu plus tard, mais je voulais avant discuter avec vous sur votre agression.
Je fermais les yeux un instant. Non, ne pleure pas.
– Je sais que c'est dur d'en parler, en plus, je suis un homme, mais vous n'êtes pas la première que je rencontre dans ce cas.
Je tournais la tête rapidement vers lui. C'est la première fois que je le regardais bien en face depuis tout à l'heure. Il avait la quarantaine d'années, des cheveux noirs et une peau légèrement mate. Il avait un sourire rassurant.
– Vous avez déjà rencontré des filles, qui se sont faites...
Je n'arrivais pas à terminer ma phrase. Le mot restait bloqué dans ma gorge et je retenais encore mes larmes.
– Oui. Il finissait pour moi. Vous n'êtes pas la seule, ne vous inquiétez pas. Donc, si je reviens à vos examens, nous avons effectué un état des lieux de vos blessures. Nous avons constaté qu'il y avait des traces d'ecchymoses et de griffures sur votre peau.
Je serrais mes doigts et m'obligeais à ne pas fermer les yeux pour ne pas replonger dans ce cauchemar.
– Nous n'avons pas attendu votre réveil pour faire un premier prélèvement au niveau de vos parois vaginales.
Je serrais encore plus fort mes doigts, et bloquais un instant ma respiration.
– Nous n'avons pas besoin d'effectuer un nouveau test, puisque nous avons pu détecter les cellules de l'agresseur.
Je levais la tête vers elle.
– Oui, je sais que c'est dur à entendre, mais c'est une bonne chose, nous allons pouvoir identifier votre principal agresseur.
Ne pleure pas, ne pleure pas...
– Il faut également que je vous fasse une prise de sang, pour...
– Voir si je n'ai pas de maladies et si je ne suis pas enceinte. Je finissais.
Une larme coulait sur ma joue et je priais pour que tout ceci ne soit qu'un rêve.
Où était Liam ? J'avais tellement besoin de lui...