Chapitre 4 CHAPITRE 4

MIA

– Tu es prête ?

– Oui.

Parler normalement à papa et Jason était difficile. Les voir me regarder avec pitié me mettait les nerfs, mais en même temps, ce n'était pas de leur faute.

La seule bonne nouvelle de la journée, c'était que mes tests s'étaient révélés négatifs, et que je n'étais pas enceinte de mon violeur. Cela ne m'avait pas tant soulagé que ça, puisque j'étais complètement morte à l'intérieur, depuis jeudi soir. Non en fait, plutôt depuis vendredi, deux heures du matin.

– Tu as tout ?

– A toi de me le dire, c'est toi qui a fait mon sac.

Papa était épuisé, et je ne lui facilitais pas la tâche. Jason n'osait rien dire depuis vendredi, et je lui en étais éternellement reconnaissante.

Me retrouver dehors me procurait une sensation étrange, mais cela me faisait du bien. Rester enfermer dans cette chambre à déprimer toute seule ne m'aidais pas à oublier. Enfin, rien ne pourra jamais m'aider à oublier.

– Il est déjà dix-neuf heures, tu as faim ?

– Non. Dis-je, une fois dans la voiture.

Papa se raclait la gorge, et je croisais le regard inquiet de Jason dans le miroir du pare-soleil. Je maintenais son regard quelques secondes avant de détourner les yeux vers la route.

Vite, que je m'enferme dans ma chambre pour que je puisse pleurer en paix.

– Il annonce de la pluie toute la semaine. Nous disait mon père pour faire la conversation.

Je ne répondais rien, et Jason semblait chercher ses mots.

J'aurais préféré le revoir dans d'autres circonstances. Mais au fond, j'étais contente qu'il soit venu, pour moi.

Arrivée devant la maison, je détachais ma ceinture et sortais le plus vite possible, en priant pour que mon père ne se force pas à parler une nouvelle fois.

– Je prends tes affaires. Me disait Jason, quand je passais devant lui.

– Merci.

Karen apparaissait à l'entrée, et un faible sourire m'accueillait.

– Bonjour Karen.

– Mia.

Elle me serrait un instant dans ses bras avant de me laisser passer, et je découvrais Jack, appuyé contre l'escalier. Mes larmes commençaient à remonter quand je découvrais son visage triste. Où était le Jack toujours joyeux ?

– Mia, comment tu te sens ?

Il me prenait dans ses bras et je le serrais fort contre moi, comme si j'espérais qu'il pouvait me donner un peu de sa force, et en me redressant, j'essuyais une larme sur ma joue.

– Ne pleure pas. Tu es quelqu'un de forte, Mia.

Je lui faisais un sourire, et il s'avançait vers moi pour me chuchoter à l'oreille :

– Tout à l'heure, j'ai fait rentrer Liam discrètement dans ta chambre. Il veut absolument te voir.

– Merci. Dis-je, au bord des larmes.

Il mettait une main dans mon dos et m'incitait à monter. Je l'entendais dire derrière moi :

– Je vais prendre ses affaires.

Je montais doucement les escaliers et m'arrêtais devant la porte de ma chambre avec appréhension. Pitié, ne pleure pas encore devant lui.

J'ouvrais la porte et parcourais ma chambre des yeux. Pas de Liam. Je la refermais et me dirigeais vers ma salle de bain. Il en sortait aussitôt. Il s'arrêtait devant moi et je levais difficilement les yeux vers lui. Il semblait triste, vraiment triste, et semblait même s'en vouloir.

– Je suis tellement désolé.

Il ne disait rien d'autre, et je sentais que mes lèvres commençaient à trembler. Voyant que j'étais prête à pleurer, il me prenait immédiatement dans ses bras, et j'explosais en sanglot. Le sentir contre moi me réchauffait le cœur, et comme d'habitude, être avec Liam faisait ressortir mes émotions.

– Bébé...

Après quelques minutes de silence et de pleure, je m'essuyais les yeux doucement et soupirais pour tenter de me calmer.

– Je suis désolé, Liam.

– Tu n'as pas à être désolé. J'aurais dû...

Il s'éclaircit la voix, comme s'il venait de pleurer.

– J'aurais dû faire attention à toi. Je n'aurais pas dû te laisser toute seule. C'est ma faute.

– Non, c'est de la mienne. Je n'aurais jamais dû sortir dehors toute seule, mais je ne me sentais pas bien. J'ai appris qu'ils m'avaient droguée. Finis-je par dire, encore au bord des larmes.

– Je sais, Josh m'a tout raconté.

Je me redressais et le regardais dans les yeux. Très vite, il les détournait et je regardais ses mains tremblantes se poser sur mes avant-bras.

– Et toi, ça va ?

– Ce n'est pas le moment de me demander ça.

Je faisais un sourire triste en fixant son T-shirt.

– Je suis désolé, pour la prison.

– Ne sois pas désolé. Je ne regrette pas du tout d'avoir frappé ce mec, d'accord ? Tu n'as pas à être désolé, pour rien du tout, d'accord ?

Je ne répondais pas. S'il savait à quel point j'avais peur.

– Vous m'avez trouvé quand ? Je demandais doucement.

– On est sortit dehors et on t'a vue entouré de quatre mecs. J'ai couru et je suis arrivé le premier. J'ai pu me jeter sur l'un d'eux.

– Oui, apparemment, il est encore à l'hôpital. Tu n'aurais pas dû faire ça pour moi, je ne veux pas que tu aies des problèmes.

– Si tu savais comme je m'en fous d'avoir des problèmes. J'aurais bien aimé les tuer tous les quatre.

Il serrait le poing et soupirait longuement pour se calmer.

S'il savait à quel point je l'aimais, surtout depuis qu'il m'avait défendu. Mais maintenant, les choses ne seront plus jamais comme avant.

– Je... je connais le nom de mon principal agresseur.

– Vraiment ? C'est qui ? Il me disait directement, comme s'il était prêt à le tuer maintenant.

– Je ne te le dirais pas. Je ne veux pas que tu ai des problèmes à cause de moi.

Il fermait les yeux un instant et soupirait encore.

– Je vais aller déposer plainte, demain, dans la journée. Mon père m'y oblige et le médecin m'a presque ordonné de le faire aussi.

– Oui, c'est ce qui a de mieux à faire. Il faut qu'on les retrouve.

– Oui, il faut que la police les retrouve, pas toi. Dis-je, en tentant de le calmer.

Il ne répondait rien, et je me mordais la lèvre.

– Il faut que tu te reposes, et surtout, il faut que tu manges. Tu as besoin de prendre des forces.

– Si tu savais comme je n'ai pas du tout envi de manger. J'aimerais rester avec toi. Dis-je, en le prenant dans mes bras.

Il me serrait fort pendant un moment avant de me dire :

– Mia, maintenant que je t'ai vue, il faut que je parte. Si ton père me voit...

– Je sais, mais on se revoit quand ? Dis-je, en levant la tête vers lui.

– Très vite, je te le promets.

Il passait une mèche de mes cheveux emmêlés derrière mon oreille et je fermais les yeux en sentant son doigt glisser contre ma peau.

– Je t'aime.

Des frissons me parcouraient le corps. L'entendre après ce qui s'était passé me rassurait.

– Je t'aime aussi.

Il se penchait et m'embrassait, lentement, et j'oubliais tout ce qui se trouvait autour de moi.

Il se redressait et reportait son regard sur mon bras. Son corps se tendait d'un coup et je suivais son regard. Mes ecchymoses.

Je baissais les yeux, gênée, mais il mettait une main sur mon menton, pour me relever la tête.

– N'y pense pas.

Plus facile à dire qu'à faire...

Il prenait mon bras et caressait l'ecchymose sur mon poignet. Je bloquais ma respiration et mes tremblements recommençaient.

– Je te promets que je vais retrouver ses fils de...

– Non. Tu ne feras rien, s'il te plaît. Je ne veux pas que tu te retrouves dans ces problèmes. Pas à cause de moi. Vu comme mon père est remonté, il retrouvera les autres.

– Les autres ? Il répétait.

– Les autres noms. Il y en a déjà un à l'hôpital, grâce à toi, et le nom de mon agresseur principal, celui qui m'a...

Je m'arrêtais. Mon corps m'interdisait de finir ma phrase, et je sentais déjà des larmes remonter. Non, stop, tu ne peux plus pleurer, c'est fini.

– Tu peux partir, si tu veux. Mais, fait attention à toi.

– Toi, fais attention à toi.

Il me caressait la joue avant de m'embrasser une nouvelle fois.

– Je t'aime, tu le sais ?

– Oui, et moi aussi, je t'aime.

***

– Tu viens manger ? Me demandait Jack en entrant dans ma chambre.

– Je n'ai pas faim.

– C'est non négociable.

Il s'approchait de mon lit et se plantait en face de moi.

– Jack, s'il te plaît, je suis fatigué, et je veux être seul.

Je me remettais face à la télé.

– Tu m'en veux ?

– Quoi ? Dis-je en le regardant.

– Tu m'en veux d'être partie tôt, jeudi soir ?

– Jack, mais pas du tout, tu n'y es pour rien. Rien du tout.

– Alors descend, s'il te plaît. Toute ta famille est là.

Voyant que j'avais automatiquement pensé à maman, il rajoutait :

– Enfin, ton frère est là.

– Très bien, j'arrive.

J'attendais qu'il sorte de ma chambre pour soupirer et taper un cou sur mon lit. Je descendais la manche de mon pull, quand je voyais le bleu laissé sur mon poignet. A quoi bon mettre un gros pull, si cela ne cachait rien ?

– Ah, Mia, qu'est-ce que tu veux manger ?

Quand j'arrivais dans la cuisine, j'avais un petit mouvement de recul en voyant mon frère assis à ma place habituelle. Je devais m'habituer à le voir, parce que quelque chose me disait qu'il n'allait pas repartir de sitôt.

– Merci Karen, mais je n'ai pas faim.

Je m'asseyais au bout de la table, pile en face de papa.

– J'ai fais de la soupe maison, ça te fera du bien d'en manger un peu.

– Karen, je ne suis pas malade, mais je vais en manger un peu.

Elle me souriait et prenait immédiatement mon assiette. Je ne pensais pas qu'accepter de manger sa soupe lui ferrait autant plaisir.

– Merci, merci. Je disais, en la voyant ajouter une deuxième louche.

Jason me jetait un regard en coin, comme s'il avait peur que je le surprenne en train de me regarder. Ou peut-être voulait-il voir si j'allais bien ? Mais inutile de me regarder avec insistance, puisque cela se voyait directement.

– Mia, je te laisse te reposer demain matin, mais dès demain après-midi, il faut qu'on aille au commissariat.

Je levais la tête vers lui et ouvrais la bouche. Mais rien ne sortait. Pas un mot.

– Et moi, j'ai pris mon jour, je serais là. Essayait de me rassurer Karen.

Encore aucune réponse de ma part. Si seulement ils pouvaient tous arrêter de me regarder avec pitié.

– Et moi, je retournerais au travail après notre dépôt de plainte. J'ai mis mes hommes sur le cou.

– Quoi ? Dis-je, choquée. Papa, ce n'est pas ton travail. Normalement, tu ne fais pas dans les affaires de viol.

Comme si ce mot était un pêché, tout le monde s'arrêtait de manger, et je voyais mon frère pâlir.

– Excusez-moi.

Jason reculait sa chaise et s'éclipsait par la porte vitrée. Je me sentais encore plus mal, et j'avais tout à coup trop chaud.

– Excusez-moi aussi.

Mes larmes recommençaient à couler et je me levais de table.

– Mia... Me disaient Karen et papa à l'unisson.

– S'il vous plaît, je n'ai pas faim.

Et je remontais dans ma chambre.

Après avoir une nouvelle fois séché mes larmes, je me décidais à rallumer mon portable.

Je ne l'avais pas fait depuis que Josh me l'avait rendu, et j'avais peur de ce que je pouvais recevoir ou ne pas recevoir.

A peine je l'avais allumé qu'il se mettait à vibrer dans tous les sens. Des notifications, des messages, des appels manqués...

J'ignorais les dernières notifications et descendais jusqu'à jeudi. Un appel de Liam. Liam avait essayé de me joindre un peu avant que je me fasse agresser, ou peut-être même, pendant que je me faisais agresser.

Je serrais les cuisses, comme si quelque chose venait de me brûler, et regardais à nouveau mon portable.

Aucune autre notification pendant cette nuit-là, mais beaucoup d'autres pendant ces deux derniers jours. Des messages d'Aria, ainsi que cinq appels de sa part et quelques messages des filles. J'en avais même un dAlec et Matt. Mon dieu, mais combien de personne était au courant de mon agression ? Une panique m'envahissait, et je me dirigeais vers ma porte de chambre, quand je réalisais que Jack était encore en bas en train de manger. Merde !

Eh bien, il ne me restait plus qu'à appeler Aria. J'avais besoin de savoir.

            
            

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