Chapitre 2 CHAPITRE 2

MIA

Je me réveillais, bercée par les BIP incessants.

Une main se posait sur moi.

– Liam ? Dis-je, d'un grand soulagement.

Mais c'est Josh qui levait la tête vers moi. Je cachais ma grimace. Qu'est-ce qu'il faisait là ?

– Mia, je suis rentré discrètement. Ton père est descendu, et ton frère dort sur un siège, dans le couloir.

Je me redressais un peu dans mon lit. Et oui, je ne me réveillais toujours pas de ce cauchemar.

– Comment tu te sens ?

Il semblait inquiet, et voir Josh avoir pitié de moi me donnait encore plus envie de pleurer.

– Où est Liam ?

– Il... euh... il n'est pas là.

Je le regardais en levant un sourcil. Non, mais c'est vraiment le moment de me prendre pour une conne ?

– Il est en garde à vue.

– Quoi ? Je disais, le cœur serré.

– Quand on t'a trouvé, trois mecs se sont barrés avant qu'on puisse leur courir après. Liam a réussi à sauter sur le quatrième. Il lui a un peu trop refais le portrait, et quand les flics sont arrivés, ils ont été obligés de l'emmener avec eux. Ce n'est pas passé en légitime défense, parce que ce connard n'a pas agressé mon frère, mais toi.

Mon sang commençait à bouillonner, et je serrais les poings.

– Mia, j'ai besoin que tu me dises, si tu te souviens de quelque chose, sur eux. Comment ils étaient ?

– Josh, ils m'ont drogués, putain, je ne me rappelle pas de leur tête, juste qu'ils mont violés.

J'avais criée un peu trop fort, et il reculait d'un pas, blessé et désemparé.

– Je suis désolé, tu n'y es pour rien, mais j'ai vraiment les nerfs. Quand Liam pourra-t-il sortir ? J'ai besoin de lui...

– Il... ne t'inquiète pas, mon père va le faire sortir dans moins de vingt-quatre heures, comme d'habitude.

– Comme d'habitude ?

Il fronçait les sourcils, et reprenait :

– Non, enfin, je veux dire, mon père peut faire tout ce qu'il veut. Et en plus, Liam n'a rien fait de mal, à part défendre sa copine qui se faisait agresser par des connards.

Il serrait le poing et fixait devant lui. Il avait du mal à me regarder dans les yeux.

– Donc, tu ne te rappelles pas de leurs têtes ?

– Non.

– D'accord. Putain. Et ça va ?

– A ton avis ? Dis-je, avec un petit sourire triste.

– Désolé, question débile, encore.

– Merci d'être passé, Josh, mais je pense que tu devrais partir. Si mon père te voit ici, surtout aujourd'hui, il va te sauter à la gorge.

– Oui, je vais y aller. Avant, je voulais te donner ça.

Il sortait mon portable de sa poche de jean et le posait sur la table à côté de mon lit.

– N'hésite pas à m'appeler si ça ne va pas. Ne t'inquiète pas pour Liam, il reviendra plus tôt que prévu.

Il était sur le point de partir, mais je l'appelais pour l'arrêter.

– Oui ?

– Merci d'être passé, Josh.

Il me faisait un petit sourire avant de partir et de refermer la porte derrière lui.

Et Aria ? Jack ? Les autres ? Où étaient-ils ? Est-ce que tout le monde m'avait vue ?

Je mordais ma lèvre avant de laisser quelques larmes couler sur ma joue.

***

– Mia ?

Je tournais la tête vers le médecin qui venait de rentrer dans ma chambre. Ma vision était encore trouble, à cause de mes larmes, et je me frottais les yeux.

– Oui ?

– J'ai vos résultats.

Mon cœur s'emballait, et je priais intérieurement pour qu'il n'ait rien détecté.

– J'ai une bonne nouvelle, pour l'instant, nous n'avons rien identifié.

– Pour l'instant ? Je répétais.

– Oui, nous allons devoir vous refaire une prise de sang avant votre départ.

– Mais, pourquoi ? Dis-je, les mains tremblantes.

– Comme vous le savez, lors d'un rapport sexuel, le sperm...

– J'ai compris. Je le coupais.

Je serrais mes mains, comme si je pouvais arrêter les tremblements.

– Aussi, je vous ai dit que nous avions trouvé des traces de votre agresseur.

– Oui ? Dis-je, la boule au ventre.

– La police l'a identifié, il s'agit d'un dénommé Rodrigo Flores. Il est déjà connu des services de police depuis quelques années, ça vous dit quelque chose ?

Des images de l'agression me revenaient en pleine face.

– Non, cela ne me dit rien.

– D'accord. La police reviendra vers vous un peu plus tard. En attendant, laissez faire les choses et essayer de penser un peu à vous.

Penser à moi... Mission impossible.

– Bien. Et, j'ai une autre bonne nouvelle, vous allez pouvoir rentrer chez vous dimanche, dans la soirée.

– Rentrer chez moi ?

Il me souriait, comme s'il m'annonçait quelque chose de formidable. En quoi c'était une bonne nouvelle ?

– Vous aurez besoin de repos, et vous serez suivi par un psychologue dès la semaine prochaine.

Un psychologue ? J'étais officiellement dans la case : cas désespéré.

Je ne répondais rien et fixais le mur devant moi, encore une fois. C'est bizarre comme je n'avais plus envie de ne voir personne. En une journée, j'avais l'impression d'être devenu quelqu'un d'autre, et je me sentais tellement vide que j'avais l'impression que je n'étais même plus dans le vrai monde.

– J'ai une question.

– Oui ?

– Quand pourrais-je me laver ?

Il se raclait la gorge, comme s'il voulait gagner du temps pour formuler sa réponse.

– Je demanderais à une infirmière de venir vous aider à vous laver demain matin.

– Demain matin ? Mais je ne veux pas attendre aussi longtemps.

– Mia, il est déjà bientôt vingt-deux heures trente. Une bonne nuit de sommeil et l'infirmière viendra dès que vous serez réveillée.

Je soupirais.

– Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à nous appeler sur ce bouton.

Il me montrait un bouton rouge sur ma table de nuit, à côté de mon portable et je hochais la tête.

– Bien, je vais vous laisser vous reposer.

Je ne répondais pas et le regardais sortir. Je jetais ma tête en arrière et soupirais bruyamment. Ma poitrine me brûlait et je n'osais pas jeter un coup d'œil à mon corps. Des ecchymoses, des analyses en attentes et des agresseurs dans la nature... c'est tout ce dont j'avais droit, aujourd'hui.

***

Cette nuit avait officiellement été la pire de ma vie.

Depuis le départ du docteur Edwards, hier soir, je n'avais fait que m'endormir et me réveiller toutes les dix minutes. Fermer l'œil m'obligeait à repenser à cette horrible nuit.

Ce qui me terrifiait le plus, c'est que je n'avais que quelques souvenirs de la soirée, et que quand j'essayais de me visualiser mon agression, c'était comme si je ressentais encore tout le mal qu'ils m'avaient fait, y compris quand j'ai senti son sexe entrer en moi. Rien que d'y repenser, j'en avais envie de vomir, et je soufflais bruyamment pour essayer de me chasser ça de la tête. Ils m'avaient salie, sans aucune raison...

Je me rappelle avoir eu peur de la suite. De me demander si oui ou non, ils allaient me laisser ici, ou m'emmener quelque part pour me tuer ou bien me torturer. Quand on ne vit pas une situation dangereuse, on ne peut pas s'imaginer que quelque chose comme ça va nous tomber dessus. Mais quand nous la vivons, on imagine toutes les possibilités.

Je me rappelle également avoir prié pour que mon cœur s'arrête, et d'avoir essayé de crier pour que quelqu'un me vienne en aide.

Et finalement, je ne savais pas du tout comment les choses avaient finis.

J'essuyais une larme sur ma joue, quand j'entendais quelqu'un frapper à la porte.

– Oui ? dis-je, la gorge enrouée.

Une jeune infirmière entrait dans la chambre, et poussait une espèce de chariot.

– Bonjour, mademoiselle Watson, je m'appelle Laura, c'est moi qui vais vous aider à vous laver. Vous avez bien dormi ?

– M'aider à me laver ? Dis-je tout de suite.

– Oui, vous avez demandé au docteur Edwards si vous pouviez vous laver ce matin.

– Oui, mais, toute seule.

Elle faisait une grimace, et levait les yeux vers moi.

– Bon, d'accord, vous pouvez vous laver toute seule. Seulement, il faut que vous essayer d'éviter de mouiller au minimum votre pansement. Et comme vous avez un pneumothorax, vous devez aller doucement.

– Très bien, je pense pouvoir y arriver.

Je posais mes mains de chaque côté de mon bassin et me redressais doucement. Mon ventre et ma poitrine me faisaient mal.

Je retenais une grimace, et l'infirmière m'aidait à me tourner. Je me retrouvais en position assise, les jambes dans le vide. Je baissais la tête et prenais une grande inspiration. Je ne me rappelais pas avoir été aussi essoufflé assise.

– Attendez, je vais vous débrancher tout ça.

Elle débranchait l'électrocardiogramme.

Je sautais ensuite du lit et fermais les yeux un instant. Un vertige me prenait, et je sentais mes jambes toutes faibles sous le poids de mon corps, et une douleur me tordait le ventre. J'avançais jusqu'à la porte qui menait à la salle de bain, sous le regard de l'infirmière. Savoir qu'une femme aussi jeune pouvait me voir dans cet état me gênait beaucoup.

– Tenez, votre sac, avec quelques vêtements que votre père vous a laissé, et une nouvelle blouse.

– Merci. Dis-je en prenant le sac et la blouse emballée.

J'ouvrais la porte de la salle de bain.

– Si vous avez besoin de quoi que ce soit...

– Ça va aller, merci. Je vais juste fermer la porte.

– Vous avez un bouton qui se trouve à côté du robinet, si vous avez besoin.

– Merci. Dis-je, avant de fermer la porte.

Je m'avançais jusqu'à la chaise qui se trouvait à côté de la baignoire, et appuyais fortement mes mains dessus, comme si j'avais peur de m'écrouler par terre. Quand je me redressais pour décrocher ma blouse, je me rendais compte que j'avais mal partout.

Oh mon dieu !

Je me tournais vers le miroir et parcourais mon corps du haut de ma tête au bas de mon ventre. Les larmes me montaient aux yeux en moins d'une seconde et je m'empressais de mettre une main sur ma bouche pour ne pas faire de bruit.

Des ecchymoses, c'est ce qui recouvrait mon corps à l'heure actuelle. La couleur de ma peau était partagée entre le beige et le violet, et je n'arrivais plus à détourner les yeux de mon corps. Ce n'était rien en comparaison de ce que je ressentais à l'intérieur de moi, mais voir ça sur mon corps m'indiquait une fois de plus qu'on m'avait traité comme un objet et qu'on avait profité de moi sans aucune raison. Sans aucune raison ! Pourquoi est-ce que c'était tombé sur moi ?

Mes bras étaient couverts de bleus, une partie de mon ventre était caché par un gros pansement, et, heureusement que je ne pouvais pas voir le reste de mon corps dans la glace.

Ma tête me donnait l'impression de ne pas avoir dormi depuis cinq jours.

Je détournais enfin les yeux du miroir et passais mon bras sur mes yeux pour essuyer mes larmes. Et quand je posais une main sur l'élastique de ma culotte blanche, qui devait appartenir à l'hôpital, je m'arrêtais. Mes mains tremblaient, et des flashs me revenaient encore. On avait abusé de moi.

J'avalais ma salive, retenais mes larmes, et l'enlevais, sans prendre la peine de me regarder.

J'entrais dans la baignoire avec précaution. Respirer n'était plus aussi naturelle, et j'avais la constante impression que je n'étais pas là. Comme si je flottais en dehors de mon corps, coupé du monde.

L'eau commençait à couler sur ma peau et je fermais les yeux pour apprécier ce moment. C'était probablement la meilleure douche de toute ma vie, enfin, après celle avec Liam.

Liam... Il était en garde à vue. A cause de moi. Il avait frappé quelqu'un pour me défendre, et savoir qu'on le punissait pour ça me révoltait. Mais, après ce qui s'était passé, est-ce qu'il voudrait vraiment encore de moi ? Parce que, la dernière chose que je voulais voir dans son regard, c'était de la pitié.

            
            

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