MIA
– Mia ?
– Aria ?
– Mon dieu, Mia, tu m'as fait tellement peur.
Je l'entendais exploser en sanglot de l'autre côté du téléphone, et l'entendre pleurer me mettais immédiatement les larmes aux yeux.
– J'ai essayé de te joindre, et de te voir, mais comme je ne suis pas de la famille... Comment tu vas ?
– Je viens de rentrer chez moi et, je ne sais pas, je me sens vide. Dis-je, en retenant mes larmes.
– J'ai eu tellement peur. J'aurais dû rester avec toi, et quand je t'ai vue, à la soirée, allongée par terre...
Elle reniflait et je comprenais maintenant qu'Aria était une véritable amie. Oh Aria...
– Oui, d'ailleurs, qui m'a vue ?
– Qui t'a vue ?
– Oui, qui sait que je me suis faite agressée ?
– Je ne sais pas vraiment. C'est Josh et Liam qui t'ont trouvé en premier. Je suis arrivée quelques secondes après, avec Jessie. Je crois qu'il y avait aussi Charlie, Nico, et peut-être d'autres personnes. Mais que notre groupe. Après, j'ai vue passer un article, vendredi, qui parlait de cette soirée. Mais ton nom n'est pas cité dessus.
– Un article ? Quel article ?
– Je te l'envoie en photo après, mais ne t'inquiète pas, je ne pense pas que des gens soient vraiment au courant. En tout cas, on pense tous forts à toi.
Je m'asseyais sur mon lit et mettais une main devant ma bouche pour cacher le bruit de mes pleurs. Savoir qu'ils m'avaient tous vue dans cet état de faiblesse me brisait un peu plus le cur.
– Je suis là, Mia, si tu as besoins de parler, d'accord ? Et si tu veux que je passe te voir, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, je viendrais.
– Merci Aria, tu es une vraie amie.
– C'est normal, je me fais beaucoup de soucis pour toi.
Je faisais un sourire triste, bien qu'elle ne puisse pas le voir.
– Tu sais que Liam a été placé en garde à vue ?
– Oui, il m'a tout raconté, je l'ai vue tout à l'heure. Son père a réussi à le faire sortir sans poursuite, et heureusement.
– Oui, j'ai trouvé ça dégueulasse. Comment ça s'est passé à l'hôpital ? Ils t'ont fait des examens, une opération ?
– Oui, et maintenant, je dois juste me reposer et essayer d'oublier le plus vite possible ce cauchemar.
– Tu y arriveras, Mia, tu es quelqu'un de forte, ne l'oublie pas.
Ne l'oublie pas... Je ne risquais pas de l'oublier puisque tout le monde me le rabâchait sans arrêt.
– Et pour tes examens, ils ont pu identifier les agresseurs ?
– Je... oui, mon principal agresseur.
– Vraiment ? C'est une bonne nouvelle, ça !
– Oui, et demain, mon père m'emmène au poste de police pour que je puisse déposer plainte.
– Ah, oui, c'est bien ça. Ils vont te faire passer un interrogatoire ?
Je fixais le sol en jouant avec le bas de mon jogging.
– Oui, je pense. Même si un policier est déjà venu m'interroger à l'hôpital, ils vont vouloir que je leur reparle de la scène.
– Et tu t'en souviens ?
D'un côté, me souvenir de l'agression serait bénéfique pour retrouver mes agresseurs, mais d'un autre côté, oublier complètement cette agression m'aiderait probablement à me sentir mieux.
– Pas de tout. Je ne me rappelle pas vraiment de leurs visages.
– D'accord, en tout cas, je t'envoie que des ondes positives. Tu as deux semaines complètes pour te reposer.
– Oui, je sais.
– Je vais te laisser, tu as sûrement besoin de te reposer. Bonne nuit Mia, et n'hésite pas à m'appeler.
– Merci Aria, bonne nuit. Et n'oublie pas de m'envoyer l'article.
Je raccrochais, et me jetais en arrière sur mon lit.
Ma respiration devenait plus difficile, et j'avais l'impression de sentir et d'entendre mon poumon se décoller un peu de la plèvre, et je faisais une grimace.
Quoi que je fasse, tout me rappelait mon agression et la scène repassait en flash dans ma tête. Les rires... la voiture... son sexe... Je me relevais doucement et mettais une main sur ma poitrine pour retenir un haut-le-cœur. Heureusement que je n'avais rien avalé depuis longtemps, je n'avais rien à vomir.
Au même moment, quelqu'un frappait doucement à ma porte. J'avalais ma salive, avant de donner le feu vert.
La porte s'ouvrait légèrement, et c'est la tête de Jason que je voyais apparaître. Il rentrait timidement et refermait la porte derrière lui.
– Je peux te déranger ?
Je haussais les épaules, et il venait s'asseoir à côté de moi. Je me reculais, comme si j'avais peur qu'il se mette trop près de moi.
Il prenait une grande inspiration, et évitait mon regard. Le voir comme ça était si inhabituel.
– Je suis désolé, je ne t'ai pas beaucoup parlé depuis vendredi.
Je faisais un sourire innocent avant de regarder mes mains jointes.
– J'ai décidé de revenir pour de bon.
Je fronçais les sourcils.
– Pourquoi ?
– Parce que tu as besoins de moi.
– Et avant, je n'avais pas besoin de toi ?
Il se pinçait les lèvres. Touché !
– Si, bien sûr que si. Je n'aurais jamais dû partir. Je m'en rends compte maintenant que tu avais peut-être vraiment besoin de moi.
Je ne répondais rien. Pourquoi j'en voulais à mon frère ? Il n'avait rien fait, et je n'arrivais plus à lui parler comme avant.
– Je suis désolé, Mia.
Sa voix baissait sur mon prénom, et je fronçais à nouveau les sourcils.
– De quoi ?
– Pour tout. Je suis ton frère, et ces derniers mois, j'ai été tout sauf ton frère.
Sa voix se brisait sur la fin de sa phrase, et je me rendais compte que des larmes commençaient à couler sur ses joues.
– Tu t'es fait agresser à cause de moi. Je ne t'ai pas protégé.
Je me mordais la lèvre, et des larmes commençaient aussi à couler sur mon visage. Voyant mon frère si vulnérable, je posais une main dans son dos et l'entraînais contre moi.
– Arrête, ce n'est pas de ta faute.
– Si putain, tu es ma sur, ma sur jumelle. La personne la plus importante de ma vie, et je t'ai laissé.
Entendre ses mots me brisait un peu plus le cur, et je laissais mes larmes couler à flots sur mes joues. Mon frère pleurait. La dernière fois que je l'avais vue ainsi, c'était à l'enterrement de maman.
– Jay... tout allait bien dans ma vie avant ce qui s'est passé vendredi.
Il se redressait et fermait les yeux un instant. Il ne pleurait jamais, et savoir qu'il le faisait à cause de moi était insupportable.
– Je ne veux pas que tu pleures pour ça, s'il te plaît. Parce qu'après, c'est toi qui me fait pleurer.
Il rigolait un peu à travers ses reniflements, et je séchais mes larmes.
– Ça fait tellement bizarre de pleurer. Mais en même temps, ça fait du bien.
– Tu peux le dire, je ne m'arrête plus depuis deux jours.
Il essuyait son visage avec le revers de sa manche, et croisait mon regard.
– Si tu savais comme je suis énervé. Je n'arrête pas de me dire « mais comment des mecs peuvent faire vivre ça à une fille sans aucune raison ? ».
S'il savait combien de fois je m'étais déjà posé la question.
– Et, si tu savais comment j'ai hâte de retrouver les mecs qui t'ont fait ça. J'en tremble depuis trois jours.
– Quand on les retrouvera, on leur fera ce qu'ils méritent. La justice les punira.
Il levait les sourcils, comme s'il n'y croyait pas.
– Je vais aller porter plainte demain, et après, la police n'aura plus qu'à tomber sur eux.
– Justement, tu te sens de revenir sur toute cette histoire pendant les prochaines semaines ?
– Ne crois pas que je vais oublier ça d'un claquement de doigt. Je ne vais jamais pouvoir oublier ça ! Je sais que je vais devoir replonger dans mes souvenirs pour pouvoir tout raconter encore une dizaine de fois, mais il faut que je le fasse.
– Et tu arriveras à te retrouver en face-à-face avec tes agresseurs ?
Ma gorge se nouait. Savoir que j'allais les revoir me terrifiait, mais je ne devais rien laisser paraître.
– Il le faut.
Un silence s'installait. Je m'étais rarement sentie aussi gênée devant lui.
– Tu vas vraiment rester, cette fois ?
– Oui. J'ai fini tout ce que je devais faire, et ma sur est plus importante que tout, alors...
– Merci. Dis-je simplement. Tu vas t'inscrire au lycée, alors ?
– Oui, et sûrement reprendre la boxe.
– Vraiment ? Ici ?
– Oui, il faut juste que je me renseigne sur les coachs et les salles.
– Ça va te faire bizarre, tu n'as jamais changé de coach depuis tes trois ans.
Il haussait les épaules avec un sourire las.
– Tu ne veux pas retourner à Houston ?
– Peut-être dans quelques années. Mais là, j'ai besoin d'être près de toi. En plus, après cette année, il faudra commencer à chercher une fac.
Je faisais une grimace. Je n'avais pas du tout envie de penser à ça, puisque, chaque fois que j'essayais de penser à quelque chose d'autre depuis ces trois jours, je repensais sans cesse à l'agression.
– Je vois que tu n'as pas trop envie de parler de ça.
– Oui, en effet.
Il faisait un sourire en coin avant de soupirer.
– Tu as deux semaines pour respirer. Tu pourras te reposer, et si tu veux qu'on sorte, tu me diras et je serais là.
– Merci.
Je n'avais plus du tout envi de faire la discussion. Je voulais qu'il parte pour que je puisse encore déprimer seule dans mon coin.
– Est-ce qu'on peut reparler demain ? J'aimerais bien me reposer.
– Bien sûr. N'oublie pas tes cachets.
Il n'y croyait pas du tout, mais il se levait, et me souhaitait bonne nuit avant de sortir de ma chambre.
Je reportais mon attention sur les boîtes de cachets posés sur ma table de nuit. L'ordonnance m'indiquait les doses à prendre, et j'avais déjà envie de râler.