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L'appartement de Clara était silencieux ce matin-là. Il n'y avait aucune trace de mouvement dans l'air, aucune agitation. Clara s'efforçait de donner l'apparence d'une routine tranquille, mais l'angoisse perçait à chaque regard qu'elle posait sur la porte, chaque souffle qu'elle prenait. Lucas était à l'école, et elle savait que c'était le moment idéal pour prendre une décision. Elle avait ressenti que sa vie dans cette ville était sur le point de basculer. Ce secret qu'elle gardait si précieusement risquait de tout anéantir.
Elle s'était fait une promesse : Lucas serait protégé à tout prix. Rien ni personne ne pourrait jamais lui faire de mal. Ni Adrian, ni Sophia, ni personne d'autre. C'était pour cette raison qu'elle avait pris la décision de partir, de tout laisser derrière elle. Un déménagement. Un départ. Tout effacer. Le visage d'Adrian, pourtant, ne cessait de la hanter, et cette dernière rencontre l'avait profondément perturbée. Elle n'avait pas envie de se confronter à lui, pas encore. Elle savait que l'affronter signifierait se retrouver face à ses propres faiblesses, à ses propres failles, et elle n'était pas prête à faire face à cela.
Dans sa cuisine, elle ferma les yeux un instant, se concentrant sur le calme avant la tempête. Mais ce moment de paix fut brisé lorsqu'elle entendit un bruit à l'extérieur. Un bruit familier, un moteur qui s'approchait. Elle n'eut même pas besoin de se retourner pour reconnaître cette voiture, cette silhouette. Adrian. Il était déjà là.
Elle posa la tasse de café qu'elle tenait, un sentiment de malaise croissant dans la gorge. Il n'allait pas la laisser tranquille, elle le savait. Clara se dirigea rapidement vers la porte, s'efforçant de cacher son inquiétude. Mais alors qu'elle ouvrait la porte, elle se retrouva face à lui. Adrian, les yeux emplis de détermination, un pas résolu dans sa démarche. Il ne souriait pas, mais il y avait quelque chose dans son regard qui la fit frissonner.
-Clara, murmura-t-il. Nous devons parler.
Elle inspira profondément. Elle aurait aimé être ailleurs, n'importe où, sauf ici, en face de lui. Mais elle savait que ce moment finirait par arriver. Elle savait qu'elle ne pourrait pas fuir éternellement.
-Je t'ai dit tout ce que j'avais à dire, Adrian. Tu as eu tes réponses, dit-elle d'un ton froid.
-Non, Clara. Tu n'as pas dit toute la vérité. Je sais que Lucas est mon fils. Je l'ai vu. J'ai vu la photographie. Et maintenant, je veux savoir pourquoi tu m'as menti. Pourquoi tu m'as caché cela. Pourquoi tu as pris cette décision.
Clara se sentit envahie par une émotion contradictoire : de la colère, mais aussi une profonde tristesse. Elle savait que cette confrontation était inévitable, mais elle n'était pas prête à dévoiler ce qu'elle avait gardé secret si longtemps.
-Parce que j'avais peur, Adrian, dit-elle en baissant les yeux. J'avais peur de te perdre à cause de ce secret. J'avais peur que tu me rejettes. Que tu rejettes Lucas.
Les mots s'échappaient de ses lèvres avec une sincérité qu'elle ne pouvait plus cacher.
Adrian se rapprocha d'elle, son regard intense, son souffle court. Il avait écouté chaque mot, mais il n'arrivait pas à tout comprendre. Il y avait encore quelque chose qu'il ne saisissait pas, un vide, un fragment manquant dans l'histoire qu'elle lui racontait.
-Tu m'as dit que Lucas était la seule chose qui comptait pour toi, mais pourquoi ne m'en as-tu pas parlé avant ? demanda-t-il, sa voix brisée par la frustration. Pourquoi m'avoir éloigné de lui ? Pourquoi ?
Clara leva les yeux vers lui, ses sourcils froncés, sa gorge serrée.
-Parce que tu n'étais pas prêt, Adrian. Parce que je savais ce que tu allais faire. Tu aurais exigé de connaître la vérité. Et je ne pouvais pas te laisser entrer dans la vie de Lucas sans savoir si tu allais me laisser ou non. J'étais seule, Adrian, seule avec mon fils. Et je ne pouvais pas risquer de le perdre à cause de l'incertitude.
Adrian la fixa un instant. Ses pensées se bousculaient. La révélation le frappait de plein fouet, mais il ne savait pas si elle l'avait fait par amour, ou si c'était par une décision de survie, de protection. Était-ce vraiment un acte d'amour, ou un acte de peur ? Il ne pouvait plus en être sûr.
-Je ne te demanderai plus pourquoi, Clara, dit-il enfin, sa voix emplie de tendresse mêlée de frustration. Mais sache une chose : je veux connaître mon fils. Je veux savoir qui il est. Je veux avoir une chance de lui montrer qui je suis.
Clara se mordilla la lèvre, prête à exploser sous la pression de ses mots. Elle se tourna lentement, hésitant sur la suite à donner à cette conversation. Mais elle savait que ce n'était pas encore le moment de tout lui dire. Pas encore.
-D'accord, dit-elle, après un long silence. Mais ne crois pas que ça sera facile. Je n'ai pas encore décidé ce que je vais faire. Tu dois prouver que tu es prêt à tout pour Lucas avant de penser à revenir dans sa vie. Et toi, Adrian... tu dois me prouver que tu veux être un père.
Un instant, Adrian la regarda, hésitant. Puis, lentement, il acquiesça.
-Je le ferai, Clara. Pour lui. Et pour toi.
Le vent soufflait fort ce soir-là, frappant la fenêtre de la grande maison d'Adrian avec une violence presque symbolique. À l'intérieur, l'atmosphère était lourde de tension, chaque silence semblait porter le poids de non-dits qui se redéfinissaient sans cesse. Clara se tenait près de la porte, son manteau soigneusement mis sur ses épaules, prête à partir. Ses yeux, d'habitude si perçants, étaient embués par une inquiétude qu'elle n'arrivait plus à cacher. Ce soir, elle savait que l'instant était venu. Tout était sur le point de basculer, et elle ne pouvait plus reculer. Pourtant, l'idée de tout quitter – encore une fois – la rendait nerveuse.
Adrian, de l'autre côté de la pièce, l'observait en silence. Il avait perçu le moindre geste, le moindre regard fuyant, comme un cri dans le vide. Quelque chose n'allait pas. Il le savait. Cela faisait plusieurs jours qu'il ressentait une agitation grandissante chez Clara. Chaque mot prononcé semblait peser lourdement entre eux, comme si un fossé invisible grandissait chaque jour. Et aujourd'hui, cette tension se manifestait de manière éclatante : Clara s'apprêtait à partir, sans explication.
–Clara, arrête, dit Adrian d'une voix calme, mais ferme.
Elle s'arrêta à la porte, sans se retourner, le dos raidi. Il savait qu'elle n'avait pas encore pris la décision finale de fuir, mais ce soir, il sentait qu'elle allait franchir cette limite qu'ils avaient tous deux installée autour d'eux.
–Je dois y aller, Adrian. Il est temps, répondit-elle sans émotion, mais avec une tristesse palpable dans sa voix.
Il s'approcha d'un pas, son regard la suivant avec insistance. Elle le sentait presque physiquement, comme une pression de plus sur ses épaules. Elle tourna la tête, cherchant ses mots, mais elle savait que les choses ne pouvaient pas continuer ainsi. Elle ne pouvait pas tout risquer encore une fois.
–Clara, tu n'as pas à partir, dit-il plus doucement, cette fois en cherchant à comprendre. Pourquoi fuis-tu encore ? Qu'est-ce qui te fait si peur ?
Elle tourna lentement le visage vers lui, et pendant un moment, leurs yeux se croisèrent, en silence. Il y avait de l'incompréhension dans le sien, un mélange de désir de comprendre et de colère envers elle. Elle avait fermé la porte de leur passé, mais ce n'était pas ce qui le perturbait le plus. Ce qui le dévastait, c'était le sentiment qu'elle se refermait sur lui, sans laisser aucune place pour ce qu'ils pourraient être. Pour ce qu'ils auraient pu être.
–Je ne fuis pas, répondit-elle enfin. Je cherche simplement à protéger Lucas.