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Le manoir d'Adrian baignait dans une lumière douce de fin d'après-midi, mais il n'en ressentait aucune chaleur. Perdu dans son bureau, il scrutait les tiroirs d'un meuble ancien hérité de sa mère, espérant retrouver un document important pour une réunion à venir. Ses doigts effleurèrent un coin jauni et froissé. Curieux, il tira lentement une vieille enveloppe. La calligraphie familière de son prénom sur le dessus lui fit l'effet d'un coup de tonnerre.
« Adrian. »
Il n'y avait pas de signature, mais il n'en avait pas besoin. Il reconnaîtrait l'écriture de Clara entre mille.
Il ouvrit délicatement la lettre, prenant soin de ne pas l'endommager davantage. Le papier tremblait légèrement entre ses mains alors qu'il commençait à lire :
*Adrian,*
*Je ne sais pas pourquoi je prends la peine d'écrire cette lettre. Peut-être parce que c'est plus facile de poser mes pensées ici que de les dire à voix haute. Peut-être parce que tu ne la liras jamais.*
*Tu me rends folle. Ta présence, ton regard, ta façon de parler... tout en toi me trouble et me captive à la fois. Mais je sais que je ne peux pas te dire tout ça. Tu es hors de portée, comme une étoile brillante qu'on peut admirer mais jamais toucher.*
*Je te souhaite tout le bonheur du monde, même si je ne fais pas partie de ta vie. Mais si jamais tu lis ceci un jour, sache que je t'aimais. Oui, je t'aimais, Adrian, bien avant que tout ne devienne compliqué.*
*Clara*
Adrian relut la lettre plusieurs fois, chaque mot gravant un peu plus d'émotion dans son cœur. Il posa la feuille avec soin sur le bureau, s'appuyant contre le dossier de son fauteuil. Ses pensées tourbillonnaient. Cette lettre, qu'elle avait écrite sans jamais l'envoyer, était un témoignage brut de ce qu'elle avait ressenti à l'époque. Pourquoi ne lui avait-elle jamais parlé de ces sentiments ? Pourquoi avait-elle tout gardé pour elle, au point que leurs chemins s'étaient séparés de manière si dramatique ?
Adrian se leva brusquement, le besoin de la confronter encore plus urgent. Mais une petite voix intérieure le retint. Clara était déjà sur la défensive. Cette lettre était une relique du passé, mais il devait l'utiliser pour comprendre le présent.
Clara, de son côté, était dans son salon, essayant de se concentrer sur un livre alors que Lucas s'amusait à construire une tour en blocs de bois. Mais son esprit était ailleurs. La confrontation avec Adrian la veille avait laissé des traces. Elle savait qu'il était plus proche que jamais de découvrir la vérité, et cela la terrifiait.
Un coup à la porte interrompit ses pensées. Elle se leva, hésitant quelques instants avant d'ouvrir. Quand elle vit Sophia debout sur le seuil, son cœur rata un battement. La femme devant elle était aussi élégante qu'intimidante, avec ses cheveux blonds soigneusement coiffés et son regard perçant.
-Sophia ? Que fais-tu ici ? demanda Clara, la voix pleine de méfiance.
Sophia esquissa un sourire froid, entrant sans attendre une invitation.
-Clara, voyons. Pas de « bonjour » ? Pas de « comment vas-tu » ? Nous sommes presque de la famille, non ? dit-elle avec une fausse légèreté.
Clara referma la porte, se plaçant entre Sophia et le salon où Lucas jouait. Elle savait que cette visite n'était pas anodine.
-Dis ce que tu as à dire et pars, Sophia. Je n'ai pas le temps pour tes jeux, rétorqua Clara, croisant les bras.
Sophia fit le tour de la pièce, examinant les lieux avec une curiosité presque insultante.
-Jolie petite maison, commenta-t-elle. Simple, mais... confortable. Cela te correspond.
Clara serra les dents, refusant de mordre à l'hameçon.
-Pourquoi es-tu ici, Sophia ? insista-t-elle.
Sophia s'arrêta devant une photo de Clara et Lucas posée sur une étagère. Elle la prit, l'examinant avec un sourire énigmatique.
-J'ai entendu des rumeurs, Clara. Des rumeurs intéressantes. Comme quoi tu aurais un fils, dit-elle en se retournant lentement.
Clara sentit une bouffée de panique l'envahir, mais elle garda son visage impassible.
-Et alors ? Beaucoup de femmes ont des enfants, répondit-elle d'un ton neutre.
-Oh, je suis bien consciente de cela. Mais peu de femmes ont un enfant qui ressemble autant à Adrian, ajouta Sophia, ses yeux scintillant de malice.
Clara sentit son cœur s'emballer, mais elle refusa de céder à la peur. Elle s'approcha de Sophia, reprenant la photo d'une main ferme.
-Lucas est mon fils, et uniquement mon fils. Ce que tu insinues est ridicule, dit-elle avec froideur.
Sophia éclata d'un rire léger, mais son regard restait acéré.
-Vraiment, Clara ? Tu sais que je ne suis pas idiote. Je vois les similitudes. Et crois-moi, Adrian le verra aussi bientôt, si ce n'est pas déjà fait.
Clara inspira profondément, essayant de calmer la tempête intérieure qui menaçait d'exploser.
-Si tu es venue ici pour me menacer, tu perds ton temps, Sophia. Tu n'as aucun pouvoir sur moi, dit-elle fermement.
Sophia s'approcha, son sourire devenant plus cruel.
-Peut-être pas. Mais Adrian... Adrian est toujours sous mon influence, que tu le croies ou non. Si jamais il découvre la vérité, je m'assurerai que ce soit dans mes termes, pas les tiens, murmura-t-elle avant de tourner les talons.
Clara resta figée, ses poings serrés alors que Sophia quittait les lieux. Lorsque la porte se referma, elle sentit ses jambes flancher et s'assit sur une chaise, le souffle court. La menace était claire. Sophia savait, ou du moins, elle en savait assez pour semer le chaos.
Lucas arriva dans le salon, tenant un de ses jouets.
-Maman, ça va ? demanda-t-il innocemment.
Clara força un sourire, caressant doucement sa tête.
-Oui, mon ange. Tout va bien, répondit-elle, même si elle savait que rien n'allait.
Adrian, de son côté, continuait à fixer la lettre. Il se souvenait des moments où il avait ressenti des éclats de connexion avec Clara, des instants volés où il avait vu une part d'elle qu'elle dissimulait au monde. Cette lettre confirmait ce qu'il avait toujours soupçonné : elle l'avait aimé, peut-être encore plus qu'il ne l'avait imaginé.
Mais cela soulevait une autre question. Pourquoi avait-elle fui ? Pourquoi avait-elle emporté ses sentiments avec elle, sans jamais lui donner une chance de comprendre ?
Il décida qu'il ne pouvait plus attendre. Il devait savoir. Prenant la lettre avec lui, il quitta le manoir, déterminé à affronter Clara une fois pour toutes.
La pluie tombait à verse sur la ville, battant les fenêtres du petit appartement de Clara. Elle se tenait près de la fenêtre, regardant les gouttes glisser le long du verre. Chaque éclat de lumière qui frappait l'eau froide du dehors semblait comme un reflet des tempêtes qui bouillonnaient à l'intérieur d'elle. Son esprit était en proie à un tourbillon. Elle n'avait jamais voulu en arriver là. Mais Sophia... Sophia était là, et elle ne lui laisserait pas la moindre chance de garder son secret intact.
Il y avait quelques jours, Sophia l'avait confrontée, insinuant que Lucas était le fils d'Adrian. À ce moment-là, Clara avait refusé de céder, refusé de se laisser manipuler par la femme qui avait été son pire cauchemar dans le passé. Mais aujourd'hui, les choses avaient pris une tournure encore plus grave. Sophia ne se contentait pas de suggestions. Non, elle avait un ultimatum à poser.