Je ne sais pas trop ce qui m'horrifie le plus: le monde dans la salle de l'autre côté des loges, près à participer à ce cirque, les autres filles à priori contente de leur sort, où mon propre accoutrement. Dégoûtée, je regarde l'ensemble de lingerie fine en dentelle rouge, avec un porte jarretelle assorti que je peux voir sur mon reflet. Je pense avoir touchée le fond du sordide... En même temps une fois vendue, je ne sais pas ce qu'il m'attend.
Lilia la maquerelle, me tourne la tête sans égard pour mon désarroi intérieur, afin de pouvoir maquiller mes yeux, tout en me complimentant.
_ Quel couleur magnifique, on dirait deux émeraudes ! Me dit-elle avec enthousiasme.
Je ne sais pas trop ce que je ressens envers elle. Cette femme prépare les participantes comme on prépare les animaux pour une exposition de beauté. Elle m'a brossée les cheveux avec soin les faisant cascader sur mon dos avec élégance, elle m'a ensuite habillée et maintenant elle me maquille. Durant tout ce temps, elle n'a pas fait la moindre remarque ni sur mes mains et pieds attachés ni sur le bâillon qui m'empêche toujours de lui cracher à la figure. Regrettant juste de ne pas pouvoir me mettre du rouge à lèvre. Elle se plaint régulièrement de ne pas avoir la possibilité de faire son travail parfaitement aux hommes de mon beau père, qui eux semblent n'en avoir rien à faire.
Ces derniers, assis derrière moi dans la loge, habitué à mon naturel bagarreur, sont surtout occupés à lorgner chacun de mes mouvements, m'empêchant de tenter de m'enfuir pendant cette mascarade.
Lilia, imperturbable, se contente de me regarder comme si tout était normal, ajustant quelques mèches. Cela marche, remarqué, j'ai arrêté de lutter inutilement depuis un moment déjà.
Mon beau père fini par rentrer dans mon champs de vision, ses yeux noirs et froid me transperçant dans le reflet du miroir. Se glissant derrière moi tel un serpent, il pose sa main sur mon épaule, serrant tellement fort que je me demande si ma clavicule va cassée.
_ Ça va être ton tour ! Dit-il, froid comme la glace. Ne me déçois pas, sinon tu sais ce qu'il va t'arriver ! Tu as la piste de Pole dance pour toi toute seule, sort leur le grand jeu!
Il me détache ensuite les mains et les pieds, sûr que je ne ferai rien de stupide, avant que je ne retire moi même mon bâillon. Sous son regard triomphal, j'enfile les talons aiguilles que me tend Lilia, sans hésitation, comme si j'avais perdu toute envie de me battre.
À vrai dire, durant cette improbable séance de relooking façon film interdit au moins de 18 ans, j'ai bien réfléchi. Pour le moment je dois jouer le jeu de Carlos, jusqu'à ce que je trouve le moment propice pour agir. Je ne pourrai rien faire s'il continue à me surveiller comme le lait sur le feux, et il le fera tant qu'il ne sera pas sûr de mon obéissance. Ma seule solution est d'aller danser sur cette fichue barre, pour faire diversion.
Je me redresse avec le peu de dignité qu'il me reste afin de me diriger vers la scène. La fille qui est avant moi est plutôt douée, mais elle manque de souplesse dans certains mouvements, alors que dans certains autres c'est la technique qui lui fait défaut.
Je ricane devant mon œil critique qui revient à un moment vraiment inopportun. C'est comme si j'avais quitté le pole dance hier, alors que cela fait des années que je n'en ai pas fait.
Dire que c'est moi qui ai demandée à apprendre parce que je trouvais ça magique. Dans ma petite tête, je voyais s'entraîner ma mère à la maison, la trouvant si belle, si gracieuse que j'ai fini par vouloir absolument en faire. Sa technique à l'époque ainsi que son corps de déesse me faisait rêver, comme si elle était une danseuse étoile d'une des séries télé que je voyais parfois.
Je me suis entraînée avec elle tout les jours pendant presque trois ans afin d'atteindre son niveau. Une petite activité mère-fille qui nous rapprochais, me permettant d'obtenir enfin quelques compliments que stupidement je recherchais de toute mes forces. Le rêve c'est toutefois transformé en cauchemar quand Carlos m'a emmenée la voir travailler. Il était hilare à l'instant où il m'a montrée ma mère avec ses clients à la sortie de la scène dans sa loge privée prévu pour les extra aux corps à corps. Un avant goût de ce qui m'attendait, selon lui.
Je respire profondément pour me calmer.
Je dois lui faire croire qu'il a gagné, qu'il m'a domptée, c'est le seul moyen pour qu'il baisse la garde, me laissant alors l'opportunité d'agir. Je prends donc sur moi, rentrant sur les planches à la sortie de la précédente danseuse, tout en marchant la tête haute.
Je veux éviter coûte que coûte de regarder le publique, si je le faisais, je perdrais probablement tout mes moyens. À la place, je serre les dents, me mettant dos aux enchérisseurs les jambes légèrement écartée puis j'attrape la barre de pole dance juste au dessus de ma tête attendant le signal de départ.
Quand la musique commence, je suis ravi d'entendre qu'elle est rythmée et violente, ça me permettra de pouvoir évoluer sur le même tempo, cachant facilement mon objectif: trouver un moyen de fuir.
Au bout de quelques dixièmes de secondes, je me hisse avec facilité sur mes avant bras, accrochant la barre avec ma jambe gauche, tout en tendant l'autre en arrière pour me donner de l'élan. Je tourne avec souplesse sur le métal froid, m'enroulant comme un serpent.
Je glisse ensuite de façon à avoir la barre dans le dos, soutenue uniquement par mes bras alors que je monte mes jambes au dessus de ma tête en me servant de mes abdos. Ce faisant j'essaie d'occulter les gens qui hurlent des sommes astronomiques devant moi, me concentrant sur la pièce en elle même. Ai-je une chance de rejoindre une issue avant de me faire attraper ?
J'enroule mes cuisses sur le métal au dessus de moi, afin de me retourner la tête en bas. Je pose tout de suite mes mains sur la barre, me cambrant un maximum, tout en relevant mes cheveux d'un coup de tête. Mes yeux survolent la salle pour aller se planter sur la porte de sortie. Cette dernière est accessible mais il y a au moins six gardes armés qui l'encadrent.
Je redescends en faisant le grand écart étirant mes jambes au maximum. Les coulisses sont sécurisés aussi, aucune chance de m'enfuir par là non plus. J'enchaîne ensuite les voltiges avec facilité jusqu'à la dernière note, sans réussir à trouver la moindre faille dans le système de sécurité.
Dépitée, je fini par poser les pieds au sol, et c'est comme si je rallumai mon cerveau. D'une part j'entends les hurlements des acheteurs, de l'autre je sens une vibration montant du plancher. C'est quelque chose que j'ai déjà ressenti. Le cœur battant je regarde autour de moi à la recherche de ses yeux bleus acier qui me manque tant. Toutefois mon beau père m'attrape par le bras, me forçant à retourner en coulisse sans que je ne le retrouve alors que je suis sûr qu'il est dans la pièce.
Sans s'inquiéter de me voir me débattre, Carlos me secoue pour me rappeler qu'il peut me faire mal sans effort, me laissant rebondir contre le mur de façon douloureuse sur mes escarpins vertigineux, avant de me traîner sans ménagement derrière lui. Au bout de quelques instants d'une traverser des loges aussi silencieuse que désagréable, il me balance dans une petite pièce fermée où j'atterris au sol à quatre pattes en essayant au passage de ne pas me tordre une cheville avec mes fichuse chaussures diaboliques.
J'ai a peine le temps de basculer sur les fesses espérant me relever que Jerry se plante devant moi pour me dissuader de faire le moindre mouvement.
_ Hé bien ! S'exclame Carlos amusé tandis que je me fige. Petite chienne ! T'as vraiment le même corps de salope que ta mère !
_ C'est ta femme je te signale ! Ne puis-je m'empêcher de lui faire remarquer avec ironie.
Se renfrognant, il m'allonge une claque qui fait teinter mon cerveau pendant quelques secondes.
_Tu as toujours eu une trop grande gueule pour ton bien ! Me crache-t-il en se tournant vers ses hommes. Heureusement pour toi que tu t'es très bien vendu !
Je lui jette un regard noir alors que quelqu'un frappe à la porte. Carlos fait signe à un de ses hommes d'aller ouvrir tandis que Jerry me plaque au sol avec son pied.
J'entends vaguement une discussion animée dans le couloir et puis quelqu'un rentre. Je suis abasourdie, parce que je connais cet homme : c'est Stéphane Veroni. Le premier vampire que j'ai rencontré, si je me souviens bien, il y a une dizaine de jours peut-être...
_ Les règles étaient claires monsieur Veroni ! Indique Carlos. Vous avez gagné l'enchère et même si vous regrettez vous devez payer !
La main de Jerry sur mon épaule est entrain de me broyer les os pendant que son patron parle. Le vampire ne ressortira probablement pas d'ici vivant s'il ne paye pas, malheureusement dans ce cas, moi aussi je risque ma peau.
_Il n'a jamais été dans mes intentions de revenir sur mon enchère ! Assure le vampire fusillant Carlos du regard. Ne vous ai-je pas déjà donné la somme en liquide ?
Il montre une valise assez conséquente dans la main d'un des hommes du padre sur ma droite.
_C'est exact mon ami, lui répond ce dernier en souriant, alors que me vaut votre présence !
_ Je viens récupérer mon lot !
Je grogne, j'ai envi de hurler que je ne suis pas un objet, mais ce n'est vraiment pas le moment. Je n'ai aucune chance de m'enfuir à cet instant, sans compter que le talon de Jerry s'enfonçant dans mes cotes m'empêche de prendre assez de souffle ça.
_ Ça ne marche pas comme ça mon ami ! S'agace mon beau père. Nous nous occupons de la livraison... Nous avons votre adresse ! Pendant ce temps nous vérifierons le paiement...
_Je vous paie en liquide ! S'agace le vampire en serrant les dents.
_Faux billets, somme inexact! grogne mon beau père d'un air mauvais. Je suis un homme prudent !
Stéphane s'avance plongeant ses yeux perçant dans les miens.
_ Permettez au moins que j'inspecte ce que j'ai acheté pour m'assurer de son état ! Demande-t-il.
Carlos se pousse en souriant, tendant la main vers moi d'un air confiant, comme un fermier qui vend l'une de ses vaches.
_Je vous laisse une minute avec la marchandise!
Je suis toujours bloquée sur le mot "marchandise" quand le vampire s'agenouille en face de moi, attrapant ma tête avant d'enfouir son visage dans mon cou. Au bout d'un moment, Il me lèche doucement de la clavicule à l'oreille provoquant un fourmillements électrique dans tout mon corps.
_ Ton calvaire sera bientôt fini, petite !Me susurre-t-il soudain avant de se redresser.
Je le regarde avec des yeux ronds, pas sûr de ce qu'il sous entend par là. Aurait-il payé une fortune, juste pour me faire regretter mon affront à son bureau ? En même temps ses yeux brillent d'une lueur affamée qui ne me dit rien qui vaille.
_Je le saurais si vous la maltraitez, votre réputation en pâtira !Menace-t-il mon beau père sans plus s'occuper de moi.
Carlos se tend, arborant son rictus carnassier des mauvais jours en se faisant agressif.