Quand celui que j'attends arrive enfin, je me jette à l'intérieur dès l'ouverture des portes, malgré les regards réprobateurs des autres passagers. Sans un regard pour eux, Je me place au milieu du véhicule à côté d'une vitre pour voir ce qu'il se passe au dehors. Les gens montent ensuite tranquillement tandis que personne ne vient s'asseoir à côté de moi. Je ne sais pas si le parfum du chauffeur de taxi éloignera les loups garous, en tout cas ça marche très bien avec les humains. Même moi j'ai du mal à supporter mon odeur.
Je me cale dans le siège au moment où nous finissons par démarrer. Avec soulagement, je vois quelques secondes plus tard les rues de New York défilés de plus en plus rapidement pendant que le car se dirige vers l'extérieur de la mégalopole. À chaque arrêt où ralentissement, j'ai l'impression de faire une crise cardiaque, recherchant en tout sens la cause du contre temps, toutefois ce ne sont que des feux rouges, où quelques embouteillages. Je reste sur le qui vive, jusqu'à Boston, puis épuisée je finis par somnoler un peu.
Cette journée à été cauchemardesque, mais j'ai quand même atteint mon objectif: dans quelques temps, je serai enfin au Canada, libre. Il y a de nombreux arrêts encore avant d'y être, toutefois le temps passe, sans que rien ne vienne perturber mon voyage à part la circulation normale.
Je pique plusieurs fois du nez au cours de la nuit jusqu'à ce que le soleil qui commence à poindre à l'horizon me fasse cligner des yeux... Je suppose qu'il faudra tout de même encore plusieurs heures, voir des jours, avant que nous ne passions la frontière.
J'observe les couleurs chatoyantes du levé de l'astre solaire tout en rêvassant à ma future vie, quand le bus s'arrête de nouveau. J'ouvre totalement les yeux en m'étirant, il me semble que la dernière station n'était pas si loin. Je frotte mes paupières, puis je jette un œil autour de nous. C'est étrange de se stopper ici, en pleine rue, alors qu'il n'y a que des immeubles délabrés. Je me tourne vivement vers le chauffeur, pour essayer de comprendre ce qu'il se passe. Ce dernier semble agacé en ouvrant sa porte.
_ On pourrait savoir pourquoi vous empêchez les honnêtes gens de travailler ? Demande-t-il, grognon à la personne qui l'a arrêté.
_ Brigade de conciliation ! Lui répond le nouvel arrivant en lui montrant un badge d'un air important. N'entravez pas la marche de la justice, s'il vous plaît !
Je me racorni sur mon siège tout en l'observant, pendant que le chauffeur lève les yeux au ciel en grommelant, mécontent qu'on le ralentisse. Loin de s'offusquer, l'homme de la brigade monte les marches sans lui accorder d'attention. Ses cheveux brun coupé très court reflètent un peu les rayons du soleil bas quand il avance dans l'allée entre les sièges. Me mordant la lèvre, j'observe son uniforme de police rutilant, tandis qu'il scrute chaque passagers.
Il vient pour moi ? Non, ce n'est pas possible. C'est peut-être juste une coïncidence. Quoi que j'ai provoqué un carambolage avant de m'évaporer dans la ville, donc je pourrais être recherchée... Un piéton peut-il faire un délit de fuite ?
Mon cœur descend au fond de mes pieds quand je vois l'homme qui s'engouffre dans le bus derrière lui. Je n'ai aucun mal à reconnaître le loups garous aux propositions douteuses... Chris, il me semble.
Je réalise qu'ils viennent forcément pour moi, et que je me retrouve complètement piéger dans ce bus. Dans un brusque élan de lucidité, je sort le taser de mon sac afin de le cacher dans ma veste, à porter de main, tout en serrant les dents. Je tente de me faire la plus petite possible en espérant que trop fatigués, ils ne me voient pas. Après tout, ils doivent me chercher depuis un moment, sans compter que je suis couverte de parfum.
Le temps s'égrène lentement alors qu'ils regardent attentivement chaque passager.
Jusqu'à ce qu'ils arrivent à quelque mètres de moi.
_ Pas besoin de me le dire ! Dit le policier en riant, tout en me montrant du doigt. Je suis sûr que c'est elle !
Je me replie sur moi même en me renfrognant, pour la discrétion je repasserais. Je dois toutefois rester calme, je n'aurais pas plusieurs chances de m'enfuir. Je les regarde se rapprocher en me recroquevillant sur mon siège.
_Tu n'était pas obligée de plonger dans de l'eau de Cologne bon marché ! Se moque l'homme, en mettant un mouchoir devant son visage une fois à côté de moi. Ça ne trompera jamais le flair d'un loup garou !
Cela a l'air de le faire beaucoup rire, alors que Chris prend place à ses côtés, un bras sur son nez dégoûté par l'odeur.
_C'est atroce ! S'exclame-t-il les larmes aux yeux. Et inutile... Mademoiselle, je pense que nous allons tous devoir parler de ce qu'il c'est passé...
Attaquer un policier me gêne, je risque d'avoir de gros ennuis si je me fait prendre. J'aurais préférée ne pas en arriver là, mais Chris tend la main vers moi d'un air agressif, déclenchant chez moi une poussée d'adrénaline.
Je plonge en avant tout en plaçant le taser sur la gorge du loup garou avant de lancer le choc électrique. Je vois ces yeux se révulser, alors que le policier qui riait jusque là me regarde avec de grands yeux ronds. Je m'aide du dossier de la banquette pour prendre appuie afin de lui envoyer un coup de pied fouetté en pleine tête. Mon bras me fait un mal de chien, alors que j'ai la vue qui se brouille pendant un instant, mais mon instinct de survie prend le dessus. Enjambant le corps de l'agent de la brigade de conciliation, inconscient, je cours vers l'arrière du bus. Je peux encore les semer. S'ils sont seuls, s'ils ont laissés les clefs sur le contact de la voiture...
Je saute au sol au dehors, tandis que mon sang se glace au moment où je trébuche, m'étalant lamentablement au sol. Je me retrouve à genoux face à sept loup sous forme animale, dont l'alpha, tandis que plusieurs voitures de polices nous encerclent. Quelques secondes plus tard, des faisceaux lumineux m'agressent les rétines alors que je contemple la scène médusée.
Malgré ma situation catastrophique, comme un papillon de nuit attiré par un néon, je me retrouve à plongée malgré moi mes yeux dans ceux du loup bringé. Je sens quelque chose danser à l'orée de mon esprit alors que je suis incapable de détourner mon regard du sien. Sa fourrure noir et or m'appelle, j'ai tellement envie de la toucher...
Je suis tellement obnubilée par lui que je suis complètement surprise quand une violente douleur me parcours l'épaule. Affolée, je lève brusquement la tête pour comprendre ce qu'il se passe, brisant le sort du loup, tandis qu'il grogne de frustration. Je n'ai pourtant pas le temps de me réjouir de lui avoir échapper, car je me rends compte que c'est Loyd qui me broie la clavicule avec sa poigne de monstre.
_Tu vas arrêtez de nous les briser maintenant ! Me dit-il d'une voix hargneuse en me plantant une seringue dans le bras. Tu as un boulot à faire, alors dors !
J'entends hurler le loup bringé pendant que le monde autour de moi s'assombrit. Je tente de lutter quelques instants encore, rampant sur le sol dans une dernière tentative désespéré de fuite, mais je m'écroule rapidement.
J'ai lamentablement échouée.
J'ai mal à la tête, et je me sens toute molle. J'ai beaucoup de difficultés à réfléchir clairement cependant, j'ouvre tout de même les yeux en me redressant, ayant vaguement l'idée d'aller travailler. Regardant autour de moi, je m'aperçois que ne reconnais pas la pièce, elle est très grande et lumineuse grâce à l'immense baie vitrée. Une chose est sûre, je ne suis pas dans mon appartement.
Je baisse la tête, un peu perdue en réalisant que le t-shirt que je porte n'est pas le mien. De plus, c'est celui d'un homme. Fronçant les sourcils, je renifle son odeur, faisant revenir d'un seul coup tout mes souvenirs à la surface. Les vampires, les garous, mon beau père et le carambolage tourne en boucle dans mon cerveau, inondant mes veines d'adrénaline.
Je me lève d'un bond sur le lit prête à me battre. Toutefois l'endroit est désert.
Le cœur battant la chamade je tends l'oreille. Je n'entends rien, par contre j'ai toujours une drôle de sensation à l'orée de mon cerveau qui me hante. Secouant la tête pour la chasser, je continue de détailler la pièce pour comprendre où je me trouve.
Mon regard est vite attiré par un portant à côté de moi où pendent mollement des perfusions, des fils reliés à rien étant attachés à la tige en métal. Une sueur froide me dévale l'épine dorsal, à l'instant où je me rappelle la proposition de Chris Waine de me plonger dans le coma pour laisser mon corps a son patron.
Horrifiée, je trouve des traces des piqûres sur ma peau signe qu'ils ont mené à bien leur projet. Je me mords la lèvre en cherchant un moyen de connaître la date, craignant le pire en voyant que mon bras cassé fonctionne de nouveau correctement. Je finis par mettre la main sur le réveil , apprenant avec dépit que mes pires appréhensions sont fondés car il est indiqué que l'on est le 30 juin alors que le dernier jour dont je me souvienne c'est le 17...j'ai perdu presque 15 jours !
Je passe une main dans mes cheveux aux bords des larmes. Je suis nue sous le t-shirt... Est-ce que je le sentirai s'il avait profité de moi durant mon sommeil ?
Je ravale mes sanglots en me rapprochant de la baie vitrée. J'ai toujours cette drôle d'impression que quelque chose frôle mon esprit... C'est peut-être dû aux drogues. Toutefois il me semble avoir déjà ressenti cela avant. Mon cerveau est tellement en ébullition que je crains qu'il n'implose sous le choc, plus rien ne me semble réel...j'ai tellement de mal à réaliser ce qu'ils m'ont fait.
Je pose ma tête contre la vitre essayant de faire le point sur ma situation catastrophique. Je ne dois pas me focaliser sur le problème, mais sur la solution. Il faut que je me sortes de là et pour cela , je dois déjà savoir où je suis.
Observant les rues, je reconnais au loin une partie de Central parc ainsi que les immeubles l'environnant. De là, il me faudra au moins une journée pour quitter New-York...Mais pour cela , je dois déjà quitter l'immeuble. Je pousse au cas où sur la fenêtre mais nous sommes au moins au trentième étage, à cet hauteur, il y avait peu de chance qu'elle s'ouvre. Je ne trouverai pas d'issue de secours par là.
Je fait le tour de la pièce jusqu'à ce qu'une commode attire mon attention contre le mur. Mon sac à dos est grand ouvert dessus. Tout les objets en ont été sorti puis étalés en pagaille sur le meuble.
Je retire le t-shirt pour passer rapidement un jeans ainsi qu'un Sweat avec une capuche et une poche kangourou. Je n'ai toujours pas de chaussures, mais il faudra bien s'en passer.
Je m'apprête à remettre mes autres affaires dans mon sac quand je me rappelle ce que j'avais mis dans la poche intérieure de celui-ci . Malheureusement s'ils ont fouillé le sac, ils l'ont probablement trouvé, toutefois, comme c'est une poche cachée, je garde espoir. Je glisse fébrilement mes mains dedans, sentant un petit objet. Mon cœur fait un bon quand je remonte le couteau suisse spécial que j'ai gagné dans une partie de poker contre un homme qui détestait les non-humains.
Je sors la petite lame d'argent qui ne fait pas plus de dix centimètres, mais qui a l'avantage d'être bien effilées. Je plonge ensuite l'objet dans ma poche ventral, et engouffre le reste de mes affaires dans le sac sans ménagement, avant de le passer dans mon dos.
Reprenant mon exploration, je tombe quelques instants plus tard sur une petite porte dérobée qui mène à une salle de bain de grande taille, mais pas d'issue possible. Continuant sur ma lancée, je finis par trouver une porte blanche un peu plus large qui me semble prometteuse. Je l'entre-ouvre avec précaution, des voix me parvenant d'un salon un peu plus loin. Je me fige, tendue, écoutant la conversation.
_Écoute Ryley ! S'exclame une voix de femme. C'est dans ton intérêt qu'elle reste ici quelques jours supplémentaire. Tu ne parles pas encore tout à fait correctement ! Ce n'est peut-être pas très agréable de cette manière, mais tu peux bien profiter de son corps encore un peu !
Je déglutis difficilement avec l'envie de vomir.
Je respire toutefois le plus doucement possible, si je veux sortir d'ici en un seul morceau, je dois rester calme. Je pose mon front contre le mur, essayant de me vider la tête, mais j'ai toujours cette fichue sensation que quelque chose flotte autour de mon cerveau. Je la chasse avec toute l'horreur de la situation. Il me faut en priorité analyser ce qu'il se passe. En poussant un peu la porte, j'aperçois un groupe de personnes sur ma droite assis ou debout à côté d'un grand canapé d'angle. La femme qui vient de parler à des cheveux blond comme les blés relevés dans un chignon élégant. Elle semble avoir une cinquantaine d'années dans son tailleur rose haut de gamme. Cela tranche sérieusement avec ce qu'elle vient de dire.
J'observe les autres participants à cette conversation surréaliste. Il y a un autre blond debout un peu plus loin, sensiblement du même âge qu'elle, habillé dans un costume cravate noire. Une jeune fille en mini jupe noir et croc top beige est assise plus loin sur le canapé à côté d'un garçon qui doit avoir mon âge. Loyd et Chris leur font face, debout près d'une baie vitrée.
Je suis tendue comme un arc quand le loup sous forme humaine rentre dans mon champs de vision. Il porte un jeans noir ainsi qu'une chemise blanche, ses cheveux sont coupés en brosse et des dessins tribaux ont été dessinés à la tondeuse sur les côtés de son crâne. Une courte barbe bien entretenu orne son visage lui donnant l'air d'un vrai gentleman... Seulement l'air... Parce que, à priori, il s'agit plus d'un immonde bâtard, au vue de ce qu'il m'a fait.
Je passe une main sur mon ventre. Est ce que je pourrais tomber enceinte d'un loup garou ? Ou est ce qu'ils se sont aussi occupé de cet éventualité ?
_ Soit raisonnable pour une fois, Ryley ! S'énerve le grand blond. Écoute ta mère... Tu es revenue de loin ! Des mois que tu n'as pas repris forme humaine, c'est un miracle que tu aies récupéré aussi vite ! Mais nous ne devrions pas la relâcher avant que tu aies retrouvé toute tes capacités... Tu pourrais rechuter !
J'entends le grognement que je commence à bien connaître maintenant.
_Je refuse... Pas continuer... comme ça... Articule-t-il difficilement d'une voix rauque et déformée.
On sent qu'il a du mal à parler, alors qu'il balance les bras en l'air, agacé devant ses difficultés.
_ Ce n'est pas comme si cette folle dingue manquait à quelqu'un... S'énerve Loyd en soufflant tout en s'adossant à la baie vitrée. Deux ou trois jours de plus ne feront plus grande différence...
Je sert les dents en me promettant de lui refaire le portrait quand j'en aurai l'occasion.
_ Tonton à déjà agis ! S'exclame l'adolescente sur le canapé en montrant du doigt ma position. Elle est réveillée et elle nous regarde depuis la porte !