_C'était votre dignité qui se faisait la malle ! Lui répondis-je avec calme, en réprimant un sourire.
Il me regarde choqué.
Se rapprochant de moi, il met un doigt sur mon cou.
_ le client c'est le roi ! Dit-il d'une voix chevrotante pas vraiment impressionnante. T'as pas le droit de me manquer de respect !
La porte vibre, tandis que je vois l'ombre de la tête de mon loup se projeter sur le client. Je lève la tête, croisant le regard énervé de mon compagnon. De là où il est, il n'aurait qu'a tendre le cou pour attraper cet homme afin de lui arracher un bras.
_Les toilettes sont un piètre royaume ! Lui fis-je remarquer d'un ton sarcastique, en le repoussant subrepticement du bout du pied pour l'éloigner des crocs de mon chien. Vous devriez changer de trône, je pense !
Il rougit, furieux. Je crois qu'il pensait vraiment m'impressionner, dommage pour lui que j'ai du affronter déjà bien pire. Il sort comme une diva, sûrement pour alerter mon patron. J'en profite pour ouvrir la porte à mon compagnon avant de l'extraire rapidement de là pour l'emmener dans la ruelle adjacente.
_ Tu es gentil mon loup, mais c'était juste un homme ivre! Lui dis-je d'un air las, les poing sur les hanches. Je t'adore mais tu ne peux pas défoncer tout les crétins que tu rencontres... On va finir par avoir des ennuis! Caches toi dans le coin et si tu es sage tu auras une surprise !
Il reste assis, en baissant la tête d'un air contrit pendant que je le gronde. Cependant quand je me retourne pour finir mon travail, il tente de rentrer à nouveau en battant joyeusement de sa queue touffu. Avec un soupire, je lui barre le passage, en montrant la rue avec insistance. Devant ma détermination, il cède allant se coucher, rouler en boule d'un air malheureux derrière une poubelle dans la ruelle.
Je retourne ensuite dans le bar, tentant de retrouver mon client éméché. Je le recroise chancelant devant mon patron entrain de se plaindre de moi. Cependant ses remarques auraient été mieux prises si son vomi n'ornait pas les chaussures de mon supérieur. Quelques secondes plus tard, le videur le sort sans ménagement, l'envoyant voler sur le bitume où il met un bon moment à se relever.
Je retourne rapidement à mes occupations alors que tous mettent ses élucubrations d'une fourrure mouvante sur son taux d'alcool trop élevé. Comme je garde le profil bas tout le reste de la soirée, tout se passe sans autres problèmes.
Je sors donc à la fin de mon service, épuisée, mais plus riche d'une cinquantaine de dollars, un sac plastique à la main sur lequel mon grand ami se jette. Je rigole en le repoussant.
Au final, je n'ai pas vraiment trouvé d'endroit sûr pour nous deux, j'opte donc pour le toit d'un immeuble que je connais bien et qui n'est qu'à quelques centaines de mètres. Personne n'a jamais fait attention à ce qu'il se passait là bas. J'avais dormi là de nombreuses fois pour échapper à Carlos quand je vivais encore chez ma mère.
Nous ne mettons que quelques minutes à le rejoindre, passant par l'issue de secours pour grimper les cinq étages. Je passe la première, observant de temps en temps mon loup qui monte les escaliers escarpées en métal sans effort apparent. Il est étonnement souple et bien coordonné pour sa taille. Admirative, j'avance toute de même, finissant par déboucher sur un toit plat avec un local. Ce dernier est fermé, mais nous sommes en plein été et il fait bon, surtout que mon loup est un radiateur sur pattes, je sais que je n'aurais pas froid.
Il se couche en rond, j'en profite pour m'adosser à son flanc en ouvrant le sac plastique que j'ai ramené du travail.
_Surprise ! M'exclamai-je en riant.
Ce sont de gros morceaux de poulet qui n'ont pas été vendu au bar. Il en dévore les trois quarts pendant que je grignote. Encore trois jours, quatre au pire et je pourrais m'enfuir loin de se calvaire.
J'enfouis mon visage dans sa fourrure en lui grattant les fesses. Ses pattes arrières bougent toutes seules tandis qu'il met sa tête en arrière en gémissant de plaisir. Dès que j'arrête il me lèche la figure. Je rigole en sentant ses muscles bouger sous mes doigts.
Amusée, je fini par bailler à m'en décrocher la mâchoire. Au bout d'un moment, rassurée comme jamais depuis des années, je m'endors sur ma grosse boule de poils, sa tête blottie dans mon cou.
J'ai passé la semaine à préparer notre départ. Avec un animal aussi gros, je ne peux pas prendre les transports en commun, ou même faire de l'auto-stop. Toutefois, en travaillant pour un ami il y a quelques mois, j'ai réussi à avoir mon permis de conduire. Je vais donc louer une camionnette afin de pouvoir transporter mon compagnon à quatre pattes. Cela va sérieusement entamer mon budget, mais je n'ai pas trop le choix, à part y aller à pied...
Je regarde mon loup penché sur le parapet du toit, qui observe la rue en contre bas. Il a entièrement perdu sa masse de poils abîmés révélant sa véritable fourrure couleur bringée foncée qui est au final courte, sauf sur sa queue étonnement poilue. Les reflets or sont vraiment magnifiques à la lumière vive du soleil estivale. Maintenant qu'il n'est plus recouvert de bourres, de poussières et autres saletés, grâce à mes nombreux brossages, je peux voir ses muscles puissants rouler sous sa peau. Il n'a plus rien à voir avec l'animal famélique et mourant que j'ai recueilli la semaine passée.
J'apprends à le connaître petit à petit. Je sais qu'il adore les caresses, mais déteste être seul longtemps. Son intelligence m'impressionne de plus en plus, j'en ai le sentiment qu'il comprend tout ce que je lui dit. Par contre, il est extrêmement protecteur. J'ai intérêt à éviter les contacts, surtout avec les hommes, ou je risque de le voir surgir toute canine dehors à tout instant, je suppose qu'il va me falloir un peu de temps pour lui apprendre à se tenir correctement.
Je m'étire, au moment où il vient se frotter doucement contre ma poitrine pour me dire bonjour, comme d'habitude. En retour, je lui souri en grattant ses joues, ses yeux acier ne me lâchant pas d'une semelle.
J'ai de plus en plus la sensation que quelques choses s'immisce dans mes pensées quand je me noie dans son regard. Ayant presque l'impression qu'il cherche à communiquer avec moi. Je suppose que tout les coups que j'ai pris sur la tête ont fini par me rendre un peu dingue. Je vais finir comme les fous qui parlent aux réverbères. Me secouant pour retirer ces pensées stupides de mon cerveau fatigué, je me redresse en attrapant les grandes oreilles droites de mon ami à poils.
_ Ce soir, on part ! J'ai tout préparé ! On sera bientôt enfin libre !
Il doit sentir mon optimisme parce qu'il se met à gambader sur le toit en faisant le fou, me faisant rire sans retenue. J'adore tellement le voir aussi heureux.
Au bout d'un moment, regardant l'heure sur mon portable, je descends de mon refuge afin d'attaquer ma dernière journée de boulot, mon loup sur les talons. Il a un sacré don pour la discrétion. Malgré sa taille imposante, il a réussi à ne jamais se faire attraper tout en me suivant toute la semaine comme mon ombre, et cela même au bar où j'avais fini par réussir à le faire tenir tranquille.
Aujourd'hui cependant nous allons changer nos habitudes, me permettant de ne pas tester plus ses limites car j'ai donné ma démission là bas hier. Après ma dernière course, j'irais enfin chercher mon mini van afin de laisser new York derrière moi. Passant toute ma journée sur cette lancée d'enthousiasme galopant, j'ai toujours le sourire aux lèvres quelques heures plus tard, quand j'arrive à mon dernier client.
J'observe la nuit qui est entrain de tomber, en me concentrant un peu plus que sur mes autres courses car c'est un quartier dans lequel je ne suis jamais allée. Je suis vite étonnée de constater qu'il semble vide. La circulation est calme, les rues sont extrêmement silencieuse, comme si l'endroit, pourtant bien entretenu, n'était pas habité.
Je pose mon vélo contre l'immeuble de mon client, me sentant étrangement mal à l'aise. Par réflexe, je cherche mon ombre protectrice des yeux, ayant un très mauvais pressentiment.
Je ne l'ai malheureusement pas encore aperçu, que du mouvement attire mon attention. Je me tourne aussitôt vers la porte de l'immeuble où deux hommes sortent, venant visiblement dans ma direction.
En général les clients ne sortent pas pour me confier leur colis, ils attendent que je vienne les récupérer à l'accueil ou dans les bureaux. De plus, ils n'ont pas de paquets, par contre il se rapproche de manière déterminée alors que je suis seule dans la rue et qu'il n'y a aucun véhicule ni circulation.
Reprenant mon vélo en main, je me demande si mon futur départ ne me rend pas un peu trop fébrile. J'hésite, en les regardant venir à ma rencontre, jusqu'à ce qu'il se fige à un pas de moi.
Ils portent tout deux des costumes sombres, chics et coûteux. Si le plus proche de moi, aux cheveux brun, me regarde, le blond, plus jeune, derrière lui observe les ombres entre les buildings comme s'il cherchait quelque chose. Normalement, je sais toujours plus où moins reconnaître le type de travail que fait la personne en face de moi, mais cette fois-ci j'hésite entre hommes d'affaires ou gardes du corps.
Ils sont peut-être simplement des sous-fifre un peu trop zélé de l'entreprise que je recherche.
_ Je fait partie de la société de transport Hermès express, leur expliquais-je, en plaçant subrepticement mon vélo entre eux et moi pour les tenir à distance. Je viens chercher un colis auprès de la société Ericsson corp, est-ce que c'est bien ici ?
Le brun se rapproche encore un peu tout en me faisant un petit sourire avec lequel il tente de paraître amical, tandis que son compagnon blond, lui, arrête de scruter autour de nous pour me dévisager d'un air peu amène.
_ Oui, c'est ici, me répond enfin le brun :Je m'appelle Chris Waine, c'est moi qui ai fait appel à vos services... Toutefois je n'ai pas de paquet à envoyer...
Je serre les mâchoires en reculant d'un pas, près à sauter sur ma selle. Ils sont habillés trop chic pour êtres des sbires de mon beau père, pourtant cela sent le piège à plein nez. Je ne sais pas qui d'autre m'en veux, mais je suis prête à me battre.
Sans avoir besoin de le voir, je sais que mon loup se rapproche de moi rapidement, prêt à me soutenir, et avec lui à mes côtés, je ne crains rien.
_ Qu'est ce que vous me voulez ? Leur dis-je en essayant de retenir mon agressivité tout en essayant de jauger mes possibilités de fuite. Je travaille, vous me faites perdre mon temps !
Son acolyte fini par exploser furieux:
_ Je ne sais pas comment tu as fait pour le capturer, mais si tu lui as fait le moindre mal, humaine, je te dépècerais lentement et douloureusement ! Tu as intérêt à nous dire où il est !
Au fur et à mesure qu'il parle, ses yeux marrons me transpercent de part en part. Je sais déjà que ce n'est pas une menace en l'air.
Essayant de ne pas me laisser déstabiliser, je prends une profonde inspiration, tout en le dévisagea not a mon tour. Je décide d'appliquer mes règles habituelles de livreur, même si cette fois ci, je ne comprends pas d'où vient le problème. Stratégies numéro 2, rester calme et professionnelle en toute circonstances.
_ Avant de menacer les gens, le minimum vital c'est de se présenter et de s'expliquer ! Lui dis-je en lui opposant un ton glacial. Je n'ai aucune idée de quoi vous voulez parler !
_ Tu as capturé notre seigneur alors qu'il est au plus mal ! M'accuse-t-il, furieux en me pointant du doigts. Ça te fait plaisir de te sentir supérieur ! Tu veux jouer avec sa fourrure ou c'est juste pour frimer devant tes potes?
Je le regarde avec des yeux ronds. J'ai la désagréable impression qu'il parle de mon loup. Toutefois, avant que je ne puisse vraiment comprendre la situation, son collègue l'attrape par l'épaule en tentant de l'apaiser.
_ Du calme Loyd! Nos sources nous indiquent que notre Alpha évolue sans entrave...
Je cligne des yeux alors qu'une sueur froide me dégouline dans le dos: Alpha ?