Chapitre 6 Épisode 6 : Ça ne va donc jamais s'arrêter

**** Miracle Ayodélé BOLADJI ****

Aujourd'hui c'est l'anniversaire d'Ivana. Sa mère a envoyé leur domestique me chercher pour que je puisse passer un moment agréable avec ma sœur d'une autre mère. Comme elle sait que ma grand-mère m'a interdit de fréquenter sa fille, à chaque fois qu'elle veut me faire sortir de mon enfer pour que je souffle un peu, elle envoie sa domestique m'appeler. Elle dit à ma grand-mère que c'est pour me commander. Dieu merci ma grand-mère ne s'y oppose pas.

Teddy : bonsoir ici.

Maman Ivana : bonsoir chéri. C'est le retour ?

Teddy : oui maman.

Ivana : regardez-moi ce faux grand frère. Dit-elle faussement fâché.

Teddy : j'ai fait quoi encore ?

Ivana : depuis le matin, tu ne m'as pas souhaité un joyeux anniversaire. Même m'envoyer un message, tu n'as même pas y pensé.

Teddy : désolée ma chérie. Allez, viens là mon gros bébé. Dit-il en faisant un câlin à sa sœur.

Ivana : et mon cadeau ?

Teddy : laisse-moi m'asseoir au moins non ? Ou bien ton cadeau là c'est dette j'ai contracté ?

Ivana : c'est plus que dette même. C'est ton premier devoir de grand frère.

Teddy : hum !

Maman Ivana : tes amis sont venus t'absenter.

Teddy : lesquels ?

Maman Ivana : les deux inséparables qui se suivent partout là.

J'oublie souvent leurs prénoms. Tu vois de qui je veux parler ?

Teddy : Hum non. J'ai beaucoup d'ami qui me rendent visite. De qui parles-tu exactement ?

Maman Ivana : ton ami qui a le coup on dirait pilon des Baoulés là.

Teddy : ahi ! Quelle est cette manière que tu as de décrire les gens ?

Maman Ivana : il était accompagné de celui qui a le menton on dirait hameçon là. Tu te rappelles plus ?

Ivana et moi éclations de rire.

Teddy : maman quand est-ce que tu vas arrêter avec ce genre de moquerie ?

Maman Ivana : mais je ne me moque pas. Je te donne juste des détails sur eux qui vont te permettre de vite les reconnaître.

Teddy : les désigner par leurs défauts physiques ce n'est pas bien. Ce sont des mecs cool.

Maman Ivana : est-ce que j'ai dit le contraire ? Ce n'est pas ma faute si j'ai oublié leurs prénoms ?

Teddy : se moquer des défauts physiques de quelqu'un est un péché et une insulte à Dieu maman.

Maman Ivana : d'accord Pasteur. Dit-elle en sortant du salon. La prochaine fois, demande-leur d'écrire leurs prénoms sur le front là je ne vais plus oublier. Dit-elle en revenant sur ses pas. Sauf une seule personne. Le fils du maire. Eh Dieu, comment un enfant peut avoir le front aussi bombé ?

Nous partons tous dans un fou rire.

Ivana : maman ne va jamais changer. Dit-elle en riant. Vous savez comment elle appelle mon amie Sandrine ? Coton tige.

Nous éclatons tous de rire. Même Papa Ivana.

Teddy : que Dieu te pardonne maman.

Maman Ivana : amen mon fils. Dit-elle depuis le couloir.

Papa Ivana : Elle est juste impossible votre mère. Si seulement vous savez comment elle décrit certains de mes amis. Pff ! Dit-il en prenant la direction du jardin.

Teddy : mais Sandrine aussi est trop mince hein. Dit-il en riant.

C'est seulement sa grosse tête et ces gros pieds on voit.

Ivana : qu'est-ce que tu reprochais à maman tout à l'heure ? Telle mère tel fils.

Papa Ivana : on coupe le gâteau dans deux minutes. Tout le monde dans le jardin.

**** Six mois plus tard ****

On est à trois mois des examens. Je suis hyper stressée. Je ne dors presque plus. Depuis que j'ai commencé l'école, je n'ai jamais repris une classe. Je suis toujours première de ma promotion. Tout le monde croit en ma réussite sauf ma famille bien sûr. Mais moi j'ai peur, vraiment peur. On dirait que c'est la première fois que je veux passer un examen.

Demain Lundi on commence l'examen blanc. Je suis prête, mais je n'arrête pas de lire et relire mes cours. Je suis assise sur la natte depuis des heures et là, j'ai les fesses et la colonne vertébrale endolories. Je m'allonge sur le dos et pose le cahier que j'ai en main sur la poitrine.

– Toc toc toc.

Qui frappe à ma porte à une heure pareille ? Je me questionne intérieurement. Je garde le silence et la personne reprend de plus belle. Je me lève et vais ouvrir et qui je vois ? Madame la deuxième femme de mon père.

Elle : tu sais l'heure qu'il fait toi ?

Moi : non mais il fait encore nuit maman que puis-je faire pour toi ?

Elle : je ressemble à quelqu'un qui peut mettre quelqu'un comme toi au monde ? Je ressemble à ta folle de mère ? Tu nous vois se promener ensemble dans la ou rue traînée sur les tas d'ordures ? Tchrummm ! Il est déjà 4 h du matin.

J'écarquille les yeux. Cela veut dire que je n'ai pas fermé l'œil de la nuit ?

Elle : débarbouille-toi et viens m'aider à faire la friture comme la dernière fois.

Moi : d'accord.

Elle : Que cela soit bien fait comme la dernière fois. Les clients ont vraiment aimé.

Moi : d'accord maman. Vu qu'il est 4 heures du matin, je peux venir faire la friture à 5 heures ?

Elle : 5 heures, c'est trop tôt non ? Il faut venir à 7 heures. Tchrummmm. Piaf t-elle avant de me tourner le dos.

J'ai les yeux qui piquent et j'ai sommeil. On dirait que c'est quand j'ai entendu qu'il est déjà 4 heures du matin que mon cerveau a su qu'il est tard et qu'il faut que je me repose. Mais est-ce que je peux oser dormir ? Je retourne prier et je vais me brosser avant d'aller la rejoindre à la cuisine.

Moi : bon travail maman.

Elle ne me répond même pas. Je me mets au boulot en commençant par écraser les condiments pour la friture. Quelques minutes plus tard, sa fille aînée Valentine vient nous rejoindre.

Maman Valentine : ma chérie est déjà réveillée ?

Valentine : oui maman.

Maman Valentine : que fais-tu debout de sitôt ?

Valentine : je veux voir comment Mira va faire la friture. Mon chéri a beaucoup aimé la dernière fois qu'il a pris celle qu'elle avait faite.

Maman Valentine : elle va te montrer comment faire plus tard. Pour le moment, va te reposer. Tu composes dans quelques heures seulement.

Elle suit le conseil de sa mère et retourne se coucher. Je me demande souvent comment quelqu'un qui connaît la douleur de l'enfantement peut traiter celui d'une autre comme elle le fait avec moi. Elle sait que je compose comme sa fille tout à l'heure pourtant elle me demande de venir l'aider à la cuisine. Sa fille a le droit de se reposer, pas moi.

Je me reprends et continue ma besogne. Ce qui est sûr, tout ça va finir bientôt. Il ne me reste que quelques mois de souffrance. Alors, je vais tenir bon. Après l'examen, j'irai rejoindre ma mère.

C'est ensemble elle et moi l'avions décidé ainsi.

**** Quelques jours plus tard ****

Aujourd'hui, ils ont affiché les résultats du premier examen blanc. Je suis encore en tête de liste comme toujours. Première de ma promotion. Le résultat me réconforte énormément. Ma sœur Ivana aussi est parmi les admis. Ma joie est complète.

Ivana : félicitation ma chérie.

Moi : merci chérie. Félicitation à toi aussi.

Ivana : je ne mérite pas de félicitation. J'ai tellement honte de moi. Dit-elle l'air triste.

Moi : comment ça tu as honte de toi ? Tu es comptée parmi les admis.

Ivana : oui, mais je ne devrais pas être parmi les dix premiers.

Moi : pourquoi tu te tortures pour si peu ?

Ivana : à peine moi je ballais à la maison. Mais regarde tout ce que toi tu fais en une journée. Pourtant, tu bosses dure. Tu as toujours été la première de toute la promotion. Je suis une vraie tarée.

Moi : arrête-moi ça Ivana. Ce n'est pas par ce que tu n'es pas parmi les cinq premiers que tu es une tarée.

Prestige : laisse celle-là. Ivana si toi tu te traites de tarée nous là on va dire quoi ? C'est la quatrième fois je vais passer le BEPC cette année. Je n'ai pas la moyenne pour cet essai blanc pourtant je ne me prends pas la tête pour ça. Il faut garder espoir et prendre les choses du bon côté ma chère.

Ivana : Prestige, on n'est pas même chose, toi et moi. De grâce, ne nous compare plus. Si toi tu veux avoir le doctorat en 3ème ce n'est pas mon cas.

Elle se lève et se dirige vers la sortie de l'école. Je la suis. Prestige toujours derrière nous.

Prestige : ahi ! C'est aller là-bas ? Je voulais juste te remonter le moral.

Ivana : merci, mais je n'en ai pas besoin.

Prestige : Ah ok. Dit-elle en nous faussant compagnie.

Ivana : la fille-là est impossible quoi. Tu passes le BEPC pour la quatrième fois, tu n'as même pas la moyenne de classe pour cet essai blanc, ça ne te fait pas réfléchir ou pleurer et c'est ça tu prends pour donner exemple. Elle ose me dire que c'est pour me remonter le moral. Vraiment, il y a certains parents qui jettent de l'argent par la fenêtre en scolarisant leur enfant.

Moi : c'est méchant de dire ça Ivana. Dis-je en pouffant de rire. Ne dis pas ça. Ce sont ces gens de personnes qui ne foutent rien à l'école et en qui on ne croit pas qui réussissent le plus souvent. Nul ne connaît le futur de quelqu'un.

Ivana : dans ce cas, nous irons nous retrouver au sommet dans le futur. Mais qu'elle ne me compare plus à elle.

C'est en discutant dans cette ambiance que nous rentrons à la maison. À peine je rentre dans la cour que ma grand-mère m'interpelle.

Moi : eh Dieu ! J'ai fait quoi encore ? Dis-je intérieurement en me dirigeant vers elle sur la terrasse où elle est assise.

Mémé : où étais-tu ?

Moi : À l'école.

Mémé : à l'école et pourtant ta mère a chargé ses glacières, toute seule, sous ce chaud soleil pour rentrer ? Ou bien ce n'est pas dans ton école elle vend ?

Moi : oui, mais elle était déjà rentrée avant que je ne quitte l'école.

Maman Valentine : comment l'intello de la famille BOLADJI peut charger des glacières sur sa tête ? Elle n'est plus à notre niveau. Première de la promotion mon cul oui.

Mémé : ce n'est pas toi oh. Dit-elle en me toisant. C'est mon fils qui ne sait pas quoi faire avec son argent et la gaspille pour t'envoyer à l'école. En plus un collège privé. D'ailleurs tu vas quitter là l'année prochaine et allez faire l'école publique. Disparaît devant moi.

Je ne me fais pas prier et me dirige vers la chaudière qui me sert de chambre. Il ne faut pas qu'elle se donne cette peine. Je pars après l'examen national.

Donc c'est à cause de ma réussite qu'elle a chargée elle-même ses glacières ? Je ris toute seule dans ma chaudière, mais à voix basse. La jalousie et la haine peuvent nous fait faire des choses hein ? Depuis quand elle charge ses glacières elle-même ? Depuis quatre ans que je suis dans cette maison, même une seule fois je ne l'ai vue mettre un gobelet sur la tête. Ma réussite la fait autant ma ? C'est intéressant ça. On devrait souvent coller mes notes sur le tableau d'affichage alors. J'aurai peut-être un peu de paix et mon coup va respirer un peu. Vous allez en souffrir, mais vous ne pouvez rien faire. Dis-je intérieurement en riant. Je vais toujours briller.

Je troque mon uniforme contre un short et un débardeur et sors chercher quelque chose à manger à la cuisine. J'ai dormi affamer hier nuit et depuis le matin, je n'ai encore rien mangé. Mon ventre crie famine. Crier même est petit. Ça hurle famine.

Moi : mémé j'ai faim.

Elle ne me répond pas. Mais je sais qu'elle a entendu. Alors je continue de la fixer.

Je reste debout pendant quelques minutes sans aucune réponse de sa part. Je prends la direction de la cuisine. À peine je pose la main sur le poignet de la porte qu'elle me bouscule et rentre dans la cuisine où elle ressort avec un plat de ragoût. Elle me dépasse et commence par verser le contenu du plat dans le bol de Pierrot notre chien.

Moi : mais mémé ? Je vous disais il y a à peine 5 minutes que j'ai faim et vous...

Mémé : et après ? Elle me questionne en m'interrompant. Tu as faim et après ? Tu es plus importante que mon chien ? Non mais tu es arrivée hein ? Tu as pris une cuisinière ici pour te faire la cuisine pour qu'après l'école tu viennes te régaler ? Regarde-moi celle-là.

Maman Valentine : c'est toi sa nouvelle cuisinière non. Tu crois qu'être première à chaque fois fera que tu vas réussir dans la vie que mes enfants ? Tu te trompes ma pauvre petite. Si je me penche sur ton cas même ton ombre tu ne vas pas reconnaître.

Mémé : tu peux aller rejoindre Pierrot pour que vous finissiez le plat. Ce sont les animaux du même plumage qui volent et mangent ensemble.

Je viens de réussir mon examen blanc avec brio. Au lieu de me féliciter ou de me chouchouter pour une fois, voilà comment elles me traitent. Ça ne va donc jamais s'arrêter ? Comment quelqu'un peut être aussi insensible à son propre sang ? Quelle est cette famille dans laquelle je suis née ? Quel mot pour qualifier ma famille paternelle s'il vous plaît ?

            
            

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