- Voilà celle que nous attendions tous, dit madame Kendall.
Elle ne me sembla point arrogante comme à son habitude car sa manière de s'exprimer me le laissait croire. Elle se leva de sa place et vint aussitôt à ma rencontre. Déjà avec les autres, elle me trouva place tout près d'elle. Je la connaissais depuis fort longtemps mais jamais je n'avais connu ce côté là d'elle. Elle était attentionnée et affectueuse même. J'étais tellement surprise que je me demandais si toute cette gentillesse ne fut pas éphémère.
En les écoutant tous, je me rendis compte que la conversation avait déjà bien avancé en mon absence.
- Nous organiserons donc une soirée pour officialiser les fiançailles, déclara monsieur Kendall.
- Nous en profiterons pour inviter tous nos amis et associés, rétorqua mon père.
- Bien-sûr, tout le monde devra être au courant que Kendall et Ashley sont sur le point de devenir une seule et même famille, redit monsieur Kendall.
- Nous devrons donc déjà nous ménager pour les préparatifs, dit madame Kendall à ma mère.
- Tu as bien raison Élisabeth, nous n'avons pas le droit de nous faire surprendre par le temps, tout se doit d'être parfait pour le mariage de ma seule fille, répliqua ma mère.
- Vous parlez de cérémonie et pourtant, vous n'avez toujours pas fixé de date, déclara Nick.
Ils parlaient tous de nos fiançailles à Philip et à moi en notre présence et pourtant, personne n'osait nous demander notre avis à ce sujet. Je ne souhaitais pas avoir une fête pour mes fiançailles car j'avais déjà dit oui à Philip et ça me suffisait amplement. Cette fête pour moi était juste du gaspillage. C'était inutile de feindre des fiançailles et pourtant, j'avais déjà la bague au doigt. Épouser Philip était mon désir le plus ardent en ce moment là mais jamais je n'aurais imaginé que nos familles nous mettraient autant à l'écart.
- Le 19 février, nous pourrons organiser la cérémonie des fiançailles le 19 février, dit mon père avec certitude.
- Cette date est très repoussée à mon goût, je propose le 9 février, c'est à dire dans une semaine, rétorqua monsieur Kendall.
Quand monsieur Kendall donna cette date, je cessai de tous les écouter, mon esprit s'évada. Je ne me sentis plus du tout concernée par toutes leurs plannifications. Je détestais toutes ces fêtes mondaines où chacun s'y rendait pour se faire remarquer et voici que mon mariage était sur le point d'en être un. Le pire dans tout ceci était que je me sentais invisible et impuissante.
Dans mon désarroi silencieux, je me sentis soutenue par les regards de réconfort ue me lançait Philip. Il était le seul, avec Nick à assez me connaître pour comprendre que tout ceci m'ennuyais. À cette allure, notre mariage ressemblerait à une cérémonie royale, tout ce que je détestais.
- Excusez- moi mais j'ai de violentes migraines, tout ceci est certainement dû au fait que je n'ai pas passé une nuit agréable, dis-je.
C'était ma manière à moi de préparer mon évasion de cet endroit.
- Chérie, j'espère que tu te sens bien, dit ma mère.
- Je prendrai des cachets pour la migraine et je me reposerai un peu. Ne vous inquiétez pas, j'en ai l'habitude, dis-je.
Après ces mots, je me lévai pour m'éclipser sous leurs regards attentifs. Mais mon départ soudain ne leur avait pas empêché de poursuivre leurs plannifications.
Je mentirais si je disais que cette situation ne m'avait pas du tout attristée. J'avais attendu ce moment avec tellement d'impatience et voici, nos parents gâchaient tout avec leurs rêves pour nous. Je n'étais sûre que d'une chose, je ne souhaitais pas avoir un grand mariage avec des invités que je ne connaissais même pas. Je voulais un mariage à la hauteur de ma personnalité discrète, juste la famille et quelques amis proches. Ils n'avaient pas tous prêté attention à mon visage car j'avais pleuré et j'espèrais qu'ils ne voient pas mes larmes.
Déjà dans ma chambre, je m'effondrai sur mon lit pour me vider la tête, je ne pensai plus à rien. C'était comme si mon rêve se transformait en cauchemar. Je n'avais clairement plus l'intention de sortir de ma chambre, même pas pour dire un au-revoir à la famille qui deviendrait bientôt la mienne. Je me chargeai de retirer tout ce dont je m'étais parée plus tôt, bijoux, toilettes et même cette somptueuse robe. Je pris une douche pour me libérer les idées et je m'effondrai une fois de plus sur ce lit qui était le mien. Soudain, alors que tout ce que j'espérais était du silence, j'entendis frapper à ma porte. Ne souhaitant recevoir personne, je ne répondis pas dans l'espoir que la personne de l'autre côté de la porte pensa que j'étais profondément endormie.
- Je sais bien que tu ne dors pas Rachel, ouvre moi, dit la personne.
C'était Nick, le sapeur pompier des flammes de mon cœur et peut-être la seule personne capable de me raisonner sur terre. Je me lévai promptement et j'allai lui ouvrir. Il entra et je refermai la porte aussitôt.
- Comment as tu su que je ne dormais pas? lui demandais.
- Pas besoin de certitude quand je connais bien ma petite sœur, répondit Nick.
- Les Kendall sont-ils toujours là ? lui demandais-je.
- Non, déjà partis.
- Je suis désolée de m'être retirée ainsi. Tout cela était trop lourd à mon goût, et si j'étais restée avec vous une seconde de plus dans cette pièce, je n'aurais plus répondu de la suite.
Il ria. Son rire ne me laissa point indifférente du tout, je me mis à rire aussi.
- J'ai su que tes migraines n'était qu'un prétexte pour t'échapper de là. Je n'aurais tout de même pas pu imaginer que tu étais aussi affectée.
- Nick, tu me connais mieux que personne et tu sais que je déteste toutes ces fêtes mondaines et là, j'ai l'impression que je ne pourrai même pas avoir le mariage de mon choix à cause du statut de nos parents à Philip et à moi.
- C'est donc à vous de faire entendre votre voix si elle est commune. C'est de votre union qu'il s'agit après tout.
- Penses-tu vraiment que père et mère abandonneront l'idée de faire un mariage grandiose? demandais-je.
- Le plus important n'est pas ce que je pense ou même ce que les parents pensent, me dit Nick, ce sont vos vies et vous devriez les vivre comme bon vous semble.
Ce que venait de me dire mon frère était tout plein de sens pour moi. Il était désormais hors de question que je laisse les autres faire de mon mariage ce qu'ils souhaitaient. C'était mon mariage, ma décision !
Ce soir là, après que Nick se soit en aller de ma chambre, je pris une décision qui allait changer ma vie à tout jamais. Sur le coup, j'étais très loin d'imaginer que mon idée détruirait la si belle relation que je partageait avec mes parents.
Tard dans la nuit, je sortis en douce de la maison alors que tout le monde dormait. J'avais donné rendez vous à Philip devant chez moi, j'avais besoin que nous discutions à propos de notre union future. D'après moi, ce n'était pas des choses qui se disaient au téléphone. Quand je sortis, Philip était là comme nous l'avions convenu au téléphone.
Il m'embrassa tout d'abord tendrement quand il me vit. En ce baiser, mon cœur retrouva le réconfort dont il avait tant eu besoin durant cette journée vide de sens pour ma raison.
- Mon amour, je me suis tellement inquiété pour toi si tu savais, me dit-il, et tes migraines?
- Il n'y avait pas de migraines, c'était juste le moyen que j'avais trouvé pour pouvoir m'échapper car je n'en pouvais plus, dis-je.
- Je sais bien que tu n'envisages pas notre mariage comme le font nos parents, je suis juste désolé que tu doives subir tout cela, me dit Philip.
- Devrons-nous rester là et observer sans rien dire? Devons nous les laisser gâcher ce qui est censé être le plus beau jour de nos vies? lui demandais-je.
- Vois-tu, je ne vois pas du tout les choses sous cet angle, dit Philip, ce sont nos parents et ils sont tout aussi heureux que nous, c'est leur manière à eux d'exprimer leur joie.
- Si je comprends bien, nous devrions les laisser faire ce qu'ils veulent de notre mariage et nous comporter comme des marionnettes?
- Loin de là, nous devrions plutôt les amener à voir les choses selon notre point de vue et ainsi, trouver un terrain d'entente pour que tout le monde y trouve son compte, déclara Philip.
Je trouvais qu'il n'avait pas tort mais seulement, c'était bien facile de dire tout cela mais nos parents étaient des personnes très coriaces. Je doutais fort que ceux-ci nous comprennent et qu'ils essaient de faire les choses selon notre convenance à Philip et à moi.
- Je connais mes parents et je les trouve bien trop emballés pour laisser tomber. Je t'ai déjà dit oui et je n'aimerais pas le faire une seconde fois devant des personnes que je ne connais pas. C'est notre intimité Philip et nous avons le droit de faire comme bon nous semble, dis-je.
- Mon amour, je n'en doute pas mais nos parents ont tout de même leur mot à dire, me dit Philip, écoute, j'ai une idée.
- Vas-y.
- Et si, nous proposions à nos parents un marché qui nous arrangerait tous, dit Philip de nouveau.
Je ne comprenais pas où est ce qu'il voulait en venir mais il me tardait d'entendre cette idée qui lui paraissait si brillante.
- Un marché ? dis-je.
- Oui, un marché. Proposons à nos parents de préparer la cérémonie des fiançailles comme ils l'ont envisagée contre le fait qu'ils nous laissent décider de tout en ce qui concerne la cérémonie de mariage.
- Je comprends mieux, ainsi, chacun aura ce qu'il veut. Les parents auront leur chère cérémonie des fiançailles et nous, nous leur imposeront de respecter nos choix quant à la cérémonie maritale tout comme nous auront accepté les leur pour la cérémonie des fiançailles. C'est plutôt brillant, dis-je.
- J'espère juste que ça fonctionnera car si tes parents sont de vrais anges, mes parents ne le sont pas, déclara Philip.
- Ne t'en fais pas pour mes parents car avec Nick, nous pourrons les convaincre. Et si tes parents ne sont pas d'accord, les miens les persuaderont, déclarais-je.
Voilà qui était dit, nous avions trouvé une solution qui rendrait tout le monde heureux.
C'est sur de longs baisers que Philip et moi nous séparions ce soir là. Je dois dire que j'étais très heureuse de l'avoir pour fiancé, il me prouvait à chaque fois à quel point il m'était dévoué. Quand j'y repense des fois, je me demande si un jour, il avait été sincère avec moi, même durant une toute petite seconde.
J'allai me coucher avec la certitude que je n'avais pas à m'en faire car j'étais sur le point d'épouser un homme des plus merveilleux, comme on en faisait une fois tous les mille ans. Je n'espérais plus qu'à me réveiller le lendemain afin de pouvoir exposer notre stratégie à Nick car son aide m'était primordiale. Nick n'avais toujours voulu que mon bien et mes parents aussi mais cette fois-ci, j'étais celle qui devait leur faire comprendre ce qui était bien pour moi. Je me laissai ensuite caresser par un doux sommeil.