- J'étais de l'autre bout de la salle et j'ai été subjugué par votre grande beauté. Je n'ai donc pas pu m'empêcher de venir vous importuner, veuillez m'en excuser très chère, me dit ce cher Philip.
J'étais furieuse mais l'habileté avec laquelle Philip s'exprima me calma. Il m'était même venu à l'esprit de lui répondre avec dédain pour le repousser mais je changeai tout de suite d'idée. Je savais bien qu'un aussi beau jeune homme ne s'approchait pas de la jeune femme que j'étais pour parler affaire car si ça avait été le cas, mon frère n'était pas bien loin. Seulement, je ne m'étais pas dit qu'il aurait peut-être eu compassion de la ravissante fille de Monsieur Ashley qui avait l'air ennuyée durant ce dîner.
- Vous êtes tout excusez, dis je, qu'est ce qui aurait bien pu pousser un jeune homme comme vous à m'aborder, je suis curieuse.
Je n'avais pas l'intention de le caresser dans le sens du poil juste parce qu'il avait été délicat avec moi dans ses propos. Mais en le regardant avec attention, je me rendit compte qu'il avait tout bonnement l'air de se moquer de moi.
- Pour une avocate, tu as la mémoire bien trop volatile ma chère Rachel, me dit Philip. Tu n'as même pas pu reconnaître ce bon vieux Philip.
J'étais toute surprise car au fond, je ne l'avais vraiment pas reconnu. Nous n'avons jamais été amis malgré les relations qu'entretenaient nos familles mais cela ne justifiait en aucune façon mon inattention. Philip avait environ le même âge que Nick et ils étaient toujours fourrés ensemble mais moi, j'étais un peu plus jeune qu'eux.
- Mon attitude est tout bonnement impardonnable Philip, dis je, mais pour ma défense, tu as tellement changé...
- Je dois t'avouer que si tu n'avais pas dévalé les escaliers tout à l'heure, jamais je n'aurais su que tu étais la petite Rachel, répondit il.
- Que veux tu dire par là ? fis je. Est ce une manière de s'adresser à son hôte ?
L'expression sur son visage changea tout d'un coup. J'avais pris le même air sérieux que mon père pour lui avancer ces mots et ça avait eu son effet. Philip crût que j'étais sérieuse. Au fond, il ne savait pas le genre de personne que j'étais devenue, c'était normal qu'il se sente frustré.
- Désolé si je t'ai blessé dans mes propos, répondit-il, loin de moi cette intention.
Je ne pus m'empêcher de rire en voyant sa mine de chien battu.
- Ce n'est pas la peine de prendre ce ton sérieux avec moi, c'était une blague, dis je.
Il prit par le suite place près de moi et tous deux, nous bavardâmes pendant un bon bout de temps. En discutant avec lui, il me donna l'impression qu'il ne pouvait y avoir homme plus juste, plus équitable, plus digne d'affection et plus compréhensif que lui. Il semblait excentrique peut-être, mais original. Au fond de moi, même si je ne le faisais pas paraître, cet homme m'avait profondément impressionné. Il était parvenu à sublimer ma soirée juste par sa simple présence.
J'avais longtemps fait des efforts surhumains pour ne pas assister à ce dîner annuel et j'étais satisfaite chaque année de ne pas y participer. Mais alors que cette année là, j'étais prise au piège, je fis ce qui était de loin la plus belle rencontre que je n'avais jamais faite. Philip et moi nous connaissions depuis longtemps certe, mais nous nous étions redécouvert ce soir là. Nous étions devenus des adultes avec des passions, de nouvelles qualités et des défauts mais nous nous étions appréciés. Je n'avais eu aucun mauvais pressentiment à son égard et pourtant, j'avais la faculté de sentir les personnes fausses. Rien ne me disait qu'il deviendrait mon bourreau dans un futur proche. Je n'avais jamais vécu ailleurs qu'ici.
En dehors de mes années d'études à Oxford, je n'avais jamais vécu autre part qu'en cette maison qui était une sorte d'héritage familial pour ma famille depuis de nombreuses années. Je revenais après quatre longues années et voici, que je faisais la connaissance d'un nouveau Philip. Ce n'était plus le copain bien trop silencieux de mon frère mais c'était devenu un homme qui avait l'air de me convoiter vivement. J'eus de la peine à parler de l'effet que Philip m'avait fait à mon frère car je redoutais qu'il ne le voit pas d'un bon œil. Alors que tout ce que je voulais était de retourner à Oxford, la présence de Philip m'en dissuada. Je me souvient donc du dernier dîner organisé par ma famille auquel j'avais assisté, je n'avais que 17 ans et quelques mois mais Philip n'était pas à ce dîner car ses parents disaient qu'il poursuivait ses études à Harrow.
Je le redécouvrais donc plusieurs années plus tard. Et voici, la jeune femme qui n'avait jamais pensé se marier ou fonder une famille un jour, tombait amoureuse de l'ami de son frère. J'avais l'impression que tout avait été écrit dès le départ et que cet homme là était pour moi. Telles étaient toutes les pensées qui traversèrent mon esprit le soir après le dîner. Rien ne s'était encore passé entre nous mais je me voyais déjà aux bras de Philip. Ce n'est que maintenant que je comprends que c'était ce qu'on avait l'habitude d'appeler "coup de foudre". Il m'avait fait bonne impression et j'étais tombée amoureuse au premier regard, comme la débutante que j'étais.