Après une heure de tranquillité, je me décidais enfin à sortir de ma chambre. Il fallait que j'ai l'air sociable, surtout que je ne me sentais pas chez moi.
– Ah, Mia, est-ce que tu veux manger un bout ?
Ma nouvelle belle-mère se levait du fauteuil en me voyant descendre les escaliers et je ne pouvais m'empêcher de faire une petite grimace.
– Oh, je suis désolé, je ne voulais pas te surprendre.
– Non, ça va.
– Très bien. Tu veux que je te fasse visiter ?
– Oui, pourquoi pas.
Mon père me regardait du canapé, sans savoir quoi faire. Je lui faisais un petit sourire lui indiquant que tout allait bien. Enfin, c'était ce que j'essayais de faire croire.
Elle me présentait la cuisine, la salle à manger à côté du salon, où je distinguais une piscine creusé à l'extérieur. Je souriais intérieurement. Je n'allais finalement pas passer tout mon temps devant la télé. J'allais pouvoir bronzer un peu.
– Oh, oui, dehors il y a une piscine. Tu peux y aller quand tu veux. On prend souvent des petits bains de minuit quand il fait vraiment trop chaud. Mais normalement, tu as une petite clim dans ta chambre.
Ce qui ne m'étonnait même pas.
– Vous faites quoi comme travail ?
C'était sorti tout seul de ma bouche. Je voyais son air surpris qui se radoussissait aussitôt.
– Je suis urgentiste. Je suis souvent au travail, tout comme ton père. Mais ne t'en fais pas, on fera pleins de choses ensemble quand même. Et je t'en prie, tutoie-moi et appelle moi Karen.
– D'accord.
Une fois le tour de la maison fini, je retournais dans ma chambre, décidée à déballer quelques cartons.
J'allumais la télé avant de prendre le premier carton que je trouvais pour l'emmener sur mon lit. Je l'avais à peine ouvert que déjà, je voyais un justaucorps plié au-dessus de la pile. Je le sortais immédiatement en refusant de penser à quoi que ce soit. Voyant que ce carton ne possédait que des justaucorps, je remettais tout à l'intérieur et le refermait immédiatement pour le poser dans un coin de ma chambre.
En ouvrant le deuxième carton, ce n'était pas des justaucorps que je découvrais, mais mon journal et un tas d'autres livres que je n'avais encore jamais lu. Le journal dans mes mains, j'essayais de me rappeler la dernière date où j'avais pu écrire dessus. Inutile de réfléchir très longtemps, puisque, le dernier jour où j'avais écris dessus était la veille de la mort de ma mère. Je n'avais pas repensé à écrire dessus après ça. Je devrais peut-être me remettre à écrire dessus. Je me rappelais que ça me calmais un peu avant. Ça me permettait de faire le point sur ma vie.
Je marchais alors jusqu'à ma table de nuit pour le ranger.
Deux cartons et demi déballés plus tard, j'entendais quelqu'un frapper à la porte.
– Oui ?
La porte s'ouvrait et la tête de Jack apparaissait dans l'embrasure de la porte.
– Je peux entrer ? Tu es peut-être occupé ?
– Non, entre.
Je faisais un peu de place sur mon lit et m'assayais au bout pour lui laisser de la place. Pour l'instant, il m'avait fait bonne impression. Ça me rassurait beaucoup de voir les efforts qu'il faisait pour venir me parler alors que j'étais complètement larguée.
– Assis-toi.
– Merci.
Il s'assayait à côté de moi et posait sur moi un regard sombre. Il avait sûrement plein de questions à me poser.
– Je suis content que tu sois là.
– Oh, merci. C'est vrai ?
– Bien sûr. Je m'ennuie à mourir ici tout seul, même si je ne suis pas tout le temps ici.
– Oui, tu dois être chez ton père, aussi ?
– Oui, ou alors, chez mes potes du lycée.
– Ah, oui.
Je regardais de temps en temps la télé pour ne pas le fixer. J'étais un peu timide quand je ne connaissais pas quelqu'un.
– Pour toi ça devait être différent à Houston. Tu devais passer beaucoup de temps au gymnase.
– Oui. À vrai dire, je passais plus de temps dans mon gymnase que chez moi.
– Oui, j'ai vue pas mal de tes vidéos, tu étais vraiment fantastique. J'étais vraiment impressionné la première fois que je t'ai vu pratiquer.
– Merci.
Jack marquait déjà des points. Il avait l'air vraiment gentil et j'avais hâte de le connaître davantage.
– Alors, si tu me parlais un peu de toi ?
– De moi ? Il n'y a pas grand-chose à dire. À part que ma vie se résumait à la gymnastique, avant. Et maintenant, ma vie va se résumer à être une adolescente normale.
– Tu avais un copain, à Houston ?
– Un copain ? Non. Je n'avais pas le droit d'avoir de relation.
– C'est vrai ? L'angoisse. Et des amis ?
– Oui, ma meilleure amie, Julia.
Il prenait son portable dans sa poche pour répondre à un message et je l'observais.
– À mon tour de te poser des questions.
– Je t'écoute. Me disait-il en posant son portable à côté de lui.
– Tu as un copain, ou une copine ?
Il souriait légèrement et j'espérais qu'il allait vite répondre. C'était gênant comme question.
– Non, actuellement, je n'ai pas de copain. Comment tu as su ?
– J'avais un copain qui était gay à Houston.
– Un gymnaste ?
J'acquiesçais en attendant la suite.
– Il était mignon ?
Je rigolais tout en levant les yeux vers la télé.
– Bon, passons. Est-ce que tu aimes vivre ici ?
– Oui. J'ai toujours vécu ici, alors, oui. J'ai des amis géniaux, je suis dans l'équipe de foot du lycée et les gens m'aiment plutôt bien. Je suis sûr que tu vas te plaire ici.
– Je l'espère aussi.
– Je te présenterai quelques amis avant qu'on reprenne les cours, histoire que tu n'arrives pas en terre inconnu sans connaître personne.
– Heureusement que tu es là alors. Dis-je en rigolant.
– Tu m'étonnes.
Son air sérieux me faisait encore plus rire. Il était vraiment gentil. Heureusement qu'il avait mon âge et qu'il allait être dans le même lycée que moi. Avec un peu de chance, on allait tomber dans la même classe.
– Ça doit te faire bizarre d'être ici ?
– Oui, beaucoup. Je vais finir par m'y habituer.
– Pourquoi tu ne reprends pas la gym ici ? Il doit bien y avoir des clubs.
– Je sais qu'il y a des clubs. Mais j'ai vraiment décidé de tirer un trait dessus. Je ne veux plus faire de gym.
– Oui, je comprends.
– Et toi alors, tu fais du foot ?
– Oui, dans l'équipe du lycée. Je suis assez doué, je dois dire.
– Ah, j'ai hâte de voir ça, alors.
Il faisait semblant de gonfler le torse et je rigolais.
– Jack, Mia, on va passer à table.
– On arrive.
Jack avait crié assez fort pour que Karen nous entende d'en bas. Pour l'instant, elle aussi m'avait fait bonne impression. Dans l'avion, j'appréhendais vraiment de la rencontrer, même si mon père m'avait certifié qu'elle m'accueillerait à bras ouverts.
– Aller, on racontera nos vies plus tard, le poulet à la crème nous attend.
Il tapait sur ses deux cuisses avant de se lever et de s'éloigner de ma chambre. Je me mettais à souffler en fixant le sol. Je n'avais nulle envie de descendre, pourtant, je me levais pour rejoindre Jack.
– Ah, vous voilà.
La table était mise, le plat était prêt et Karen et mon père était déjà assis, comme s'ils nous attendaient depuis plusieurs minutes.
– J'espère que tu aimes le poulet, Mia ?
– Oh, oui, je suis bien obligé d'aimer. Lui dis-je en m'asseyant.
Je ne connaissais aucun sportif qui n'aimait pas le poulet. J'en mangeais régulièrement avec ma mère pour le dîner et je continuerais à en manger encore et encore.
– Très bien, je te serre alors.
– Merci.
Je tendais mon assiette vers elle et regardais mon père qui feuilletait le journal. Je ne l'avais jamais vue ainsi, mais il avait l'air incroyablement concentré. J'avais l'impression de ne plus le connaître.
– Vous travaillez demain ?
– Malheureusement, oui. Tous les deux. Tu pourras traîner avec Jack et ses amis. Hein, Jack, tu l'emmèneras faire un tour ?
– Bien sûr. C'est ce que je comptais faire.
– Très bien.
Mon père refermait son journal et le déposait sur le côté.
– On se fait une petite soirée plateau télé après ?
Jack me jetait un coup d'œil comme pour m'implorer de répondre non. J'avouais que je n'étais pas chaude non plus.
– Je pensais finir de déballer mes cartons.
– Oh, tu peux faire ça demain si tu veux. Tu es encore en vacances, tu as tout ton temps. Je peux même t'aider, si tu veux.
– Non, ça va. Je vais plutôt me reposer alors.
– D'accord, comme tu voudras.
Un silence s'abattait et je n'osais faire aucun bruit dans mon assiette. Je n'avais pas grand appétit ce soir, comme la plupart du temps et je voyais mon père me regarder du coin de l'œil.
– Alors, Mia, ton père m'a dit que tu courais beaucoup ?
– Oui. Je ne sais pas si je vais continuer à courir maintenant, mais j'aimais bien, oui.
– Il va souvent courir aussi, peut-être que vous pourrez courir ensemble de temps en temps.
– Pourquoi pas, on verra.
Il me regardait comme s'il n'y croyait pas. Et, il avait raison. J'aimais bien courir seule et je ne serais pas très à l'aise en sa compagnie.
Le reste du repas se faisait en silence et je savais que c'était en partie de ma faute. C'était la première fois que j'étais à leur table et je n'étais pas du genre très avenante. Mon père savait pourtant qu'à l'époque, quand j'étais encore enfant, j'adorais parler. Mais j'avais changé depuis. Depuis que ma mère était morte et que mon frère était parti. J'avais besoin de me retrouver. J'étais différente maintenant et j'étais presque une inconnue pour moi-même.