Debout devant les tapis roulants, j'attendais ma valise. Moi qui était plutôt du genre impatiente, je ne l'étais pas aujourd'hui. Je priais mentalement pour que quelque chose se produise, pour que je puisse rentrer à Houston immédiatement. Mais rien à faire, je savais que j'allais devoir rester ici jusqu'à ma majorité.
- Mia ?
J'entendais mon prénom à travers ma musique alors que j'avais mis le son au maximum. Je retirais mes écouteurs avant de me tourner vers mon géniteur. Il n'avait pas du tout changé, juste légèrement vieilli.
- Papa.
J'étais à peine retourné qu'il me prenait déjà dans ses bras. Je ne cachais pas mon étonnement quand il me lâchait enfin. C'était bien lui, toujours aussi grand et imposant.
- Tu as fait bon voyage ?
- Oui, j'attends mes valises.
- Ah oui, il ne t'en reste que deux, c'est ça ?
Je hochais la tête en remettant mon sac à dos en place sur mon épaule. Je voyais mes deux valises arriver. Il les saisissait au moment où je m'avançais et je laissais paraître un sourire forcé. Je n'étais pas à l'aise, mais je savais que ça allais se passer comme ça. Depuis qu'il avait déménagé il y a cinq ans, on avait perdu notre complicité et je savais que notre relation était devenue différente, maintenant. J'espérais que les choses allaient s'arranger.
- Merci.
Il me donnait la plus petite valise avant de prendre mon sac à dos de mon épaule pour le porter. Je ne lui en demandais pas tant, mais je savais qu'il essayait juste d'être gentil. Lui non plus ne savait pas trop comment se comporter. Ça faisait tellement longtemps qu'on ne s'était pas vu.
- Il est déjà 16 heures. On prendra un petit goûter ensemble avec Karen. Tu dois avoir faim.
- Karen, ta nouvelle femme que je n'ai jamais vue ?
- Non, seulement ma nouvelle compagne. Ça fait un an qu'on est ensemble. Elle a hâte de te rencontrer.
Je ne répondais rien. Il est clair que je n'avais pas hâte de rencontrer ma belle-mère. J'avais déjà assez du mal à me dire que j'allais habiter ici avec mon père.
- Elle a un fils tu m'avais dit, c'est ça ?
- Oui, c'est ça, Jack. Tu vas l'adorer.
- Ça, on verra.
On marchait cote à cote sur le parking en silence. C'était très gênant. Mon père s'arrêtait soudain devant une Range noire magnifique et je me retrouvais à hésiter de la toucher. C'était vraiment sa voiture ?
- Pas mal la nouvelle voiture.
- Oui, elle est très confortable.
L'intérieur cuir lui donnait un aspect encore plus classe et confortable. Je ne pensais pas le trouver avec ce genre de voiture.
- Tu habite loin d'ici ?
- Non, à quinze minutes seulement.
Je m'adossais à la portière tandis que j'attendais qu'il démarre. J'avais déjà hâte de me faufiler dans ma nouvelle chambre, malgré que je devais déjà rencontrer sa nouvelle compagne, ainsi que mon nouveau demi-frère.
- Alors, tu es sûr d'abandonner la gymnastique ?
- Oui.
- Je trouve ça dommage mais, je dois t'inscrire au lycée alors ?
- C'est bien ça.
Ça me donnait déjà envie de vomir. Je n'avais aucune envie d'aller au lycée. Mais ça me permettrait de me faire de nouveaux amis.
- Tu es sûr que c'est bien ce que tu veux ? Tu sais, le lycée, c'est différent. Il y a des garçons, des...
- C'est bon papa, je sais. Mais comme j'arrête la gym, il va bien falloir que je reprenne les cours normalement.
- Oui, eh bien, je n'approuve pas cette idée. Tu étais vraiment douée.
Je soufflais intérieurement. Il n'allait pas commencer à faire le père protecteur après tant d'années d'absence.
- Tu as eu des nouvelles de ton frère ?
- Il est parti il y a un mois. Je ne sais pas où il est et je ne sais pas s'il va revenir. Je n'ai eu aucune nouvelle.
- Il a besoin de temps, c'est normal.
Et moi alors ? On ne m'avait pas laissé de temps pour quoi que ce soit. J'aurais peut-être dû m'enfuir aussi.
Je regardais les paysages défiler par la fenêtre, pensive. Je n'avais aucune idée de tout ce qui m'attendait, mais je comptais bien cacher mon ancien moi à tout les gens que j'allais rencontrer.
En arrivant dans une rue, mon père tournait vers la troisième maison à gauche. Une grande maison blanche avec des volets noirs, assez moderne. Il s'arrêtait devant l'un des deux garages et coupait le moteur. On était arrivé chez mon nouveau chez moi. Une fois sorti de la voiture, il sortait mes deux valises et m'en donnait une. Je ne quittais pas des yeux la maison. Elle était très jolie.
- Elle te plaît ?
- Oui.
Je ne voulais pas trop en rajouter.
- Je suis content qu'elle te plaise.
Ne voulant pas en dire plus, j'ouvrais la marche jusqu'à l'entrée. Une grande porte noire se trouvait en face de moi, qui s'ouvrait au moment où j'allais sonner.
- Mia.
Une femme avec un large sourire m'accueillais et m'étreignit aussi vite que j'avais vu son visage. Elle me serrait fort contre elle et me lâchait doucement pour me regarder de la tête aux pieds.
- Que tu es belle. Un vrai rayon de soleil.
Je lui faisais un sourire timide en me tournant vers mon père qui venait de nous rejoindre.
- Mia, je te présente Karen. Karen, voici ma fille, Mia.
- Eh bien, je suis enchanté. Tu es encore plus belle qu'en photo.
- Merci beaucoup.
Comme elle ne lâchait pas mon regard, je la scannais à mon tour. Elle était légèrement plus grande que maman, un large sourire, des cheveux bruns et des yeux marron. Elle était plutôt jolie pour une femme d'une quarantaine d'années. Elle devait être légèrement plus vieille que mon père et j'avoue que j'appréciais son côté conviviale.
- Aller, entre, je vais te montrer ta chambre.
J'entrais avant elle dans le petit hall d'entrée et laissais ma valise sur le côté. À ce moment-là, je n'étais pas du tout à l'aise. Je n'avais qu'une hâte, c'était que cette journée se finisse.
- Je te ferais visiter après si tu veux. Je vais peut-être te montrer ta chambre. Et, tu dois sûrement avoir envie de prendre une douche après ton voyage.
- Oui, merci.
Elle prenait ma valise et suivait mon père dans l'escalier. En montant les marches, je ne pouvais m'empêcher de regarder vers le salon.
- Voici ta nouvelle chambre, j'espère que tu t'y sentiras à l'aise.
J'entrais tandis qu'ils laissèrent mes valises à l'entrée. Un grand lit double était à ma droite avec des draps blancs et deux oreillers. Une grande fenêtre blanche donnait vue sur la rue et j'avais également une commode et un grand placard blanc à l'autre bout de la pièce avec une télé assez grande pour regarder des séries et des films. Des dizaines de cartons étaient empilés dans un coin.
- Tu as ta propre petite salle de bain.
Karen traversait la pièce pour ouvrir la porte blanche du fond. Je la suivais et jetais un coup d'œil rapide à l'intérieur.
- Ça fera l'affaire, merci.
- J'espère bien. Si tu as besoin de quoi que ce soit, surtout, n'hésite pas.
- Merci.
- Tu dois être Mia ?
Je me tournais vers l'entrée de ma chambre. Un garçon d'environ mon âge se tenait sur le seuil.
- Et toi, Jack ?
Je lui serrais la main amicalement et il me faisait un petit clin d'œil. Je serais prête à parier qu'il est gay.
- Voici mon fils, il a ton âge. Vous serez peut-être dans la même classe, cette année.
- Ce serait bien. Lui dis-je en souriant.
- Oui, en plus, je crois que tu n'es jamais allé au lycée ?
- Oui, c'est bien ça.
- T'inquiète, avec moi tu vas te faire pleins d'amis.
- Je n'en doute pas.
Il souriait avant de se tourner vers sa mère.
- Si on la laissait s'installer tranquillement ?
- Oui, très bonne idée.
Mon père sortait le premier, suivit de Karen qui me lançait un dernier regard.
- Ça va aller, merci.
Elle me faisait un sourire avant de refermer la porte derrière elle. J'étais enfin seul.
Le calme régnait dans la pièce. Je n'entendais plus rien. Je restais focalisée sur mes cartons. Ils étaient arrivés quelques jours plus tôt et je ne savais même plus ce qui se trouvait à l'intérieur. Probablement tous mes vêtements, mes récompenses et mes justaucorps. Je n'avais pas du tout envie de les ouvrir, alors je me contentais plutôt d'ouvrir ma valise sur mon lit pour prendre des affaires de rechange. Il fallait vraiment que je prenne une douche pour évacuer tout ça.