« Ça doit être Alexandre, » a insisté Darius. « Pour le bien de nos deux familles. »
J'ai regardé leurs visages, ces beaux garçons privilégiés qui avaient participé à ma torture, et je n'ai ressenti que du mépris.
« Ma décision est finale, » ai-je dit, ma voix aussi froide et dure que le pavé de la ville.
Ils ne comprenaient toujours pas. Ils pensaient que je prenais la pose, que mon amour pour Alexandre était une force de la nature qui me ramènerait inévitablement dans son orbite.
Il est venu lui-même quelques heures plus tard. Il se tenait à ma porte, l'air beau et confiant, comme si les événements horribles de la veille n'avaient jamais eu lieu.
« As-tu retrouvé la raison ? » a-t-il demandé, sa voix douce et condescendante. « Es-tu prête à être une gentille fille et à faire ce qu'on attend de toi ? »
« Dehors, » ai-je dit.
Il a semblé surpris. L'invincible Alexandre de Villiers n'était pas habitué à être rejeté. « Tu choisis toujours cette brute de Damien plutôt que moi ? Après tout ce que j'ai fait pour toi ? »
L'audace de ses paroles m'a presque fait rire. « Oui, » ai-je dit. « Maintenant, sors de mon appartement. »
Il m'a regardée un long moment, une lueur d'incrédulité dans les yeux. Il a secoué la tête et est parti, toujours convaincu que son chantage lui donnait le pouvoir ultime.
Je me suis affalée sur le canapé, l'épuisement me frappant comme un coup physique. Le combat m'épuisait, mais je ne pouvais pas abandonner. Pas maintenant.
Mon téléphone a sonné. C'était ma mère.
« La fête est ce soir, Azalée, » dit-elle, sa voix tendue. « Tout le monde sera là. Damien est arrivé ce matin. Il sera présent. »
Mon cœur a fait un petit bond. Il était là.
« S'il te plaît, Azalée, » a supplié ma mère. « Ne fais rien d'irréfléchi. Pense à la réputation de notre famille. »
« J'ai fait mon choix, Mère, » ai-je dit, et j'ai raccroché.
La salle de bal était une mer de bijoux scintillants et de faux sourires. C'était l'événement social de la saison, ma fête pour mes 22 ans, la nuit où l'héritière de l'empire immobilier Lefèvre choisirait son roi.
J'ai fait mon entrée dans une robe blanche simple et élégante. C'était une déclaration. J'étais une page blanche, un nouveau départ. Je n'étais pas la fille qu'ils pensaient connaître.
Toutes les têtes se sont tournées. Un silence est tombé sur la salle. J'étais un fantôme à ma propre fête, une survivante des rumeurs et des scandales.
Alaric, Darius et Geoffrey ont été sur moi en un instant, leurs compliments aussi creux que leurs cœurs.
« Tu es à couper le souffle, Azalée. »
« Le blanc est ta couleur. »
Soudain, la foule s'est écartée. Une vague de silence s'est propagée depuis l'entrée.
Alexandre était arrivé. Et à son bras se trouvait Iseult.
Elle portait la robe bleu nuit. Ma robe. Celle qu'ils m'avaient arrachée.
Le hoquet collectif a été audible. C'était un acte d'humiliation calculé et brutal. Elle portait mon armure volée, un trophée de sa victoire sur moi.
La foule regardait, chuchotant, leurs yeux allant de moi à elle. C'était un scandale, un drame qui se jouait pour leur divertissement.
Alaric, Darius et Geoffrey se sont éclipsés, ne voulant pas être pris dans les tirs croisés. Ils m'ont abandonnée, comme toujours.
J'ai senti un poids familier dans ma poitrine, la douleur fantôme de mon humiliation publique.
Alexandre s'est dirigé vers moi, son visage un masque de triomphe. « Tu vois, Azalée ? » a-t-il murmuré, sa voix une caresse venimeuse. « Tout ce que tu as finira par être à moi. Ou à elle. »
J'ai refusé de le laisser me voir craquer. Je me suis tenue droite, le menton haut.
Il m'a attrapé le bras, ses doigts s'enfonçant dans ma peau. « Tu fais une scène. Viens avec moi. »
Il m'a traînée dans une pièce privée et m'a jeté une robe terne et mal coupée. « Change-toi, » a-t-il commandé. « Tu ne me mettras pas dans l'embarras ce soir. »
J'ai été forcée de me changer, de me défaire de ma robe blanche de défi et de revêtir le vêtement gris de la soumission. Quand je suis retournée dans la salle de bal, j'étais l'ombre de moi-même.
La cérémonie a commencé. Ma mère se tenait sur la scène, son sourire crispé. « Et maintenant, le moment que nous attendions tous. Azalée Lefèvre va annoncer son choix pour son futur mari. »
Tous les yeux étaient sur moi. Les cinq candidats ont été amenés sur la scène. Alexandre, se pavanant et confiant. Alaric, Darius et Geoffrey, avec leurs sourires pleins d'espoir et étudiés.
Et lui.
Ou plutôt, un imposteur. Alexandre, dans sa cruauté méticuleuse, avait payé un cousin éloigné et insignifiant des Orsini pour le remplacer. Un leurre pour s'assurer que le vrai Damien ne soit même pas une option.
« Azalée, » a dit ma mère, sa voix tremblant légèrement. « Qui choisis-tu ? »
Alexandre a fait un pas en avant, prêt à réclamer son prix.
« Mon choix, » ai-je dit, ma voix calme mais claire, « n'est pas sur cette scène. »
La foule a murmuré, confuse. Les prétendants m'ont regardée, leurs sourires vacillant. Le visage d'Alexandre s'est assombri.
Puis, les portes principales de la salle de bal se sont ouvertes en grand.
Un homme se tenait là, sa silhouette se découpant sur la lumière du couloir. Il était grand, vêtu d'un costume noir impeccable, sa présence commandant l'attention de toute la salle.
C'était Damien Orsini. Le vrai.
Mon cœur martelait contre mes côtes. Mon Damien.
Je n'ai pas hésité. J'ai quitté la scène, les yeux rivés sur lui. J'ai ignoré les hoquets, les chuchotements, l'appel frénétique de ma mère.
Je me suis dirigée droit vers lui, l'homme que j'avais méprisé toute ma vie, l'homme qui était mon seul véritable allié.
Je me suis arrêtée devant lui, j'ai levé les yeux vers ses yeux surpris et interrogateurs, et j'ai dit, ma voix résonnant d'une force que je ne savais pas posséder : « Je te choisis, Damien Orsini. Je veux t'épouser. »