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La nuit avançait, et pourtant, le temps semblait suspendu. Léa sentit une étrange oppression peser sur sa poitrine tandis qu'Adrien continuait de la fixer, attendant une réponse qu'elle n'était pas prête à donner.
Une chance.
Comme si les années de silence, d'absence et d'indifférence pouvaient s'effacer par une simple demande.
Thomas s'agita à côté d'elle, les poings serrés, prêt à exploser.
- Une chance ? répéta-t-il d'un ton froid. C'est une blague, j'espère.
Adrien ne se laissa pas démonter.
- Je veux simplement être présent pour Emma. Ce n'est pas un caprice.
Thomas ricana, un rire amer et tranchant.
- Présent ? Après deux ans d'abandon ? Excuse-moi si je ne te crois pas une seule seconde.
Léa posa une main apaisante sur le bras de Thomas, sentant la tension vibrer sous sa peau. Elle ne pouvait pas le blâmer pour sa colère. Après tout, c'était lui qui avait pris le rôle de père dans la vie d'Emma, pas Adrien.
Mais une peur sourde lui nouait l'estomac. Avait-elle le droit de priver Emma de son père biologique, malgré tout le mal qu'il avait fait ?
- Pourquoi maintenant ? souffla-t-elle, sa voix trahissant son trouble.
Adrien prit une inspiration, hésitant.
- J'ai... touché le fond. Quand ma femme m'a quitté, quand j'ai perdu mon boulot, j'ai réalisé à quel point j'étais seul. Et que tout ce que j'avais fui me rattrapait.
Il releva les yeux vers elle, son regard brûlant de sincérité.
- J'ai pensé à toi. À Emma. À ce que j'avais laissé derrière moi.
Léa sentit un frisson lui parcourir l'échine.
- Ce que tu as laissé derrière toi ? C'est facile à dire.
- Je sais. Et je ne te demande pas de me pardonner. Juste... de me laisser prouver que je peux être là pour elle.
Un silence tendu s'installa. Thomas ne quittait pas Adrien du regard, comme s'il pouvait le faire disparaître par la seule force de sa volonté.
Puis, d'une voix tranchante, il déclara :
- Léa, ne fais pas ça.
Elle tourna la tête vers lui, surprise par la gravité de son ton.
- Ne lui laisses pas cette porte ouverte, poursuivit-il. Il va te briser à nouveau.
Léa sentit son cœur se serrer. Elle savait que Thomas avait raison. Mais une part d'elle, celle qui n'avait jamais complètement cessé de croire en Adrien, hésitait.
Adrien se redressa, les épaules tendues.
- Je ne veux pas te récupérer, Léa.
Elle tressaillit.
- Alors pourquoi es-tu là ?
- Parce qu'Emma est ma fille. Et que je veux être son père.
Les mots tombèrent comme une sentence. Léa sentit un poids s'abattre sur ses épaules.
- Il est tard, murmura-t-elle finalement.
Un éclair passa dans le regard d'Adrien, une lueur de déception vite masquée. Il hocha lentement la tête et se leva.
- D'accord.
Léa l'accompagna jusqu'à la porte, évitant soigneusement de croiser son regard.
- Je trouverai un moyen, dit-il en se tournant vers elle.
Elle ne répondit rien, figée dans une tempête d'émotions contradictoires.
Quand la porte se referma derrière lui, Léa sentit un frisson glacial l'envahir.
Car elle savait, au fond d'elle, qu'Adrien ne comptait pas abandonner aussi facilement.
Le silence qui suivit le départ d'Adrien était oppressant. Léa restait immobile devant la porte, la main encore posée sur la poignée, comme si elle hésitait à la rouvrir pour s'assurer qu'il était réellement parti. Mais elle savait qu'il n'était pas du genre à disparaître aussi vite.
Derrière elle, Thomas bouillonnait.
- Tu ne peux pas être sérieuse, lâcha-t-il enfin.
Léa ferma les yeux un instant, rassemblant son courage avant de se tourner vers lui.
- Je n'ai rien dit.
- Justement ! Tu l'as laissé parler, tu l'as laissé s'installer ici comme si de rien n'était. Ce type t'a brisée, Léa ! Et maintenant, il revient et tu lui sers un café ?
La colère de Thomas était justifiée, et pourtant, elle la blessa.
- Tu crois que c'est facile pour moi ? répliqua-t-elle, piquée au vif.
- J'en ai aucune idée, Léa ! Parce que là, honnêtement, je ne te reconnais plus.
Elle sentit sa gorge se nouer.
- Il ne s'agit pas de moi. Il s'agit d'Emma.
- Justement ! Tu veux vraiment qu'elle ait un père comme lui ? Un mec instable, qui disparaît et revient quand ça l'arrange ?
Léa se mordit la lèvre. Elle aurait voulu dire non, qu'elle ne laisserait jamais Adrien entrer dans leur vie après tout ce qu'il avait fait. Mais la réalité était plus compliquée.
- Il a l'air sincère, souffla-t-elle.
Thomas éclata de rire, un rire amer et blessé.
- Sincère ? Adrien ? Léa, tu te souviens de la dernière fois qu'il t'a regardée avec cet air-là ? Il t'a dit qu'il t'aimait. Que tu étais la seule pour lui. Et quelques jours après, tu découvrais qu'il couchait avec une autre.
Le souvenir était encore douloureux. Léa détourna le regard, cherchant à masquer l'ombre qui traversa ses traits.
- C'était il y a longtemps, murmura-t-elle.
- Les gens comme lui ne changent pas.
Un silence pesant s'installa entre eux.
- Et moi ? demanda Thomas, plus doucement cette fois.
Léa releva la tête.
- Quoi ?
- Moi, dans tout ça. Où je me situe ?
Elle ouvrit la bouche, mais il leva la main pour l'interrompre.
- Parce que j'ai l'impression que je me bats pour une place qui devrait déjà être acquise.
Léa sentit son cœur se serrer.
- Tu comptes vraiment remettre notre relation en question à cause de ça ?
Thomas la fixa un instant, puis secoua la tête, un sourire triste aux lèvres.
- Ce n'est pas moi qui la remets en question, Léa.
Et sur ces mots, il quitta le salon, la laissant seule avec son chaos intérieur.
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La nuit fut longue. Léa ne dormit presque pas, hantée par les souvenirs qu'Adrien avait réveillés et les paroles de Thomas qui tournaient en boucle dans sa tête.
Le lendemain matin, elle se leva fatiguée, les traits tirés, et rejoignit Emma dans la cuisine. La petite était en pleine discussion avec sa poupée, insouciante du tumulte qui agitait sa mère.
- Bonjour, ma chérie, murmura Léa en l'embrassant sur le front.
Emma leva vers elle ses grands yeux pétillants.
- Maman, hier y'avait un monsieur !
Léa sentit son estomac se contracter.
- Oui, c'était... un ami.
Emma hocha la tête avec sérieux.
- Il avait des yeux comme moi.
Un frisson parcourut Léa.
Bien sûr qu'Emma avait remarqué. Elle était trop jeune pour comprendre, mais elle avait vu.
Et Léa comprit, en cet instant précis, que peu importe ses hésitations, Adrien faisait déjà partie de la vie de sa fille.
Le matin s'étira dans une lenteur pesante. Léa s'efforça de se concentrer sur les gestes du quotidien : préparer le petit-déjeuner, habiller Emma, vérifier ses e-mails. Mais chaque tâche était entachée par les pensées qui tournaient en boucle dans son esprit.
Thomas n'était pas rentré après leur dispute. Il n'avait pas laissé de message non plus. Son absence, bien que discrète, pesait lourd dans l'atmosphère. Léa tentait de se convaincre qu'il avait simplement besoin d'un peu de temps, mais une angoisse sourde lui serrait la poitrine.
Emma, elle, semblait insouciante. Elle chantonnait une comptine en jouant avec sa peluche, ignorant les tensions invisibles qui planaient autour d'elle.
- Maman, on va au parc aujourd'hui ?
Léa caressa tendrement les boucles blondes de sa fille.
- Pas aujourd'hui, ma puce. Maman a du travail.
Emma fit la moue mais ne protesta pas. Elle retourna à son jeu, laissant Léa seule avec son café refroidi et ses pensées embrouillées.
Un bruit de notification la fit sursauter. Elle attrapa son téléphone et sentit son cœur rater un battement en voyant le nom affiché.
Adrien.
Elle hésita une seconde avant d'ouvrir le message.
"Je sais que je t'ai fait du mal. Mais je ne partirai pas cette fois. Je veux voir Emma. Dis-moi quand je peux passer."
Léa serra les dents. Il était direct, comme toujours.
Elle tapota sur l'écran, hésitant à répondre. Devait-elle vraiment lui donner cette opportunité ? Thomas avait raison : Adrien avait toujours été un homme instable, un électron libre incapable de se fixer. Mais il était aussi le père d'Emma.
Un soupir lui échappa. Elle ne pouvait pas prendre cette décision seule.
Elle tenta d'appeler Thomas, mais il ne répondit pas.
Léa se mordit la lèvre, sentant une boule se former dans sa gorge.
Elle était sur le point de ranger son téléphone lorsque celui-ci vibra à nouveau. Cette fois, le message venait d'un numéro inconnu.
"Tu ne devrais pas lui faire confiance. Il n'est pas revenu par hasard."
Son sang se glaça.
Son regard passa d'Emma, qui continuait de jouer paisiblement, à l'écran de son téléphone.
Un frisson lui parcourut l'échine.
Quelque chose lui échappait. Et elle devait découvrir quoi.