Elle descendit les marches imposantes menant au salon principal, où la réception battait son plein. Des hommes et des femmes, vêtus de leurs plus belles tenues, discutaient à voix basse, leurs regards calculateurs balayant la salle. Adrian était debout près du bar, un verre de whisky à la main, son charisme éclipsant tout ce qui l'entourait.
Mais ce n'était pas lui qui attira l'attention d'Elena ce soir-là. Un homme grand, avec des cheveux sombres impeccablement coiffés et un sourire qui ne semblait jamais atteindre ses yeux, s'approcha d'elle.
- Vous devez être Elena, dit-il d'une voix douce mais assurée. Matteo Lazzari. Un plaisir de vous rencontrer enfin.
Elle lui tendit une main hésitante, qu'il saisit avec une familiarité troublante.
- Enchantée, répondit-elle, tentant de masquer sa gêne.
Matteo la dévisageait avec une intensité qui la mettait mal à l'aise.
- Adrian parle rarement de ses affaires personnelles, mais il semblerait que vous soyez... une exception.
Il y avait une ironie dans son ton, une insinuation à peine voilée. Elena sentit une bouffée de chaleur monter à ses joues, mais elle se força à maintenir son calme.
- Adrian et moi avons une relation... particulière, répondit-elle en pesant ses mots.
Matteo sourit, mais son regard restait tranchant.
- Particulière, en effet. Mais dites-moi, Elena, comment trouvez-vous ce monde ? Intimidant ? Captivant ?
Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais fut interrompue par l'arrivée d'Adrian. Son expression était froide, presque menaçante, et son regard passa rapidement de Matteo à elle.
- Matteo, je vois que vous faites déjà connaissance, dit-il, sa voix basse et contrôlée.
- Juste une petite conversation, répondit Matteo avec un sourire. Rien de compromettant, je vous l'assure.
Adrian posa une main ferme sur le bas du dos d'Elena, l'incitant à s'éloigner avec lui.
- Nous devons parler, murmura-t-il à son oreille.
Elle le suivit sans un mot, sentant la tension émanant de lui comme une vague prête à éclater.
Ils pénétrèrent dans une pièce adjacente, loin des oreilles indiscrètes. Adrian ferma la porte derrière eux et se tourna vers elle, son regard plus sombre que jamais.
- Que te voulait-il ? demanda-t-il sans préambule.
- Rien de spécial, répondit-elle en haussant les épaules. Il voulait savoir ce que je pensais de... tout ça.
- Ne le crois pas, Elena, prévint Adrian, son ton glacial. Matteo est un manipulateur. Il sourit, il charme, mais il joue pour lui-même.
Elle fronça les sourcils, troublée par son intensité.
- Pourquoi l'avoir invité alors ?
- Parce qu'il est utile, répondit Adrian. Et dans ce monde, l'utilité prime sur la confiance.
Il s'approcha d'elle, réduisant l'espace entre eux.
- Écoute-moi bien, Elena. Tu ne peux pas te permettre de baisser ta garde, avec personne. Pas même avec moi.
Ses mots étaient comme une douche froide, mais il y avait une vérité brutale dans son regard qui la désarma.
- Et toi, Adrian ? demanda-t-elle doucement. À qui fais-tu confiance ?
Il la fixa, son expression indéchiffrable.
- À personne.
Plus tard dans la soirée, alors qu'elle errait dans les couloirs du manoir, Elena fut attirée par des voix provenant d'une pièce dont la porte était entrouverte. Elle s'arrêta, hésitant un instant, mais la curiosité prit le dessus.
À l'intérieur, Adrian était assis face à un homme qu'elle n'avait jamais vu auparavant. L'ambiance était tendue, presque suffocante.
- Tu joues un jeu dangereux, Volkov, disait l'homme, sa voix rauque et menaçante.
- Et toi, je suppose que tu es ici pour me donner une leçon ? répondit Adrian avec un sourire moqueur.
L'homme se pencha en avant, ses poings frappant la table.
- Ce n'est pas un avertissement, Adrian. C'est une promesse.
Elena sentit son cœur s'emballer. Elle recula lentement, mais son pied heurta une table basse, produisant un bruit sourd.
Les deux hommes se tournèrent vers elle en un éclair.
- Elena, gronda Adrian, sa voix trahissant son agacement. Que fais-tu là ?
- Je... je suis désolée, balbutia-t-elle, le regard fuyant.
L'autre homme la dévisageait, un sourire sinistre se dessinant sur ses lèvres.
- Alors, c'est elle, murmura-t-il. Intéressant.
Adrian se leva, son expression se durcissant davantage.
- Elle n'a rien à voir avec tout ça.
- Oh, mais je crois qu'elle a tout à voir avec ça, rétorqua l'homme avant de quitter la pièce, un rire sourd résonnant derrière lui.
Adrian s'approcha d'Elena, sa colère palpable.
- Je t'avais dit de rester loin de tout ça !
- Je ne pouvais pas savoir, protesta-t-elle.
- Justement, répondit-il sèchement. Ce que tu ne sais pas ne peut pas te blesser.
Le lendemain matin, Adrian fit irruption dans la chambre d'Elena.
- Nous devons partir, dit-il sans préambule.
- Où ça ?
- À une réunion importante. Je vais avoir besoin de toi.
Elle haussa un sourcil, méfiante.
- Pourquoi moi ?
- Parce que ta présence est une arme, répondit-il en croisant les bras. Et j'ai besoin que tu utilises cette arme.
Elle le suivit jusqu'à une limousine qui les conduisit à un gratte-ciel imposant. Une fois dans la salle de conférence, Adrian la briefa rapidement.
- Tu vas rencontrer Lionel Grant, expliqua-t-il. Il est sceptique quant à notre partenariat. Je veux que tu lui fasses croire que tout va bien, que nous sommes parfaitement alignés.
- Et si je n'y arrive pas ? murmura-t-elle, nerveuse.
Il posa une main sur son menton, relevant son visage vers le sien.
- Tu y arriveras, murmura-t-il. Parce que tu n'as pas le choix.
Elle déglutit, sentant son cœur battre à tout rompre.
Lionel entra dans la pièce, accompagné de deux assistants. Son regard perçant se posa immédiatement sur Elena, et un sourire amusé effleura ses lèvres.
- Alors, voici la fameuse Elena, dit-il. Adrian, tu ne cesses de me surprendre.
Elle s'efforça de sourire, bien que chaque fibre de son être lui criait de fuir.
- Tout ce que fait Adrian est dans l'intérêt de ses partenaires, répondit-elle, sa voix plus assurée qu'elle ne s'y attendait.
Lionel éclata de rire.
- Une femme qui sait parler. Je comprends pourquoi tu l'as choisie, Adrian.
La conversation se poursuivit, chaque mot pesé comme dans une partie d'échecs. Elena sentait le regard d'Adrian sur elle à chaque instant, comme un rappel silencieux de ce qui était en jeu.
Lorsqu'ils quittèrent enfin la réunion, Adrian posa une main sur son épaule.
- Tu as été parfaite, murmura-t-il.
Elle le regarda, un mélange de fierté et de frustration dans les yeux.
- Et toi, Adrian ? Combien de fois as-tu dû mentir pour survivre ?
Il esquissa un sourire amer.
- Plus que je ne peux le compter.
Elle réalisa alors que, dans ce monde, la vérité n'était qu'une illusion, un luxe que personne ne pouvait se permettre. Et elle, qu'elle le veuille ou non, en faisait désormais partie.