Elle s'exécuta, ses talons résonnant sur le sol de marbre. Chaque pas semblait amplifier la tension. Une fois à ses côtés, elle remarqua l'expression dure sur son visage, ses traits fermés, presque méconnaissables.
- Assieds-toi, ajouta-t-il en désignant une chaise face à son bureau.
Elle s'installa, mal à l'aise sous le regard des autres hommes présents. Ils semblaient l'observer, mais aussi la juger, comme si sa simple présence était un affront.
Adrian claqua un dossier sur son bureau, attirant l'attention de tous.
- Messieurs, poursuivit-il d'un ton froid, les pertes que nous avons subies ce mois-ci sont inacceptables. Si nous continuons sur cette trajectoire, notre position sera affaiblie, et cela, je ne le tolérerai pas.
L'un des hommes, visiblement nerveux, tenta de répondre.
- Monsieur Moretti, nous faisons de notre mieux pour...
- Votre « mieux » ne suffit pas, le coupa Adrian sèchement. Si vous ne pouvez pas gérer vos responsabilités, je trouverai quelqu'un qui le pourra.
Elena frissonna. Elle n'avait jamais vu cette facette d'Adrian. L'homme qu'elle avait connu jusqu'à présent, bien qu'intimidant, avait toujours une certaine élégance dans ses paroles. Mais ici, il était sans pitié, chaque mot étant une arme tranchante.
- Sortez, ordonna-t-il après un silence tendu.
Les hommes quittèrent la pièce en silence, leurs visages blêmes. Lorsque la porte se referma, Adrian se laissa tomber contre le dossier de son fauteuil, fermant brièvement les yeux.
- Est-ce que c'est toujours comme ça ? osa Elena, brisant le silence.
Il rouvrit les yeux, son regard sombre fixé sur elle.
- Comme quoi ?
- Ce... monde impitoyable. Ces menaces constantes, ce contrôle absolu.
Il esquissa un sourire amer.
- Bienvenue dans ma réalité, Elena.
Elle le regarda, partagée entre fascination et effroi.
- Et ça ne vous fatigue jamais ?
Adrian haussa un sourcil.
- Fatiguer ? Non. C'est ce que je suis. Un homme qui contrôle tout, ou qui perd tout. Dans ce milieu, montrer une faiblesse équivaut à signer son arrêt de mort.
Leur conversation fut interrompue par un bruit dans le couloir. Adrian se leva, visiblement agacé, et ouvrit la porte pour voir qui osait perturber son espace.
- Je vous avais dit de ne pas être dérangés, grogna-t-il.
Elena, curieuse, se leva discrètement et jeta un coup d'œil. Elle aperçut un homme en uniforme, tenant un téléphone.
- C'est une urgence, Monsieur Moretti, dit-il.
Adrian saisit le téléphone et s'éloigna légèrement, parlant à voix basse. Elena ne pouvait entendre que des bribes, mais ce qu'elle capta suffisait à éveiller sa curiosité.
- ... une menace sur le convoi. Non, je veux des renforts immédiatement... Si cette opération échoue, nous sommes finis.
Elle recula, son cœur battant plus vite. Une menace ? Quelle opération ? Chaque jour passé aux côtés d'Adrian semblait révéler un nouvel aspect de sa vie, plus dangereux, plus opaque.
Quand il revint dans la pièce, son expression était encore plus dure qu'auparavant.
- Tout va bien ? demanda-t-elle, essayant de cacher son inquiétude.
Il la fixa, ses yeux sondant les siens comme s'il essayait de déterminer si elle en savait plus qu'elle ne le laissait paraître.
- Rien qui ne te concerne, répondit-il finalement.
Mais cette réponse n'apaisa pas Elena. Au contraire, elle fit naître en elle un sentiment d'exclusion, comme si elle n'était qu'un pion dans un jeu qu'elle ne comprenait pas.
- Si je dois jouer ce rôle à vos côtés, j'ai besoin de savoir ce qui se passe, insista-t-elle.
Adrian se tourna brusquement vers elle, son regard flamboyant de colère.
- Ne t'avise pas de te mêler de mes affaires, Elena.
Elle se redressa, piquée par son ton.
- Peut-être que je ne devrais pas être là, alors ! rétorqua-t-elle.
Le silence qui suivit était chargé d'électricité. Ils se fixèrent, chacun refusant de céder. Finalement, Adrian fit un pas vers elle, réduisant la distance entre eux.
- Écoute-moi bien, Elena. Je t'ai fait une place dans ce monde parce que j'en avais besoin. Mais cela ne te donne pas le droit de poser des questions ou de douter de mes décisions.
Elle croisa les bras, refusant de se laisser intimider.
- Et moi ? J'ai accepté ce contrat parce que je n'avais pas le choix. Mais cela ne signifie pas que je suis une marionnette.
Son audace sembla le surprendre. Pendant un instant, ses traits se radoucirent, et un éclat presque amusé passa dans ses yeux.
- Tu es plus courageuse que je ne le pensais, murmura-t-il.
Mais cette lueur disparut rapidement, remplacée par son masque habituel.
- Reste à ta place, Elena. C'est tout ce que je te demande.
Elle hocha la tête, mais au fond d'elle, une tempête faisait rage. Elle se rendait compte que malgré leur proximité physique, un gouffre immense les séparait.
Plus tard dans la journée, alors qu'elle errait dans la maison, essayant de calmer ses pensées, elle entendit des voix provenant d'un bureau adjacent. La porte était légèrement entrouverte, et elle ne put s'empêcher de s'approcher.
- ... des preuves contre lui, disait une voix grave. Si cela fuit, il est fini.
- Je veux que tout soit réglé avant la fin de la semaine, répondit Adrian.
Elena retint son souffle. De quoi parlaient-ils ? Et qui était cette cible ?
Lorsqu'elle retourna dans sa chambre ce soir-là, son esprit était en ébullition. Adrian cachait bien plus qu'elle ne l'avait imaginé, et elle n'était pas sûre de vouloir découvrir toute la vérité. Pourtant, une chose était certaine : rester dans ce monde signifiait marcher constamment sur une corde raide, où un faux pas pouvait tout faire basculer.