Le peuple libre
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Chapitre 4 Chapitre 4

Je me réveille en entendant la sonnerie de mon portable. Ce foutu gadget qui ne nous laisse jamais vraiment seul. Encore à moitié endormis, je tends le bras à la recherche de cet objet que je jetterais bien par la fenêtre si seulement je n'étais pas moi aussi dépendante de ce truc. Ma main à force de tâter, finit par tomber sur l'objet en question. J'ouvre un œil pour voir qui ose ainsi troubler mon sommeil. Laly est inscrit en gros, accompagné d'une floppé de smileys. Mon doigt glisse pour décrocher avant que je n'active le haut parleur.

- Ouais, dis-je en baillant.

- Salut Héléna. Comment tu vas?

- J'irais mieux si tu ne m'avais pas réveillée, dis-je en m'étirant. Un problème miss?

- Disons plutôt, un petit soucis de dernières minutes.

- Je t'écoute.

- Ma voisine est malade. La grippe, non mais qui attrape la grippe en plein mois de juillet? Franchement! Bref. James va à la piscine ce matin avec son copain, mais j'ai personne pour aller le récupérer. Personne pour s'occuper de lui cette après midi.

- J'ai cours à dix neuf heures, ça sera bon pour toi?

- Putain, tu me sauves la mise ma grande. Désolée de t'emmerder ton jour de repos.

- T'inquiète. Tu me devras un verre pour te faire pardonner.

- Avec plaisir. Il faut que tu y sois pour 12h30. OK.

- Pas de problème. J'y serais. Par contre, je le ramène chez moi. Je dois développer ma séance d'hier soir.

- OK. Je passe le chercher pour 18h30 grand max.

- ça marche, à toute miss.

- Encore merci, tu me sauves la vie ma grande.

Je souris en raccrochant. Elle ne le réalise peut-être pas mais c'est elle qui m'a sauvé la vie. Je n'aurais pas donné cher de ma peau quand je suis arrivée ici. Je ne connaissais le monde des humains qu'à travers les magazines et la télé, rien de plus. Tout y était si beau, presque pur alors que la réalité est bien autre. Je ne suis pas mécontente d'être la Louve que je suis. Ma condition m'a aidé à bien des reprises.

Je regarde l'heure en soupirant. J'ai passé une bonne partie de la nuit à profiter des montagnes pour laisser ma Louve courir en toute liberté. Je ne suis rentrée qu'à l'aube. Autant dire que la nuit a été courte. Pourtant, même si mon corps me hurle de rester sous mes draps, je me lève en m'étirant une dernière fois. Je sors de ma chambre en traînant les pieds pour me diriger vers la cuisine avec cet objet magique qu'on appel une cafetière. Depuis que j'y ai goutté, je suis accros et j'avoue sans mal que je ne pourrais plus m'en passer. Alors que le liquide coule, comme tout les jours à la même heure, mon portable sonne en m'affichant le décompte du reste de ma liberté.

15 mois et 12 jours. C'est le temps qu'il me reste. Je ferme les yeux en retournant mon portable avant de prendre ma tasse et d'aller me vautrer dans mon fauteuil, devant la télé. Je zappe rapidement jusqu'à tomber sur les chaînes infos. Je ne comprends toujours pas pourquoi les humains en ont besoin. Les journalistes changent durant la journée, c'est vrai, mais les nouvelles restent les même. Pourtant, je me prends au jeu et regarde ces informations qui ne me concernent qu'à moitié. J'ai appris au fil de ces derniers mois que même si les humains connaissent notre existence, ils ne parlent pour ainsi dire jamais de nous. Ils préfèrent nous ignorer, bien que notre race revienne à la charge une fois de temps en temps, quand il s'agit d'expliquer une disparition quelconque et inexplicable. Le fameux mythe du Loup assoiffé de sang. De la bête sauvage qui va tuer les enfants sous les yeux de leurs mères avant de les violer et de les tuer à leur tour. J'ai entendu ce genre de discours des centaines et des centaines de fois sans que je ne sache si ça me dérange ou si au contraire ça me passe au dessus de la tête.

Après tout, nous autres les Loups ne sommes pas mieux. Nous avons tellement de préjugés sur les humains que nous ne sommes pas plus objectifs qu'eux. Je crois qu'au fond, c'est surtout parce que nos deux races n'ont jamais cherché à se connaître. Chacun se pense meilleur que l'autre. Chacun s'imagine que ce monde lui appartient par ce qu'il est plus évolué, plus fort, sans réaliser qu'au fond, nous ne sommes pas totalement différent.

Après quelques minutes à fixer l'écran et quelques gorgées de café, c'est officiel, rien de nouveau ou d'important ne s'est passé durant le peu de sommeil que j'ai eu. Je termine ma tasse avant d'aller m'en chercher une autre. Mon rituel matinal, toujours le même, je crois que ça me rassure en quelque sorte.

Une fois ma deuxième tasse avalée, je me décroche de la télé pour filer sous la douche. Je ne peux pas me transformer aussi souvent que je le souhaite ici et mon corps en ressent les effets. Chaque lendemain de transformation, j'ai des courbatures, des douleurs de toutes part. L'eau chaude me fait du bien et je me glisse sous le jet de la douche avec plaisir. Fermant les yeux, je relève la tête en laissant l'eau couler sur mon visage.

15 mois et quelques jours avant de le revoir. Avant que ma vie bascule encore une fois. J'ai l'impression de vivre sur des montagnes russes depuis que je sais que c'est lui. Je pourrais être sa Reine en ce moment. Me faire servir à longueur de journée plutôt que de travailler pour payer mes factures et mes cours.

Car depuis que je vis ici, je me suis découverte une passion, un coup de cœur, presque un coup de foudre, pour la photo. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais le lendemain mon arrivé, alors que je rentrais dans un magasin pour la première fois de ma vie, j'ai acheté un appareil jetable pour garder en mémoire chaque moment, chaque personne, chaque instant qui me semblait important. Je me suis fais l'effet d'être une gamine un matin de Noël quand j'ai été les chercher en magasin et j'ai été encore plus émerveillée quand je les ai découvertes.

Une simple image sur papier glacé. Un instant figé à jamais mais qui est capable de décrire tellement d'émotions. Avec mon premier salaire, je me suis acheté un vrai appareil photo. Pas aussi perfectionné que celui que j'ai maintenant mais un beau joujou quand même. Voyant à quel point la photographie pouvait me passionner, Laly m'a encouragé à continuer, à prendre des cours du soir afin de pouvoir faire de ma nouvelle passion mon métier.

Bien entendu, je n'ai pas osé lui dire que ça ne me servirait à rien d'ici quelques mois. Je sais très bien que je ne serais jamais une photographe professionnelle, mais après longuement réfléchit, j'ai décidé de prendre mon courage à deux mains et de m'inscrire à des cours du soir. Il m'a fallut un certain temps pour être à l'aise au milieu des autres élèves. Au début j'ai eu l'impression d'être loin derrière eux, de ne pas avoir le niveau mais heureusement, je suis tombée sur une prof géniale qui m'a encouragée et m'a poussé à suivre mes envies.

Mon appartement n'est pas immense mais j'ai modifié la chambre d'amis pour en faire une chambre noire, dédiée au développement de mes photos. Il y a eu des ratages les premières fois mais maintenant, je me débrouille, en tout cas suffisamment pour être satisfaite de ce que j'arrive à sortir.

Avant de laisser ma Louve prendre le dessus et se défouler, j'ai été faire une longue promenade pour profiter de l'éclairage de la fin de journée. Je n'ai plus qu'à attendre le résultat mais je suis satisfaite des clichés que j'ai pris. J'espère que ma prof le sera aussi. En sortant de la douche, j'enfile un short et un débardeur. Ce mois de juillet est suffoquant, je comprends pourquoi James passe autant de temps à la piscine avec ces amis, bien que la chaleur ne me dérange pas plus que ça.

J'espère que Laly ne lui a pas dit que c'était moi qui allait le chercher. Histoire de lui faire la surprise. Il aime bien quand je m'occupe de lui et j'avoue que c'est agréable de passer du temps avec lui. J'apprends plein de choses à son contact, ce qui est un comble quand on pense que je suis l'adulte. Il s'amuse souvent à me donner des expressions de jeunes comme il dit, des expressions que je n'avais jamais entendu jusqu'à maintenant.

Je vais rapidement regarder dans mon frigo ce que je vais pouvoir lui proposer à manger ce midi. Il n'est pas difficile, ce qui est une bonne chose vue que je ne suis pas la meilleure cuisinière du monde. Avec cette chaleur, une salade de crudité fera l'affaire. Après un petit ménage rapide, je sors de chez moi pour prendre le bus qui va me conduire à la piscine.

C'est une des choses que j'apprécie le moins. Les transports en commun. Des boites qui nous emmène d'une destination à une autre. Bombées de monde, de personnes bien trop proche les unes des autres dont certains ont une odeur suspecte. Comme souvent dans ce genre de situation, je mets mes écouteurs afin de me couper de la population. Pour une fois, le bus est à l'heure. Le flux de passager descend alors qu'un autre monte. Je m'engouffre en suivant le mouvement et le bus démarre.

Quinze minutes plus tard, j'arrive devant la piscine. Je fonce à l'intérieur du bâtiment afin de profiter un peu de la climatisation. Bien que je n'y prête pas vraiment attention, après quelques minutes d'attente, je sens les regards d'un groupe de jeunes sur moi. Une bande qui se croit forcément supérieur parce qu'ils sont en groupe.

Je reste dans mon coin, focalisée sur la musique que j'écoute. Jusqu'à ce que l'un de ces jeunes ne s'approche de moi. Au moment ou il s'apprête à poser sa main sur mon épaule, probablement pour attirer mon attention, je me retourne vivement afin de lui faire face. Je dirais qu'il a mon âge, voir peut-être un peu plus, bien que ça ne m'intéresse pas vraiment.

Il tente un sourire qui se veut certainement charmeur alors que je soupire en retirant un écouteur.

- Salut, dit-il. Tu attends quelqu'un? Je peux peut-être te tenir compagnie?

Heureusement, avant même que j'ai besoin de l'envoyer promener, James sort de la piscine et dès qu'il me voit, il se précipite sur moi, heureux de me voir. Je pose ma main sur sa tête en ébouriffant ces cheveux encore mouillés.

- T'es prêt bonhomme?

- Prêt!

- Alors on y va, dis-je sans même me soucier de ce mec que j'ignore complètement.

James réajuste son sac à dos et fait un signe de main à son copain avant de me suivre. L'aire est presque brûlant à l'extérieur, mais je ne me plains pas, j'ai toujours aimé cette saison, depuis que je suis gamine.

- On va chez toi, demande James.

- Ouais, tu restes avec moi jusqu'à ce que ta mère vienne te chercher.

Rien qu'à son sourire, je sais qu'il est satisfait de ma réponse. Je décide de rentrer à pieds, marcher ne nous fera pas de mal et le trajet allez a été suffisamment pénible pour éviter de réitérer l'expérience une nouvelle fois en si peu de temps, en plus, comme ça, James a tout le loisir de m'expliquer son planning très chargé pour les grandes vacances. Je ne peux m'empêcher de rire en l'écoutant, c'est un véritable moulin à paroles ce petit. Mais un moulin à paroles adorable.

            
            

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