- Tu pourras partir demain, a t-il ajouté. Je te donnerais tout ce dont tu as besoin pour ton petit voyage. Argent, vêtements, véhicules, tout ce que tu veux.
- Merci, ai-je répondu en souriant timidement.
- Maintenant que nous sommes d'accord, est ce que tu peux me dire comment tu t'appelles?
- Héléna. Je m'appelle Héléna.
- J'aimerais revenir te voir avant ton départ. La simple idée de savoir que tu seras loin de moi pendant deux ans me fait froid dans le dos, si tu n'y vois pas d'inconvénient, j'aimerais profiter de ta présence encore une fois, même si ça n'est que quelques minutes.
- D'accord, ai-je répondu. Je suis d'accord.
à cet instant, son sourire m'a fait chavirer. Un sourire franc et sincère, un sourire chaleureux et plein de douceur. Je me souviens de cette bouffée de chaleur qui m'a envahit, de ce sentiment d'être importante, unique aux yeux d'une personne. C'est étrange, je crois que c'est au moment ou il a accepté de me laisser partir que j'ai compris qu'il allait me manquer. Ma Louve s'est effondrée alors que je me rappelle avoir placé mes mains sur ma poitrine comme pour empêcher mon cœur brisé d'en sortir.
Il a alors fait quelque chose qui m'a surprise. Il a posé sa main sur ma joue avec une grande douceur ce qui m'a fait sourire sans même que je ne le réalise.
- Tu es vraiment très belle quand tu souris Héléna.
J'ai parfois encore l'impression d'entendre ces mots, ces paroles. Car je sais, qu'elles étaient sincères, vrai et ça je n'en n'ai pas douté une seule seconde. Il s'est penché sur moi et a déposé un unique baiser sur mon front avant de se relever. Aussi surprenant que ça soit, il semblait en meilleur état que lorsque je me suis réveillée. Puis il m'a laissé sans que je ne puisse retrouver le sommeil par la suite.
J'ai passé le reste de la nuit à tourner en rond, pensant à ce dont j'allais avoir besoin. Craignant qu'il revienne sur sa décision. Au petit matin, un garde m'a apporté mon petit déjeuner que j'ai avalé rapidement. Puis une heure plus tard, il est venu me voir et comme promis m'a donné tout ce dont j'avais besoin. Nous sommes restés un moment ensemble. Je savais qu'il faisait tout pour reculer mon départ et je l'ai laissé faire.
D'un sens, ça ne m'a pas déplu, il s'est montré très doux et prévenant, allant même jusqu'à m'accompagner à une voiture, dans laquelle il a déposé un grand sac à dos.
- Comme tu ne sais pas conduire, un Loup va te déposer là où tu le souhaites Héléna. Il ne te suivra pas. Tu as ma parole. Aucun Loup n'essayera de te ramener près de moi. Je te le jure.
- Je te crois. J'ai confiance en toi, ai-je répondu tout en sachant qu'il n'avait aucune obligation de faire ça.
- Tu devrais partir maintenant, avant que je ne sois incapable de te voir t'éloigner de moi.
Je me rappelle la peine dans sa voix et dans son regard. Moi une Louve à peine adulte se retrouvait être l'unique responsable de l'état de notre Roi à tous. Sans même y réfléchir, je me suis dressée sur la pointe des pieds et j'ai déposé un baiser sur sa joue. Un simple baiser mais je savais qu'à ces yeux il était une sorte de promesse, d'espoir.
- N'oublies pas, a t-il ajouté. Deux ans, a t-il dit alors que je montais en voiture.
- Deux ans.
Un simple accord, quelques petits mots qui allaient sceller notre destin à tout les deux. Juste deux mots. J'ai donné le nom d'une ville suffisamment grande pour que je me fonde dans la masse et mon chauffeur m'y a conduite, sans jamais m'adresser la parole. Par moment, je me demande si il savait qui j'étais. Si il était conscient de ce qu'il faisait en m'emmenant dans cette ville. Mais pour être franche, sur le moment, j'étais trop excitée par cette nouvelle aventure à venir pour lui demander quoique ce soit.
Quand nous sommes arrivés sur place, je me rappelle à quel point j'étais émerveillée par tant de nouveautés, par ces bâtiments que je découvrais pour la première fois hors d'un magazine quelconque. Je n'avais pas la moindre idée de ce que j'allais faire, ni même d'où j'allais vivre, mais ce sentiment de liberté fourmillait en moi, me donnait une énergie presque transcendante.
J'ai regardé la voiture partir, mon chauffeur me lancer un dernier coup d'œil. Nous étions en plein mois de novembre. Le froid commençait à se faire sentir même si nous autres les Loups sommes moins frileux que les humains. J'étais sur un trottoir, face un immeuble d'au moins dix étages, un comble pour moi quand on connaît la taille de nos maisons. Ce jour là, j'ai découverts que bien que les humains sont loin d'avoir notre puissance, ils sont ingénieux, astucieux et suffisamment malins pour combler leur manque de force par des créations spectaculaires.
Je me suis retrouvée seule avec mon sac à dos. Seule dans une ville remplit de vie, d'humains. Seule à me demander comment j'allais m'en sortir. J'ai tout d'abord cherché un endroit où me mettre au chaud et j'ai jeté mon dévolu sur un café à la devanture rassurante et réconfortante. Je me suis installée dans un coin, à une table. J'ai alors ouverts mon sac à dos pour la première fois depuis que je l'avais. Il contenait quelques vêtements, visiblement à ma taille, ainsi qu'une enveloppe avec de l'argent liquide et un petit carton portant le nom et l'adresse d'une banque et un numéro de compte inscrit dessus.
Quand la serveuse est arrivée, j'ai mis quelques secondes à savoir ce que j'allais commander. J'ai pris un chocolat chaud. Une boisson que j'adorais lorsque j'étais enfant. à travers la baie vitrée, je voyais toutes ces personnes aller et venir, le visage fermé pour la plupart. Enfermés dans leurs routines sans se soucier du reste du monde. Je suis restée là un moment, à savourer mon chocolat avant d'en commander un nouveau.
J'ai étalé sur la table les quelques affaires de mon sac à dos. Je n'avais rien préparé. Je débarquais dans un monde auquel je n'appartenais pas. Je n'avais nul part où dormir. Nul part où aller. Ma Louve était au plus bas alors que je commençais à réaliser que le rêve que je pensais vivre allait être plus difficile que prévu à réaliser. Mais contre toute attente. Alors qu'elle n'avait aucune raison de le faire, la serveuse est venue me voir. L'heure de la fermeture était déjà dépassée sans que je le sache. Elle s'est assise face à moi et a observé mes affaires sur la table.
- Nouveau départ, a t-elle demandé.
- On peut dire ça, ai-je répondu.
- Volontaire ou forcé?
- Volontaire, je crois.
- Quel âge as-tu?
- Dix huit ans.
- Je me souviens de mes dix huit ans. Je voulais voyager et découvrir chaque pays du monde. J'étais prête à tout plaquer pour partir avec un sac à dos et une bonne paire de chaussures de marches, a t-elle dit en riant.
- Tu l'as fais?
- Partir? Non. La vie est parfois surprenante. Alors que je rêver de voyage, j'ai fais la connaissance d'un homme. Il y a toujours un homme. Un étranger qui parlait bien. Il m'a raconté ces propres voyages et je me suis perdue dans ces récits, suffisamment pour qu'il me mette dans son lit. Il était là pour les vacances avec sa famille. Dans un chalet aux pieds des montagnes. Il est repartit au bout de deux mois et moi j'ai découverts deux semaines plus tard que j'étais enceinte. Je n'ai pas hésité longtemps. Je ne me voyais pas faire autrement que l'assumer. Quand j'ai prévenu son père, j'ai eu la désagréable surprise d'apprendre que tout ce qu'il m'avait raconté n'était qu'un joli mensonge pour réussir à me mettre dans son lit. Il avait déjà une copine, une copine légitime avec qui sa famille le voyait marié. Je n'ai plus jamais eu de ces nouvelles et avec un enfant, adieu les rêves de voyages, vive la réalité des factures et de la vie de tout les jours.
J'ai été surprise qu'elle se livre ainsi avant de comprendre qu'elle voulait me mettre à l'aise, me faire comprendre que je pouvais lui faire confiance.
- Alors dis moi. Où comptes tu aller? a t-elle demandé.
Je n'avais pas de réponses. Je n'en n'avais aucune idée. J'ai attrapé cette enveloppe contenant de l'argent nerveusement. à cette époque de l'année, les jours raccourcissent et la nuit commençait déjà à tomber.
- J'en sais rien, ai-je dis. Je n'en sais rien.
- Tu me rappelles moi à ton âge, a t-elle ajouté en riant. Bon, je te propose pas un palace mais si tu n'as nul part où aller, j'ai une chambre d'amie. Je vis au dessus. Moi c'est Laly, ce café est à moi. Tu peux passer la nuit chez moi, peut-être qu'après une bonne nuit de sommeil, tu y verras plus clair. On récupère mon fils chez la voisine et on se fait une petite bouffe sympas. On pourra discuter un peu si tu veux une fois que James sera couché.
Pas une seule seconde je me suis dis qu'elle me voulait du mal. Cette femme d'une petite trentaine d'années, respirait la gentillesse et la bienveillance. J'ai eu immédiatement confiance en elle. En un claquement de doigts.
- Qu'est ce que tu en dis, a t-elle demandé. Est ce que tu aimerais venir chez moi?
- Oui, ai-je dis si vite que même moi j'en ai été surprise.
- Géniale. Par contre, ça serait super si je connaissais au moins ton prénom. Je vais pas t'appeler miss ou mademoiselle toute la soirée.
- Héléna. Je m'appelle Héléna.
- Alors c'est partie Héléna.
Je l'ai regardé fermer le café. Puis nous avons été chercher son fils. Un petit bonhomme de douze ans, trop grand pour un câlin avec sa mère mais trop jeune pour se débrouiller seul. J'ai assisté à l'étape des leçons ou à ma plus grande surprise, je me suis débrouillée. Puis au repas ou James m'a tellement questionné que j'ai eu du mal à pouvoir manger, puis lorsque nous nous sommes retrouvées seules, toutes les deux, elle a débouchée une bouteille de Rhum et nous a servit un bon verre à chacune. Nous autres les Loups, fabriquons notre propre alcool qui n'a rien à voir avec du Rhum.
Un seul verre a suffit pour que je me livre, pas sur tout bien sûr mais suffisamment pour que ça me soulage. Suffisamment pour que je lui en dise plus sur ma situation. J'ai passé ma première nuit de liberté chez elle. La première sans savoir que cette femme allait me donner une véritable chance de vivre pleinement mon aventure. Elle m'a laissé dormir chez elle jusqu'à ce que je me trouve un petit appartement. M'a offert du travail pour que je le paye et surtout, elle m'a donné de précieux conseils et une amitié qui n'a, encore aujourd'hui, pas de prix.