Le peuple libre
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Chapitre 2 Chapitre 2

- Est ce qu'on peut au moins parler un peu, a t-il demandé d'une voix plus douce qui m'a fait frissonner.

Parler? Mais parler de quoi? Du fait qu'aucun de nous n'avait la même vision des choses, de la vie, du monde. Je me souviens avoir ouverts la bouche pour lui répondre sans qu'aucun son ne puisse sortir de ma gorge. Qu'est ce que ça aurait changé? Un homme tel que lui, un Roi tel que lui ne se plie certainement pas à la volonté des autres, sous aucun prétexte. ça n'est pas en faisant des compromis qu'il a réussit à accéder à ce trône.

- Je ne te marquerais pas de force, a t-il ajouté probablement pour me rassurer.

Une part de moi avait envie d'y croire, vraiment. Pourtant, au fond de moi, une petite voix me murmurait que ça ne serait pas aussi simple. Que nous serions incapable de rester ensemble, dans la même maison, sans céder, sans succomber à l'appel de la chaire, de notre destin.

- On pourrait peut-être faire connaissance. Parler de nos vies, de nos familles respectives, histoire d'en apprendre plus sur l'autre? Qu'est ce que tu en penses? a t-il demandé comme si il venait de trouver la solution à notre problème.

L'idée aurait pu être bonne, mais je savais déjà qu'aucun de nous n'aurait pu se contenir très longtemps. J'aurais certainement cédé la première, capitulée en me pliant à sa volonté. Puis perdu dans toutes ces sensations, je l'aurais sûrement laissé me marquer, le laissant ainsi m'emprisonner derrière des barreaux dorés.

- Peut-être que tu as encore besoin d'un peu de temps? a t-il dit d'une voix emprunte de mélancolie.

Il n'y a rien de pire pour un Loup d'avoir son âme sœur à porté de main sans pour autant être en mesure de l'atteindre. Bien entendu, il était plus fort que moi, il aurait pu me contraindre, me forcer à faire de moi sa compagne officielle, mais si il l'avait fait, il savait que même avec le temps, même après des années, j'aurais été incapable de l'aimer.

La douleur a été aussi intense pour moi que pour lui quand il s'est levé. Ma Louve le voulait tellement qu'elle était inconsolable et je crois que lorsqu'il s'est éloigné de moi pour poser sa main sur la poignée de la porte, mon cœur s'est brisé.

- J'ai du travail. Je dois te laisser mais je reviendrais et j'espère que la prochaine fois, je pourrais au moins entendre le son de ta voix, a t-il ajouté avant de me laisser.

J'aurais aimé lui répondre, lui dire tout ce que j'avais sur le cœur, lui expliquer que je n'avais rien contre lui, absolument rien, mais que je n'étais simplement pas prête, pas encore et peut-être même jamais, car si il est Roi, ça aurait fait de moi sa Reine. Une Reine sans plus aucune liberté. Une Reine tenue par des obligations. Une Reine avec bien trop de responsabilités.

Je suis restée assise sur le lit encore de longues minutes jusqu'à ce que complètement épuisée, je finisse par m'endormir. Une fois réveillée, je me suis mise à faire les cent pas, à tourner en rond par manque d'activité, jusqu'à ce qu'il revienne le soir, sans obtenir plus de résultats. Durant trois jours, il est venu me voir tout les matins et tout les soirs, essayant de parler avec moi sans comprendre que cette proximité ne faisait que m'effrayer d'avantage.

Le quatrième jour, j'ai tout d'abord été surprise de ne pas le voir venir au petit matin, avant d'en être presque soulagée. La lutte avec ma Louve était intense et épuisante, pour chacune d'entre nous. Sans avoir rien d'autre à faire, j'ai passé la journée face à la fenêtre à regarder à l'extérieur, toutes ces Louves lui faire des courbettes, attendre un regard de sa part, un sourire, une attention, un geste. Le soir venu, je me suis couchée en attendant que le sommeil arrive et c'est dans la nuit que les choses ont prit une toute autre tournure.

Il s'est glissé dans ma chambre pendant que je dormais. J'ai mis quelques minutes à comprendre qu'il était là mais quand j'ai ouvert les yeux, quand je l'ai vue avec l'éclat de son Loup dans le regard, j'ai su, que la patience n'était pas sa plus grande qualité. Il empestait l'alcool. Avec le recul, je me dis qu'il a sûrement bu ce soir là uniquement parce qu'il souffrait autant que moi. Il n'était plus maître de lui même. Le Loup en lui prenait petit à petit le dessus sur sa raison.

Il s'est approché de moi, d'une démarche peu assurée. Je pouvais voir ces crocs luirent sous l'éclairage de la Lune. J'ai replié mes jambes contre ma poitrine. Ma respiration s'est accélérée, j'aurais aimé fermer les yeux, mais j'avais peur de le faire, peur de ce qu'il allait me faire. Il s'est jeté sur moi et a attrapé mes poignés pour les plaquer contre le matelas. Malgré sa présence et ma crainte grandissante, je me souviens avoir tremblée en percevant son odeur dissimulée sous celle de l'alcool. Il était si fort, si puissant et moi totalement désarmée. Il s'est allongé sur moi de tout son être, m'écrasant presque sous son poids. Je me rappelle m'être débattue, avoir tenté de le repousser en vain. Alors, comprenant que j'étais loin de pouvoir rivaliser avec lui, je l'ai supplié. Pour la première fois depuis que j'étais arrivée chez lui, je lui ai parlé, pour l'implorer de me laisser.

- Ne fais pas ça, je t'en supplie. Ne fais pas ça.

Il m'arrive encore de revoir cet instant en rêve et de m'entendre lui répéter ces mots inlassablement. Mais lui, il s'est mit à grogner pour toute réponse, à grogner si fort que je me suis mise à pleurer sans pouvoir me retenir. Je me dis que le déclic est peut-être venu de là, de mes larmes qui dévalaient mes joues, de mes cris alors que j'implorais la déesse de la Lune de me libérer de ce fou, de ce Roi. Il s'est redressé et m'a longuement regardé avant de me lâcher et de s'asseoir sur le bord du lit en se prenant la tête dans les mains.

Je l'ai regardé, l'ai entendu soupirer et prononcer des paroles que je n'ai pas pu comprendre. Et puis, sans que je ne sache vraiment pourquoi, je crois que j'ai eu pitié de lui, j'ai eu mal de le voir ainsi, si perdu, regrettant ce qu'il venait de faire.

- Je suis désolé, a t-il dit. Tellement désolé. Te savoir ici alors que tu me rejettes est si douloureux. Tu refuses même de m'adresser la parole, de me regarder. Mon Loup te veux et moi aussi. Mais je ne veux pas te faire de mal, je ne veux pas que tu souffres à cause de moi. Dire que je pensais que le jour ou je rencontrerais ma compagne, je serais le Loup le plus heureux du monde et regardes moi, regardes ce que j'ai faillis te faire. Je vais devenir fou si ça continue ainsi. Complètement fou. Je ne pourrais pas me retenir éternellement, je ne pourrais pas rester à distance en attendant que tu te décides à accepter le fait que nous sommes fait l'un pour l'autre.

J'ai mis quelques secondes à comprendre le sens de ces mots, à imprimer ce qu'il essayait de me dire. Alors, je lui ai parlé et nous avons eu notre véritable première conversation.

- Je suis trop jeune, ai-je dis. Beaucoup trop jeune pour de telles responsabilités. Un Roi mérite une Reine, ce que je ne suis pas.

- Je ne suis pas née Roi, j'ai appris à le devenir, a t-il répondu.

- Mais tu avais déjà de l'expérience. Tu étais un Alpha avant de devenir notre Roi. Je suis à peine une femme, j'ai découverts ma Louve il y a seulement quelques mois. Je ne pensais pas rencontrer mon compagnon si vite et jamais je n'aurais imaginé qu'il soit mon Roi.

- Alors qu'est ce qu'on fait? Je ne peux pas faire comme si tu ne représentais rien. Je ne peux pas faire comme si je ne savais pas qui tu es faites pour moi.

- Tu es vraiment prêt à faire de moi ta Reine? ai-je demandé.

- Bien sûr, a t-il répondu en se tournant vivement vers moi gagné par l'espoir.

- Alors répond à ma question. Comment est ce que je m'appelle?

J'ai lu la surprise dans son regard. Il ne s'attendait pas à ce que je lui demande ça. Puis la peine a envahi ces yeux, la peine et la douleur. Il venait de comprendre son erreur. Qu'importe que la déesse de la Lune nous ait choisit pour vivre ensemble, il aurait du s'intéresser à moi, me questionner sur des choses aussi basique que mon prénom, plutôt que de me considérer comme acquise.

- J'ai l'impression de t'avoir perdu alors que tu n'as jamais vraiment été à moi, a t-il soufflé en baissant la tête.

- Les êtres vivants ne sont pas des possessions. Je ne suis pas un bien ou un objet mais une personne. Je crois que je souffre autant que toi de cette situation. Je sens, je sais que tu es mon compagnon, ma Louve m'implore de te laisser nous approcher mais je ne peux pas faire ça. Je suis bien trop jeune. Je n'ai même pas eu le temps de vivre, d'apprendre à découvrir ce monde et ces habitants.

- Est ce que c'est ce que tu cherchais à faire quand tu t'es éloignée de ta meute?

- Je veux voir ce qu'il y a au delà de nos frontières. Voir comment vivent les humains. Découvrir les différences qu'il y a entre eux et nous. Il y a tellement de choses que j'aimerais faire. Tellement de choses que j'aimerais voir.

- Tu veux aller dans le monde des humains, a t-il demandé surprit.

- Je sais que tu ne les apprécies pas. J'ai entendu tes discours et tes mises en gardes à leur sujet, mais oui, c'est ce que je veux, c'est ce que je souhaite.

Durant plusieurs minutes, le silence est retombé. Je crois qu'il a pesé le pour et le contre et c'est alors qu'il m'a fait une proposition.

- Tu es plus jeune que moi, j'en suis conscient, tout comme je peux comprendre que devenir Reine t'effrayes, néanmoins, je ne peux pas renoncer à toi, c'est impossible. Je te propose donc un compromis. Une sorte d'arrangement que nous serons les seuls à connaître. Tu as dix huit ans c'est bien ça?

- C'est ça.

- Que dirais tu de deux ans. Je te laisse deux ans pour que tu découvres le monde des humains. Deux années où je ne ferais rien pour t'approcher. Deux ans, a t-il répété sans que je ne sache si c'était plus pour lui ou pour moi.

- Je ne comprends pas, ai-je répondu.

- Moi non plus, je te l'assure. Mais je ne veux pas te marquer de force. Je ne veux pas que tu me craignes où que tu te sentes prisonnière en ma présence. Je veux que ma compagne soit mon égale et pas une Louve effrayée par le simple fait de me voir. Tu veux découvrir le monde? Alors soit. Vas, vois par tes yeux ce qu'il y a en dehors de nos frontières. Rencontres des humains et fais toi ta propre opinion. Mais dans deux ans, quand tu te seras forgée ta propre expérience, alors je viendrais te chercher. Je viendrais te trouver et cette fois, j'espère que tu seras prête pour devenir ma moitié, ma compagne, ma Reine.

- Et si je ne le suis pas? Si je ne suis pas prête?

- Deux ans. C'est le temps que je t'accorde, a t-il répondu en esquivant ma question.

            
            

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