Chapitre 7

Léna POV:

L'éveil ne fut pas une remontée douce vers la surface.

Je n'étais encore qu'une conscience flottante, dérivant dans les limbes, mais mon lien avec Mathieu avait muté. Ce n'était plus un simple fil invisible ; c'était devenu une chaîne de fer rouge, brûlant ma chair spirituelle à chaque pulsation de son cœur.

La réalité me fracassa de plein fouet par le son d'une sirène hurlante.

L'alarme d'invasion.

La salle de réunion du Pack Delaunay bascula instantanément dans le chaos.

Mathieu, refoulant la douleur qui crispait ses traits, se redressa. L'instinct primal prenait le dessus.

- Rogues ! cria un guerrier en entrant précipitamment, le visage livide. Une armée entière ! Ils attaquent le secteur Nord !

Le visage de Mathieu se métamorphosa. La peur, la culpabilité, le regret... tout disparut derrière le masque impénétrable du chef de guerre.

- Déployez l'unité Alpha et Beta. Évacuez les femmes et les enfants vers le bunker. Maintenant !

Il aboyait des ordres avec une précision militaire glaçante.

C'était toute l'ironie de cet homme : il était un excellent Alpha pour sa meute, un protecteur féroce... pour tout le monde, sauf pour celle qui aurait dû compter le plus.

Je fus tirée à sa suite alors qu'il laissait son loup prendre les commandes.

Sa bête était immense, au pelage gris sombre, une machine à tuer. Mais grâce à notre connexion, je voyais les fissures dans son aura, cette faiblesse insidieuse qui le rongeait de l'intérieur.

Nous courûmes vers le secteur Nord.

L'odeur du sang et de la fumée était suffocante, saturant l'air d'une lourdeur métallique.

Les Rogues étaient partout. Ce n'était pas une attaque désordonnée de sauvages affamés. C'était une stratégie militaire parfaitement exécutée.

*Ils sont organisés,* pensa Mathieu, son esprit vif analysant le terrain. *Qui les dirige ?*

À travers ses yeux, sa vision se superposant à la mienne, je vis l'horreur. Des maisons éventrées par les flammes. Des corps disloqués au sol.

Il se jeta dans la mêlée.

Il était brutal, efficace. Ses crocs déchiraient les gorges, ses griffes éventraient les poitrines.

Pendant un instant, j'admirai sa force brute. C'était ce loup que j'avais aimé, celui qui avait le pouvoir de protéger.

Mais alors qu'il sauvait un groupe d'Omégas coincés sous des décombres, je sentis son hésitation. Son regard ne s'attarda pas sur eux.

Il cherchait quelqu'un.

Aurélie.

La survie de sa meute n'était qu'une tâche de fond ; son obsession, c'était sa précieuse maîtresse.

Les renforts des Packs voisins tardaient. Les Link, toujours embourbés dans leur réunion diplomatique tendue, n'étaient pas encore sur le terrain.

Mathieu était seul.

Soudain, une pression écrasante s'abattit sur le champ de bataille, comme si l'oxygène avait été aspiré d'un coup.

Une Aura d'Alpha si puissante qu'elle fit gémir le loup de Mathieu de pure douleur.

Au milieu des flammes dansantes, un Rogue gigantesque apparut. Il était couvert de cicatrices, borgne, et dégageait une odeur pestilentielle de pourriture et de puissance brute.

Le Roi des Rogues.

Il tenait quelque chose dans sa gueule. Ou plutôt, quelqu'un.

Une femme aux cheveux blonds, hurlant de terreur.

Aurélie.

Mathieu se figea, ses griffes labourant la terre.

Le Rogue Alpha lâcha Aurélie, posant une patte lourde sur sa poitrine, prêt à l'écraser comme un insecte.

Il regarda Mathieu avec un défi sadique.

C'était un piège. Ils voulaient l'Alpha Delaunay.

Mathieu grogna, ses poils hérissés sur l'échine.

Je ressentais sa peur. Pas pour lui, mais pour elle.

Mais je ressentais aussi autre chose... une froideur soudaine, une équation mentale terrifiante.

Il était affaibli par le Fading. Il ne pouvait pas vaincre ce monstre dans un combat loyal. Il le savait.

Il devait faire un choix.

Son loup intérieur geignait, déchiré.

Le temps sembla ralentir. Les flammes continuaient leur danse, indifférentes au drame qui se jouait.

Mathieu fit un pas en avant, et je sentis son intention me traverser comme une lame de glace.

Il n'allait pas la sauver.

Il allait utiliser sa mort comme une distraction pour porter le coup fatal.