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Un mariage immédiat
Soren observait la fille de son ennemi juré tandis qu'elle tentait d'assimiler sa demande. Ses yeux d'un noir profond se perdirent un instant dans les siens, et le cran dont elle avait fait preuve jusque-là, se dissipa en prenant conscience qu'il était sérieux au sujet du mariage.
La dominant de deux têtes, le souverain attendait une réaction ou une réponse de la part de la princesse. Seulement ses lèvres pleines et teintées d'un rose foncé, restaient entrouvertes, incapables de souffler le moindre son. Ses mains qui s'étaient jointes sur sa poitrine, tremblaient comme si elle avait froid.
_ Madame, vous devez penser à l'avenir de votre peuple. À l'heure qu'il est, le pays tout entier est sous mon contrôle total et si vous vous acharnez à me tenir tête, le sang coulera à nouveau et cela sera la faute de votre égoïsme.
_ Je n'ai jamais dit que je continuerai de me battre, Sire. Mais de là à vous épouser...
_ C'est pourtant ce que je demande en tant que gagnant et si vous refusez, vos gens ne m'accepteront jamais comme leur souverain et je serais obligé de les soumettre par la force. Est-ce vraiment ce que vous voulez ?
_ Pourquoi faites-vous cela ? Demanda doucement Izia. Pourquoi nous en faire passer par une telle humiliation ? Mon père a gagné nombre de guerres et jamais, il n'a acculé un peuple de la sorte...
_ Il faut croire que je suis plus intransigeant, madame.
_ Je vous en prie, messire... comprenez que ce que vous me demandez n'est juste pas envisageable... c'est bien au-dessus de mes moyens...
_ Si cela vous est impossible, très bien. Dans ce cas, vous n'avez plus qu'à retourner auprès des vôtres pour les mettre en garde contre mon courroux. Stefen, ordonna-t-il a son général, escorte cette femme jusqu'aux portes qui l'ont vu sortir, et dis à nos hommes de se tenir prêts pour l'assaut.
D'un pas traînant, Izia suivit l'officier jusque hors de la tente. Son abattement lui avait fait légèrement courber l'échine et son air accablé assurait à Soren un changement d'avis proche.
Comme il l'avait prévu, la princesse ne fit pas deux pas qu'elle s'arrêta, incapable de continuer.
En même temps, il lui aurait été difficile de rentrer auprès de ses gens pour leur annoncer qu'ils allaient subir une attaque imminente. En tant que souveraine, elle ne pouvait décemment pas exposer ces pauvres âmes, dont le seul crime était d'être nés sur ses terres.
_ Je ne peux pas..., fit-elle en se retournant et en revenant jusqu'au roi, d'un pas chancelant. Je ne peux pas y retourner et risquer que vous massacriez ces pauvres gens. La garde mobilisée dans l'enceinte de la ville est bien inférieure à la vôtre et vous le savez !
Pleinement conscient de l'ascendant qu'il avait sur cette fille, Soren la toisa de toute sa hauteur. Et afin qu'elle comprenne qui dominait l'autre, il lui adressa un sourire narquois.
_ Très bien, messire, si c'est une union que vous voulez, alors soit. Faisons selon votre volonté...
_ Je vois que vous n'êtes pas si irréfléchie en fin de compte. Bien puisque nous sommes d'accord sur...
_ Une seconde, sire. J'abuse peut-être de votre patience et je m'en excuse, mais j'aurai cependant une exigence moi aussi...
Trouvant cette princesse, plutôt impertinente, Soren voulut d'abord étouffer toutes négociations, mais après une seconde de réflexion, il lui fit signe de continuer. C'était plus fort que lui, il voulait savoir ce qu'elle avait en tête.
_ Si union, il doit y avoir..., dit-elle avec vigilance, cela devra rester une... formalité politique. N'attendez pas de moi que j'entretienne une véritable relation avec vous.
_ En d'autres termes ?
_ En d'autres termes... je ne serais votre femme que de nom. Je refuse qu'il y ait la moindre intimité entre nous...
Le sang du souverain était encore chaud dans ses veines à cause du champ de bataille, et d'entendre cette femme tenter de se soustraire partiellement à sa demande, failli le pousser à l'emportement. Mais après avoir réduit l'écart qu'il y avait entre eux, et qu'il se retrouva très proche d'elle, il se reprit.
Il avait donné sa parole de souverain, qu'aucun mal ne lui serait fait, et si l'envie de lui faire peur le démangeait, il se résolut à hocher la tête. De toute façon, il y avait bien des moyens pour faire plier une femme à ses exigences, il saurait en faire usage le moment venu et si l'envie lui en disait. Car aussi joli que pouvait être cette damoiselle, elle n'arrivait pas à la cheville des filles de son pays. Et si elle se soumettait à ce mariage, Roan serait sien et personne n'irait chercher à propos du ventre qui porterait ses héritiers.
_ Si ce sont là toutes vos conditions, madame, alors soit, on peut aller de l'avant. Stefen, envoi un messager à la cour, commanda le roi à son général, qu'on nous envoie l'ecclésiaste royal ainsi que des témoins...
_ Je vous demande pardon ?! s'exclama Izia avec incrédulité. Vous voulez que nos noces se fassent ici même ?
_ Pourquoi attendre ? Plus vite, vous serez mienne, et plus vite nos hommes et nos gens pourrons prendre un peu de repos. Cette guerre n'a que trop duré, vous ne songez pas ?
***
Les noces avec ce roi allaient se faire immédiatement ?
Le cœur d'Izia battait à tout rompre et sa tête se mit à tourner.
Elle qui pensait qu'elle aurait eu le temps de rentrer et d'expliquer la suite des événements à la cour, ainsi qu'à son peuple, elle s'était trompée. Soren Daskar n'allait pas lui laisser le moindre répit, ni le temps de se faire à l'idée qu'elle allait devenir sa femme.
Bien sûr, elle avait réussi à négocier les conditions de ce mariage, mais la vérité, c'est qu'elle n'avait aucune confiance en cet homme. Ni la concernant, ni concernant le traitement qu'il réservait à son peuple.
Et si elle n'avait aucun moyen de changer ce qui allait arriver aujourd'hui, un espoir se fraya néanmoins un chemin dans son esprit. Si son frère était trop jeune pour gouverner pour le moment, il n'en restait pas moins le véritable souverain de ces terres. Et avec le temps, elle pourrait peut-être agir de l'intérieur pour lui permettre de reprendre le contrôle du pays.
Alors qu'elle s'était emmurée dans le silence, debout devant cette tente militaire, le roi de Pretanie s'avança vers ses hommes, l'expression triomphante.
Il s'entretint avec ses officiers, sûrement pour les mettre au courant que dorénavant, ces terres étaient désormais les leurs, et que l'alliance qu'ils espéraient, allait avoir lieu.
Il ne passa pas plus de deux heures, que le prêtre qui avait baptisé Izia à sa naissance, était arrivé. Des témoins choisis à la cour avaient aussi été envoyés afin d'assister et de valider l'union.
Après que le vieil ecclésiaste ai enfilé sa tenue, il demanda à la jeune femme, si c'était de son plein gré qu'elle envisageait ce mariage.
Bien sûr, et en vertu des faits, Izia se mariait bien sous la contrainte, mais à cet instant et en accord avec ce qui avait été convenu avec le roi Daskar, elle acquiesça.
_ Bien, on va pouvoir commencer la cérémonie, annonça Stefen, après avoir érigé deux groupes de témoins, celui de la mariée d'un côté et celui de son souverain, de l'autre.
Après avoir jeté un regard angoissé à l'assistance, la princesse s'obligea à accepter le bras que son mari imminent lui proposait.
_ Ne tremblez pas de la sorte, madame, lui dit-il en s'apercevant de son état de nervosité.
_ C'est juste le froid, monsieur, ne vous en faites pas pour moi.
Alors qu'elle avait dit cela pour se montrer forte devant cet homme sans cœur, Izia ne put pourtant contrôler les larmes qui lui montèrent aux yeux. En tant que fille d'un grand roi, elle s'était toujours faite à l'idée que son mariage ne serait sans doute pas motivé par l'amour, mais elle était loin de se douter, qu'il se ferait sous la contrainte, et avec son ennemi...