Chapitre 3 Une demande incongrue

LE ROI ENNEMI

Chapitre 2 : Une demande incongrue

_ Vous n'allez pas retirer ce voile ridicule ? Demanda avec aigreur le roi de Pretanie

Izia qui avait bravé la peur et l'incertitude pour venir jusqu'ici, se mit à trembler. La voix grave et pleine de ressentiment de cet homme ne lui laissa aucun doute quant à la haine qui leur vouait, eux les habitant de Roan.

Il était vrai que les querelles du passé avaient laissé des traces, et son père lui-même ne portait pas les gens de Prétanie dans son cœur. Seulement, devant une dame, feu le roi ne se serait jamais montré aussi grossier et peu avenant.

Voyant que Soren Daskar s'impatientait, elle s'exécuta tant bien que mal. Et si quand elle avait son voile, elle soutenait le regard fauve de leur ennemi, à présent qu'elle ne l'avait plus, Izia baissait les yeux.

De sa vie, jamais, elle ne s'était sentie aussi vulnérable. Elle qui avait toujours été aimée et respectée par les siens et son peuple, elle devait faire face à l'humiliation et à la précarité extrême.

Alors qu'elle tentait de réunir son courage pour affronter le roi de Pretanie, Izia sursauta de le voir soudainement approcher.

_ N'ayez crainte, madame, les guerriers que nous sommes, n'avons qu'une seule parole et comme je vous l'ai promis dans ma lettre plus tôt, aucun mal ne vous sera fait en venant ici.

_ Puis-je vraiment faire confiance aux barbares qui ont attaqué mon pays sans raison ? demanda Izia sur un ton empreint de réprobation.

_ Des barbares ? Votre impertinence n'a d'égale que votre inconscience, madame. Et si je suis engagé à garantir votre sécurité durant cet entretien, je ne compte pas laisser passer vos débordements sans rien dire.

Le ton calme qu'avait utilisé le roi ennemi en prenant place devant elle, ne la leurrait pas. Ses yeux aux éclats d'or lui en disaient long sur ce dont il était capable en réalité.

Izia se ressaisit et une petite voix lui conseilla de ne pas laisser sa propre colère prendre le dessus. Elle ne pouvait se permettre de ruiner les négociations qui allaient suivre, son peuple avait besoin d'elle. Et en tant que princesse et seule souveraine en capacité de gouverner, elle devait garder les intérêts de son pays en tête.

_ Bien, je prends note de l'avertissement, dit-elle avec toute la dignité dont elle était capable en de telles circonstances. Si vous le voulez bien, nous pouvons commencer les négociations puisque c'est pour cela que vous m'avez fait venir.

_ Ce que vous appelez négociations sont en réalité de simples revendications de ma part, madame. Des exigences que vous vous ferez l'obligeance d'accepter en échange de la préservation de vos gens et de votre peuple.

_ Messire, après une guerre, il est normal d'avoir des demandes en tant que vainqueur, mais je vous en prie, prenez en considération le fait que nous ne pourrons vous donner plus que ce qui est raisonnablement acceptable. Il faut que vous teniez compte de la population et de ses besoins. Nos terres ont malheureusement été infertiles ces dernières années et les réserves en denrées sont bien maigres...

_ Ne vous préoccupez donc pas du matériel pour le moment, madame. Si je suis là, devant vous, c'est pour bien autre chose...

_ Autre chose ? Demanda Izia qui ne comprenait pas vraiment ce qu'il voulait. Si c'est de l'or que vous désirez, sachez que les réserves royales ont été drastiquement diminuées par la guerre. Mais nous pouvons nous mettre d'accord pour une rente annuelle, une fois que le pays se relèvera et que nos commerces reprendront.

_ Je refuse toute compensation, de quelle nature que ce soit. Je vous l'ai dit, madame, si je suis là, c'est pour avoir la mainmise sur Roan tout entier.

La pauvre princesse n'en croyait pas ses oreilles. Ce monstre voulait le pays tout entier ? Comment cela ?

_ Messire, j'ai bien peur de ne pas comprendre vos attentes...

_ Il n'y a rien à comprendre. Je veux indexer Roan et en faire l'extension de Pretanie.

_ Vous voudriez nous vassaliser..., bredouilla Izia que la réalité dépassait.

_ Allons, ne faites pas comme si vous étiez une simple d'esprit. Je vous le répète, ce pays fera partie intégrante de mes terres et ce palais sera l'un de mes lieux de commandement. C'est plus clair ainsi ?

_ Vous n'y pensez pas ! Se leva la jeune souveraine en proie à la panique. Mon peuple n'acceptera jamais de vous reconnaître en tant que dirigeant ! Vous pourrez faire ce que bon vous semble, vous ne pourrez les assujettis contre leur volonté.

_ Comme vous êtes sûre de vous. Vous croyez décemment que la populace en a quelque chose à faire de savoir qui la dirige ? Pour ces pauvres gens, nous sommes juste des puissants que le destin a favorisé. Et si les armoiries viennent à changer sur leurs terres, ce même destin sera incriminé et voilà tout.

Tout en secouant la tête d'incrédulité, la jeune femme voulut s'en aller. Emar avait raison sur toute la ligne, elle aurait dû lever une résistance et ne pas céder à la peur.

Pourquoi s'était-elle précipitée en pensant que leurs ennemis se montreraient humains et raisonnables ? Sa tendance à toujours vouloir solutionner les problèmes pacifiquement avait fini par trouver ses limites. Et la voilà qui devait faire face à une situation inextricable à présent.

Alors qu'elle n'avait pas fait trois pas, une poigne d'acier la retint par le bras et lui fit faire demi-tour.

_ Où croyez-vous aller de la sorte ?! rugit Daskar avec une impatience perceptible.

_ Vous m'avez donné votre parole ! s'écria Izia qui sentit son cœur s'emballer comme jamais. Vous m'aviez assuré la sécurité, alors pourquoi m'empêchez-vous de repartir ?!

Les prunelles fauves du souverain plongèrent dans les siennes comme pour y chercher des réponses cachées. Elle avait été bien trop paralysée par l'effroi pour le remarquer avant, mais le visage de Daskar était d'une harmonie rare. Un mélange de virilité et de grâce qui sciait tout à fait à son titre. En d'autre circonstance, Izia l'aurait sûrement trouvé beau...

Après un échange de regard qui dura quelques longues secondes, l'homme la lâcha.

_ Ne pensez pas que je vous retienne, madame. Je me permets juste d'insister sur le fait que vous faites une erreur monumentale. Et la précipitation, on le sait, mène rarement à une issue favorable.

_ Comment cela ? demanda la princesse en retenant son souffle.

_ Si vous partez sans avoir accepté mes conditions, sachez que ce sont vos sujets que vous exposez. Car aussitôt que vous aurez regagné les enceintes du fort, je donnerai l'assaut et vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous-même.

_ Et que voulez-vous que j'accepte dans tout cela ?! Puisque c'est le trône de Roan que vous convoitez, en quoi vous avez besoin de mon approbation ?

_ Vous l'avez dit vous-même, vos gens ne m'accorderont jamais leur loyauté, fit Daskar en posant ses mains sur sa taille bardée de cuir épais et de fer, et je n'ai aucune envie de les y forcer par la violence...

_ Alors quoi ? Vous voulez que je leur demande de vous accepter bien sagement après tout le tort que vous leur avez causé ?

Un sourire forcé, ourla les lèvres du souverain.

_ En quelque sorte, oui.

_ Vous n'êtes pas sérieux ?

_ Pour être plus exacte, je vous propose le mariage, madame...

            
            

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