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LIORA
Peut-on être à ce point malchanceuse ?
La soirée commence sous les meilleurs auspices. L'ambiance est électrique, et je me sens prête à m'épanouir sur scène. J'effectue ma première danse, laissant les lumières scintillantes et la musique entraînante m'envelopper, me permettant d'oublier, ne serait-ce qu'un instant, les tracas du quotidien. Les regards admiratifs du public me donnent un coup de fouet, et je savoure chaque mouvement, chaque instant.
Après ma performance, je passe au service des boissons. Le rythme du club est frénétique, et je me faufile entre les tables, servant des cocktails colorés et des shots à des clients joyeux. C'est un travail qui demande de l'énergie, mais chaque sourire et chaque remerciement me récompensent. Puis, Julia, ma collègue, s'approche de moi, un sourire malicieux aux lèvres.
« Devine quoi ? On t'a choisi pour deux danses privées pour la même personne, » annonce-t-elle, un éclat de joie dans ses yeux.
Mon cœur fait un bond. Pour moi, c'est une première. Jamais je n'avais été sélectionnée pour deux danses consécutives. La perspective de ces danses privées me réjouit, car je sais que cela signifie plus d'argent. En effet, on ne va pas se mentir : c'est l'occasion rêvée de doubler mon salaire de la soirée. Lors d'une danse privée de dix minutes, je gagne quasiment le double de ce que je fais en une heure de service. Mes pensées se mettent à vagabonder vers toutes les choses que je pourrais faire avec cet argent. Peut-être que je pourrais enfin me permettre ce petit voyage dont je rêve depuis si longtemps.
Je file aux vestiaires, le cœur léger, impatiente de me préparer. Je me remaquille, ajoutant un peu de brillant à mes yeux et un rouge à lèvres flamboyant. Puis, je passe un costume de scène sexy qui épouse mes courbes, me conférant cette confiance dont j'ai besoin. Alors que je m'admire dans le miroir, je remarque que ma perruque blonde, habituellement éclatante, commence à me gratter la tête. Je soupire en la retirant, frustrée. Oui, elle fait partie intégrante de mon personnage, mais ce soir, elle me semble plus encombrante qu'autre chose.
Me voilà fin prête à entrer en scène. J'ouvre la porte, la pièce a un éclairage intimiste, je pense que c'est pour ça que je n'ai pas remarqué immédiatement que c'était lui. Je lis le nom de mon client sur la feuille de réservation et mon coeur bat à dix milles. Dorian.
Bon, il peut toujours s'agir d'un autre mec qui a le même prénom.
- Bonsoir, Dorian. Prêt à passer un bon moment ? demandé-je.
N'ayant pas de réponse, je regarde mon client et mon souffle se coupe.
- Dorian ?
- Liora, c'est... c'est toi ? murmure-t-il aussi surpris que moi.
J'acquiesce et le met en garde tout de suite.
- C'est mon travail, Dorian. Je ne suis pas ici pour me battre, mais... je ne vais pas me laisser faire, dis-je, ma voix plus forte qu'avant. Et c'est Cassie ici.
Il ne répond rien, toujours sous le choc. Je lui demande si c'est sa première fois dans un club, et il me dit que oui. Quelle malchance ! Il a fallu qu'il vienne dans MON club pour sa première fois. J'entends ses potes hurler comme des loups et l'encourager derrière la porte. Je suppose que ce sont eux qui ont choisi pour lui. Pfff.
Je prends une grande inspiration pour me donner du courage. Je lui explique les règles du club, lui racontant ce que ma prestation implique. Il hoche la tête, mais ne décroche pas un mot. Son silence me met un peu mal à l'aise, mais je fais de mon mieux pour rester concentrée.
- Bien. Alors, je commence par quoi ? La scène ou le lap dance ?
Il se racle la gorge et se repositionne sur le fauteuil.
- La scène.
Je me rends sur la scène, saisit la barre de pole dance entre mes mains et souffle un bon coup.
Je suis Cassie. Je ne suis pas Liora, mais Cassie. Il ne peut rien me faire ici. Tout se passera bien. Fait ton travail comme d'habitude. C'est un client comme un autre.
Je me répète ces phrases plusieurs fois jusqu'à ce que le compteur se mette en route et que la musique commence. Une fois que les premières notes résonnent, je suis de nouveau Cassie. Je tourne autour de la barre de façon sexy, j'ondule des hanches et je remue mes fesses. Je rive mon regard à celui de Dorian. Je suis une personne complètement différente de celle qu'il croise au lycée. Ici, je suis confiante, à l'aise avec mon corps. Je sais l'effet que je peux avoir sur les hommes.
Dorian se racle la gorge.
- Est-ce que j'ai le droit de parler ?
Je préférerais que non, mais je lui réponds tout de même.
- Oui.
Je saute, attrape la barre à deux mains et tourbillonne dans les airs, faisant un grand écart jusqu'au sol.
- Pourquoi tu bosses ici, Peg... Liora ?
Il allait m'appeler Peggy ?!
- Pourquoi pas ? dis-je en me mettant devant la barre et en glissant le long d'elle, jambes écartées.
Il déglutit, ses yeux rivés sur moi, et je jubile intérieurement. Ma confiance grandit avec chaque mouvement, chaque seconde où je capte son attention.
- Si tu as besoin d'argent... je peux t'aider.
Je ricane et, après un nouveau tour autour de la barre, je me mets à quatre pattes et marche comme un félin sur la scène, me rapprochant de lui.
- Toi, m'aider ? pouffai-je.
Je lui tourne le dos, ce qui lui donne un super point de vue sur mes fesses, seulement recouvertes de mon string à paillettes. Je tourne la tête vers lui pour voir sa réaction. En tant que danseuse, nous sommes censées ne pas quitter nos clients du regard, afin de leur donner encore plus l'impression que c'est uniquement pour eux que nous faisons cela. Dorian a la respiration saccadée, ses yeux naviguant entre mes yeux et mes fesses. Je me baisse pour m'allonger sur le ventre, gardant mes fesses légèrement en l'air, et commence à twerker sur le sol. Dorian détourne le regard une seconde avant de revenir à mon derrière et de lever les yeux au ciel. Serait-il mal à l'aise ou excité ?
Dorian se rend compte que je vois clair en lui, et j'en joue. Sa mâchoire se contracte, et pendant un instant, son regard mauvais revient. Mécanisme de défense, je suppose. Je me redresse et retourne à ma barre.
- Je peux t'aider. Je suis sérieux.
- Ah oui ? Tu me donnerais de l'argent ? Sans rien en échange ?
Son sourire suffisant recouvre son visage, le même qu'il arbore au lycée.
- Je n'ai pas dit qu'il n'y aurait pas de contrepartie.
Je fronce les sourcils, intriguée et légèrement irritée. Je continue d'onduler contre la barre, faisant glisser ma main de mon cou, entre mes seins, sur mon ventre et sur mon string.
- Que proposes-tu ? demandai-je par curiosité.
- Si tu aimes tant ce que tu fais, tu peux le faire pour moi et personne d'autre. Chez moi. Je te dirai quand, et tu viendras me faire une danse privée.
J'explose de rire, pas trop fort non plus, je n'ai pas envie qu'Anthony entende.
- Je préfère encore m'empaler sur une fourchette.
- Je préférerais te voir t'empaler sur ma queue.
J'ouvre grand les yeux, choquée par ses paroles. Un frisson d'incrédulité me parcourt. Je ne peux pas croire qu'il ait osé dire ça, et pourtant, une partie de moi ne peut s'empêcher de trouver cela à la fois audacieux et provocateur. Ce Dorian, l'hypocrite que je connais si bien au lycée, se transforme en un homme que je n'avais jamais imaginé.
Je me redresse à nouveau, prenant un instant pour respirer et réfléchir. Dorian est toujours ce garçon qui a souvent joué le rôle du roi de la cour, mais ce soir, dans ce club, il semble un peu perdu, comme s'il découvrait un côté de lui-même qu'il n'avait jamais exploré. Je me demande si cela vient du fait qu'il me voit dans un espace qui n'a rien à voir avec le lycée.
- Tu es vraiment sérieux, là ?, dis-je, un sourire provocateur sur les lèvres. Tu crois que je vais venir chez toi, juste parce que tu veux une danse privée ?
Il hausse les épaules, un air de défi dans le regard.
- C'est toujours mieux que dans ce club miteux.
Je secoue la tête. Il n'est pas croyable ce type.
- Je n'ai pas besoin de ton aide. Si tu veux une danse, tu auras cas venir ici.
Le BIP du compteur sonne. La première danse est fini.