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LIORA
J'ai tout juste le temps de passer chez moi pour me changer avant d'aller à l'As Prep bosser. En été, j'y ai bossé quasiment tous les jours. Avec les gosses de riches qui étaient en vacances ailleurs qu'ici, l'ambiance était plutôt agréable. Je pouvais prendre mon temps, discuter avec les clients, et même rigoler avec mes collègues. Malheureusement, qui dit rentrée scolaire dit aussi retour de ces fils à papa à l'As Prep.
- Salut Earl, dis-je en saluant mon patron.
- Hello Liora, comment s'est passée la rentrée ?
- Aussi horrible que d'habitude, je réponds en roulant les yeux.
Il m'offre un sourire triste, une expression que je reconnais bien. Earl sait ce qui se passe pour moi au lycée. Je ne lui en ai pas parlé en détail, mais il a remarqué les vacheries que les autres me faisaient ici et en a déduit que cela devait être pire au lycée.
Dans cet endroit, je laisse encore plus couler qu'au lycée. Ici, c'est mon refuge, mon lieu de travail, et je n'ai pas envie de perdre mon emploi à cause de ces cons. Même si je suis presque certaine qu'Earl ne me virerait pas si je répondais à leurs provocations, je ne souhaite pas faire une mauvaise pub à son restaurant. C'est trop important pour lui, et je me sens responsable de contribuer à l'ambiance agréable qu'il a réussi à créer.
Je passe mon tablier, récupère mon calepin et m'en vais prendre les premières commandes. Pendant plus d'une heure, je suis sereine, profitant du calme, n'ayant aucun élève du lycée à servir. Mais bien évidemment, vu que je suis madame poissarde, voilà que débarquent Dorian et toute sa clique.
Ils entrent en beuglant, comme si l'endroit leur appartenait, leurs rires résonnant dans le café comme une alarme. Je jette un coup d'œil à mes collègues, espérant qu'un d'eux ne soit pas trop occupé pour y aller à ma place. Malheureusement, je suis la seule à ne rien faire, et je sens la boule d'angoisse se former dans mon ventre.
Prise de courage, je m'approche de leur table, les bruits de leurs éclats de rire me percutant comme des vagues. Dorian est là, le sourire narquois aux lèvres, entouré de ses amis qui ne peuvent s'empêcher de commenter tout ce qui les entoure avec un mépris si caractéristique.
- Eh bien, regardez qui voilà, la petite serveuse ! s'exclame-t-il en me voyant approcher. Prête à nous servir, bouboule ?
Un frisson de colère et de honte m'envahit, mais je garde mon sourire professionnel. Je ne vais pas me laisser abattre, pas ici, pas maintenant. Je m'arrête à leur table, mon calepin prêt, tentant d'ignorer la tension qui monte en moi.
- Que puis-je vous servir ? dis-je d'une voix neutre.
Leurs rires s'éteignent un instant, comme s'ils essayaient de déterminer si je suis vraiment capable de rester imperturbable face à eux. Je sais qu'ils se délectent de cette situation, mais je refuse de leur donner le plaisir de me voir flancher. Chaque insulte que je perçois dans l'air, je la transforme en une armure, me protégeant du regard du beau Dorian et de sa bande.
- Je vais prendre un café noir, dit-il en feignant l'indifférence, mais je perçois le défi dans son regard. Et toi, bouboule ? Qu'est-ce que tu vas nous servir d'autre, des frites ?
Je m'efforce d'ignorer sa provocation, prenant une profonde inspiration pour garder mon calme.
- Un café noir, donc. Et pour les autres ?
Un de ses amis, un type grand et musclé, se penche en avant, un sourire satisfait sur le visage.
- Je vais prendre un milkshake, et une part de gâteau au chocolat, s'il te plaît. Je suis sûr que tu es capable de gagner un peu de poids en nous servant, n'est-ce pas ?
Un rire général éclate à sa blague, et je sens la chaleur monter à mes joues. Je m'efforce de garder mon sourire professionnel, mais à l'intérieur, je me sens blessée par leurs moqueries.
- Je vais voir ce que je peux faire, dis-je, notant rapidement les commandes tout en essayant de ne pas laisser ma colère transparaître.
Je me retourne et me dirige vers le comptoir, le cœur battant la chamade. Je sais que je ne peux pas me laisser abattre. Je dois rester forte, même si chaque mot qu'ils prononcent me heurte comme des flèches.
Une fois derrière le comptoir, je prépare les boissons, ma main tremblant légèrement en versant le café. Earl m'observe de l'autre côté, et je peux voir l'inquiétude dans son regard. Je préfère ignorer la situation, me concentrant sur ma tâche.
Une fois les boissons prêtes, je retourne à leur table, le plateau en équilibre sur ma main. Dorian me fixe avec ce sourire satisfait, comme s'il attendait de voir si j'allais trébucher ou échouer à les impressionner.
- Voilà, un café noir pour toi, Dorian, et un milkshake avec une part de gâteau au chocolat pour toi, dis-je en posant les boissons sur la table.
- Merci, bouboule. Tu vois, tu es vraiment douée pour ça, dit-il d'un ton sarcastique.
Je m'efforce de garder mon calme, il éclate de rire, et ses amis le rejoignent. À cet instant, je réalise que je ne suis pas là pour eux. Je suis ici pour gagner de l'argent, pour me construire un avenir, et je refuse de laisser leur cruauté me détruire.
Je tourne les talons pour retourner au comptoir, mais soudain, je m'entrave dans un pied et tombe le visage à même le sol. La douleur fulgurante de l'impact me fait l'effet d'un réveil brutal, et je sens ma joue qui chauffe instantanément.
- Liora !
Earl accourt pour m'aider à me relever, son regard inquiet se posant sur moi. Je me redresse péniblement, tentant de dissimuler ma gêne, mais je ne peux m'empêcher de jeter un regard derrière moi. Dorian et ses sbires, eux, sont pliés en deux, tellement ils rigolent de ma chute. Mon cœur se serre, et je lance un regard noir à Dorian, à la fois furieuse et humiliée.
- Quoi ? rigole-t-il, un sourire satisfait aux lèvres. Ce n'est pas ma faute si tu ne vois pas où tu marches, bouboule.
- Dis donc, jeune homme, je ne vous permets pas... commence Earl, la voix pleine de colère.
- Earl, c'est bon, ce n'est pas grave, je l'interromps, essayant de calmer la situation.
- Bien sûr que si, siffle-t-il, les yeux rivés sur Dorian.
- Monsieur, l'interpelle Dorian avec un air provocateur, si j'étais vous, je me préoccuperais plutôt de vos provisions qui doivent descendre à vue d'œil avec une employée telle que Peggy. Elle doit s'en donner à cœur joie en cachette.
La bande rigole de nouveau, leurs rires résonnant comme un écho cruel dans la pièce. Je sens la colère monter en moi, mais je me force à ignorer leurs provocations.
- Espèce de petit... grogne Earl, visiblement hors de lui.
- Earl, laisse tomber. Il n'en vaut pas la peine, dis-je, posant ma main sur son bras pour le calmer.
Je l'attrape fermement par le bras et l'amène au comptoir, sachant qu'il ne doit pas laisser ces idiots prendre le dessus.
- Tu veux rentrer chez toi ? me demande Earl, le regard inquiet.
- Non. Hors de question que je leur donne ce plaisir, rétorqué-je, déterminée à montrer que je ne me laisse pas abattre.
Mon collègue et ami Kyan arrive à ce moment-là, remarquant ma joue meurtrie, l'inquiétude se lisant sur son visage.
- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? demande-t-il avec une voix douce, caressant ma joue douloureuse. Je grimace sous son geste, et il retire immédiatement sa main.
- Je suis tombée, dis-je, essayant de minimiser la situation.
- On l'a aidée, grogne Earl, visiblement frustré par la scène.
- Qui ? demande Kyan, la mâchoire serrée, l'inquiétude se transformant rapidement en colère.
Je jette un coup d'œil en direction de Dorian, qui me fixe avec ce sourire arrogant, toujours amusé par l'humiliation qu'il m'inflige. Kyan suit mon regard et voit rouge.
- C'est cet enfoiré qui t'a fait ça ? Attends que je le choppe, ce petit enculé !
- Laisse tomber, Kyan, il n'en vaut pas la peine, dis-je, essayant de le calmer.
Il souffle, mais se résigne, conscient que je ne veux pas faire de vagues.
- Je vais te chercher de la glace, dit-il finalement, se dirigeant vers la cuisine.
Une minute plus tard, il revient avec une poche de glace qu'il pose délicatement sur ma joue. Je grimace à cause du froid qui attaque ma peau enflée.
- Merci, soufflai-je, un petit sourire reconnaissant sur les lèvres.
Mais alors que je m'apprête à tenir la poche de glace, Kyan retire ma main.
- Laisse-moi faire, dit-il d'un ton doux, mais ferme.
Il replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille avec une délicatesse inattendue, puis soulève le sac de glace, souffle doucement sur mon hématome avant de le reposer. Ce geste me touche plus que je ne l'aurais voulu.
Mon regard dérive sans le vouloir vers Dorian, et je remarque qu'il ne sourit plus. Ses yeux sont braqués sur Kyan et moi, et je vois sa mâchoire se serrer, ses poings se crisper sur la table. La colère semble émaner de lui comme une aura.
C'est la poêle qui se fout du chaudron. C'est à moi d'être en colère. Lui n'a aucun droit. Je me sens tiraillée entre le désir de lui faire face et la volonté de garder ma dignité. Quelque part, je sais qu'il ne mérite pas que je me laisse détruire par sa présence, mais chaque fois qu'il est là, il parvient à ébranler ma confiance.
Je tourne la tête, essayant de me concentrer sur Kyan, sur sa présence rassurante. Je ne vais pas laisser Dorian me priver de ma force. Je suis plus forte que lui. Je suis plus forte que ça.