Chapitre 7 Chapitre 7

Les couverts en argent scintillaient sous les lumières tamisées de la salle à manger, leur éclat semblant refléter la tension palpable qui régnait autour de la table. Léa, assise face à Gabriel, jouait distraitement avec son verre de vin, ses yeux passant tour à tour de Camille à Gabriel. L'atmosphère était lourde, presque suffocante, comme si chaque mot échangé risquait de faire exploser un barrage fragile.

Camille, toujours impeccable dans une robe bleu nuit qui mettait en valeur son élégance naturelle, adressa un sourire poli à Gabriel avant de porter son attention sur Léa. « Alors, Léa, comment trouves-tu ton séjour ici ? Je me demande si la vie avec Gabriel n'est pas... exigeante. »

Léa haussa un sourcil, sentant l'ironie dans les paroles de Camille. « Oh, il a ses moments, » répondit-elle, un léger sourire au coin des lèvres. « Mais je suppose qu'il essaie de faire de son mieux, malgré ses... limitations. »

Gabriel, qui jusque-là s'était contenté de manger en silence, releva brusquement les yeux, son regard perçant comme une lame. « Je ne pense pas que mes méthodes aient besoin d'être discutées à table, Léa. »

Le ton de sa voix était calme, mais Léa pouvait sentir l'agitation bouillonner sous la surface. Elle savait qu'elle jouait avec le feu, mais une part d'elle-même ne pouvait s'empêcher de tester les limites, d'appuyer sur les zones sensibles pour voir jusqu'où il pourrait aller.

Camille intervint, sa voix douce mais tranchante. « Il est vrai que Gabriel a toujours été très... protecteur. Peut-être même un peu trop, parfois. N'est-ce pas, Gabriel ? »

Léa vit la mâchoire de Gabriel se crisper, et elle profita de l'occasion pour pousser encore un peu plus loin. « Oh, je dirais plutôt qu'il est contrôlant. Mais c'est une qualité admirable, je suppose, dans certains contextes. »

Gabriel posa lentement sa fourchette, le bruit du métal contre la porcelaine résonnant dans le silence soudain de la pièce. Ses yeux sombres se fixèrent sur Léa, une ombre d'avertissement dans son regard. « Léa, je te conseille de choisir tes mots avec soin. »

Mais elle ne se laissa pas intimider, croisant ses bras sur la table avec une nonchalance feinte. « Pourquoi ? La vérité est-elle si difficile à entendre ? »

Le silence qui suivit fut assourdissant, chaque seconde s'étirant comme une éternité. Camille, visiblement mal à l'aise, tenta de détourner la conversation, mais Gabriel la coupa d'un geste de la main.

« Léa, je crois que tu oublies où est ta place. » Sa voix était froide, tranchante, et pourtant, il y avait une lueur d'émotion dans ses yeux, quelque chose de plus profond qu'il essayait de dissimuler.

« Peut-être que c'est toi qui oublies où est la tienne, Gabriel, » répondit-elle, ses mots résonnant comme un défi.

La tension atteignit son paroxysme, et pendant un instant, Léa crut qu'il allait se lever, qu'il allait dire ou faire quelque chose qu'il regretterait. Mais au lieu de cela, il prit une profonde inspiration, détournant le regard.

« Excusez-moi, » murmura-t-il avant de quitter la table, laissant derrière lui un silence chargé d'émotions.

Camille posa une main sur celle de Léa, son sourire rempli d'une étrange compassion. « Tu aimes vraiment jouer avec le danger, n'est-ce pas ? »

Léa haussa les épaules, mais elle sentait un poids dans sa poitrine, une sensation d'inconfort qu'elle ne pouvait pas ignorer. Elle avait gagné cette manche, mais à quel prix ?

Plus tard dans la soirée, Léa se retrouva seule dans sa chambre, son esprit tourbillonnant d'émotions contradictoires. Elle se rappela le regard de Gabriel, cette lueur presque douloureuse dans ses yeux, et un étrange sentiment de culpabilité l'envahit. Elle ne voulait pas admettre qu'elle s'en souciait, mais une part d'elle-même savait que son jeu commençait à avoir des conséquences qu'elle n'avait pas prévues.

Alors qu'elle s'allongeait sur son lit, un coup léger à sa porte la tira de ses pensées. « Entrez, » murmura-t-elle, sa voix hésitante.

Camille apparut dans l'encadrement de la porte, une expression indéchiffrable sur le visage. Elle entra doucement, refermant la porte derrière elle.

« Je voulais juste m'assurer que tu allais bien, » dit-elle, s'asseyant sur le bord du lit.

Léa fronça les sourcils, méfiante. « Pourquoi est-ce que tu t'intéresses soudainement à moi ? »

Camille sourit légèrement, mais il y avait une tristesse dans ses yeux. « Parce que je sais ce que c'est, d'être prise dans le tourbillon de Gabriel. Et je sais aussi combien il peut être dangereux, si on le pousse trop loin. »

« Dangereux ? » Léa répéta le mot, le goût amer sur sa langue. « Qu'est-ce que tu veux dire ? »

Camille hésita, comme si elle pesait ses mots. « Disons simplement que Gabriel a des côtés que tu ne connais pas encore. Des secrets qu'il garde depuis longtemps. »

« Et toi, tu les connais ? » demanda Léa, son cœur battant plus fort.

Camille hocha lentement la tête. « Certains. Pas tous. Mais crois-moi, Léa, tu devrais faire attention. Ce n'est pas un homme ordinaire. »

Cette conversation laissa Léa troublée, et pendant plusieurs jours, elle sentit un poids grandir en elle. Elle commença à observer Gabriel plus attentivement, à noter les incohérences dans ses récits, les moments où il semblait s'égarer dans ses pensées.

Un soir, alors qu'ils partageaient un rare moment de calme dans le salon, elle se risqua à poser une question. « Gabriel, pourquoi tu ne parles jamais de ton passé ? »

Il releva les yeux de son livre, surpris. « Mon passé n'a rien à voir avec toi, Léa. »

« Peut-être, » répondit-elle, « mais j'ai l'impression que ce passé dicte tout ce que tu fais aujourd'hui. »

Il resta silencieux, son regard fixé sur elle. Puis, d'une voix basse, presque inaudible, il murmura : « Certaines blessures ne guérissent jamais. »

Ces mots, bien que simples, eurent un impact profond sur Léa. Pour la première fois, elle sentit une ouverture, un aperçu du véritable Gabriel, celui qui se cachait derrière les murs qu'il avait érigés.

Mais avant qu'elle ne puisse en savoir plus, un bruit sourd à l'extérieur les interrompit, les ramenant brusquement à la réalité. Gabriel se leva d'un bond, son expression passant de la réflexion à une vigilance intense.

« Reste ici, » ordonna-t-il avant de quitter la pièce.

Léa, cependant, ne pouvait pas rester immobile. Elle le suivit discrètement, son cœur battant à tout rompre, et ce qu'elle vit ce soir-là allait changer sa perception de Gabriel pour toujours.

            
            

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