Chapitre 5 Chapitre 5

La tension entre Léa et Camille était devenue insoutenable depuis le déjeuner où elles avaient échangé des mots faussement cordiaux, chaque sourire cachant une pointe de méfiance. Léa n'avait pas oublié les allusions de Camille, ni la façon dont elle semblait insinuer qu'elle connaissait Gabriel mieux que quiconque. Cela la hantait, alimentant une colère qu'elle peinait à contenir.

Ce matin-là, Léa décida qu'elle en avait assez. Elle trouva Camille dans le jardin, où elle feignait de feuilleter des documents sur une petite table de fer forgé. Le soleil jouait dans ses cheveux bruns parfaitement coiffés, et son expression sereine n'avait rien de naturel.

« Camille, il faut qu'on parle, » lança Léa en s'approchant, sa voix ferme, même si son cœur battait à tout rompre.

Camille leva les yeux, un sourire léger sur les lèvres. « Léa, quelle surprise. Que puis-je faire pour toi ? »

« Tu peux commencer par arrêter de jouer à ce petit jeu, » répliqua Léa en croisant les bras, ses yeux fixant les siens. « Tu sais des choses sur Gabriel, des choses que tu refuses de partager. Pourquoi ? »

Camille posa ses documents avec un soupir exagéré, se penchant légèrement en avant comme pour souligner la gravité de ses paroles. « Léa, tu es jeune. Naïve, même. Gabriel est... complexe. Ce n'est pas quelqu'un que tu peux comprendre en essayant de deviner ses pensées ou en posant des questions indiscrètes. »

Léa serra les dents, refusant de se laisser intimider. « Si je suis si naïve, pourquoi me prévenir ? Pourquoi me mettre en garde contre lui ? Qu'est-ce que tu essayes de me dire ? »

Camille se redressa, son regard devenant plus sérieux. « Gabriel a des secrets, Léa. Des secrets qui pourraient te blesser si tu ne fais pas attention. Il n'est pas toujours celui qu'il prétend être, et je ne veux pas que tu te retrouves prise dans quelque chose que tu ne comprends pas. »

Léa sentit un frisson parcourir son échine, mais elle refusa de reculer. « Si tu sais tant de choses, pourquoi ne pas me dire la vérité ? Ou est-ce que tu préfères garder ton petit rôle de confidente mystérieuse ? »

Camille eut un rire sans joie, secouant légèrement la tête. « Crois-moi, ce n'est pas une question de rôle, Léa. C'est une question de survie. Parfois, il vaut mieux ne pas tout savoir. »

Léa serra les poings, mais avant qu'elle ne puisse répondre, Camille se leva, ramassa ses documents et s'éloigna, la laissant seule avec un mélange de frustration et d'angoisse.

Cette conversation la tourmenta tout au long de la journée, mais elle ne put en parler à Gabriel. Il semblait éviter tout contact prolongé avec elle depuis le gala, comme s'il redoutait une confrontation. Lorsqu'ils se croisèrent enfin dans le salon en début de soirée, Léa décida d'en profiter.

« Tu comptes continuer à m'ignorer encore longtemps ? » demanda-t-elle, croisant son regard avec défi.

Gabriel, qui feuilletait un livre, releva lentement les yeux. « Je ne t'ignore pas, Léa. Je suis simplement... occupé. »

« Vraiment ? » Elle haussa un sourcil, avançant vers lui. « Parce que ça ressemble plutôt à une fuite. Est-ce que Camille a raison ? Est-ce que tu caches quelque chose ? »

Son visage se durcit instantanément, et il referma son livre d'un geste sec. « Camille t'a parlé ? »

« Oui, et elle m'a mise en garde contre toi, » répondit-elle sans détour, sentant une montée d'adrénaline lui donner le courage d'affronter sa colère. « Pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle sait que je ne sais pas ? »

Gabriel se leva, dominant la pièce de sa présence imposante. « Camille exagère toujours. Elle voit des menaces là où il n'y en a pas. »

« Alors prouve-le, » insista Léa. « Dis-moi ce que tu caches. »

Il fit un pas vers elle, et bien qu'elle eut envie de reculer, elle tint bon, levant le menton pour soutenir son regard. « Ce que je fais ou ce que je cache, Léa, c'est pour te protéger. Que ça te plaise ou non. »

Cette réponse énigmatique ne fit qu'attiser sa frustration, mais avant qu'elle ne puisse répondre, un bruit sourd résonna depuis l'extérieur, suivi d'un cri perçant.

Gabriel fut le premier à réagir, se précipitant vers la porte d'entrée avec une rapidité qui prit Léa au dépourvu. Elle le suivit de près, son cœur battant à tout rompre.

Dans l'allée, un homme en costume était étendu au sol, du sang coulant d'une blessure à la tête. Une voiture noire, aux vitres teintées, démarra en trombe, disparaissant dans la nuit avant que Gabriel ne puisse l'atteindre.

« Reste ici, » ordonna-t-il à Léa en se penchant sur l'homme blessé.

Mais elle refusa de rester en arrière, s'accroupissant à ses côtés. « Qui est-ce ? »

Gabriel jura entre ses dents, sortant son téléphone pour appeler de l'aide. « C'est un associé. Un avertissement, probablement. »

« Un avertissement de quoi ? » demanda-t-elle, le souffle court.

Il ne répondit pas, se contentant de lui lancer un regard sombre avant de reprendre son appel.

Cette nuit-là, Gabriel insista pour qu'elle reste dans sa chambre, verrouillant toutes les portes et s'assurant que la sécurité était renforcée. Mais Léa ne pouvait pas dormir. L'image de cet homme blessé, le regard inquiet de Gabriel, les paroles de Camille... tout cela tournait en boucle dans son esprit.

Vers minuit, elle entendit un léger coup à sa porte. Elle se redressa, le cœur battant, et ouvrit lentement pour trouver Gabriel de l'autre côté.

« Tu devrais dormir, » dit-il doucement, mais son ton était moins autoritaire que d'habitude.

« Et toi ? » répondit-elle, notant les cernes sous ses yeux.

Il esquissa un sourire fatigué, mais au lieu de répondre, il entra dans la chambre, refermant la porte derrière lui.

« Je voulais juste m'assurer que tu allais bien, » murmura-t-il, s'asseyant sur le bord de son lit.

Léa s'assit à ses côtés, hésitant avant de poser une main sur la sienne. « Gabriel, je veux comprendre. Je veux t'aider. Mais tu dois me faire confiance. »

Il baissa les yeux vers leurs mains jointes, son visage un mélange de tristesse et de tendresse. « Parfois, Léa, protéger quelqu'un signifie lui cacher la vérité. Pas parce qu'on ne lui fait pas confiance, mais parce qu'on veut lui épargner des souffrances inutiles. »

Elle sentit une boule se former dans sa gorge, mais elle ne recula pas. « Peut-être que je préfère savoir, même si ça fait mal. »

Gabriel leva enfin les yeux, et dans son regard, elle vit une lutte intérieure qu'elle ne comprenait pas complètement. « Peut-être que tu as raison, » murmura-t-il finalement, avant de se pencher pour déposer un baiser léger sur son front. « Mais pas ce soir. »

Et avant qu'elle ne puisse protester, il se leva et quitta la chambre, la laissant seule avec un mélange de frustration, de peur et d'espoir.

            
            

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