Chapitre 10 Chapitre 10

Léa n'avait jamais cru qu'un simple événement pouvait chambouler à ce point l'équilibre fragile qu'elle pensait avoir avec Gabriel. C'était une soirée importante, une rencontre d'affaires, mais elle ne pouvait se détacher de la sensation que quelque chose de bien plus personnel allait se jouer. Gabriel, toujours si maître de lui-même, semblait agité. Il avait un regard distant, presque imperceptible, mais Léa le connaissait assez pour discerner la nervosité qui bouillonnait sous sa surface glacée. Elle se tenait en retrait, observant tout autour d'elle, quand un homme s'avança dans la salle.

Il n'était pas seul ; il était accompagné d'une silhouette qui fit frissonner Léa sans qu'elle ne sache exactement pourquoi.

L'homme était grand, imposant, vêtu d'un costume qui semblait plus adapté à un terrain de guerre qu'à une réception. Il s'approcha de Gabriel avec une autorité palpable, une vieille connaissance, sans doute. Mais il y avait quelque chose dans l'air qui dénotait une tension ancienne, une animosité à peine dissimulée. Léa resta figée, ses yeux fixés sur Gabriel. Il se redressa immédiatement, son regard passant d'un froid calculé à un éclair de surprise presque imperceptible.

« Tu ne t'attendais pas à me voir, n'est-ce pas ? » La voix de l'homme résonna dans la pièce, et les paroles étaient chargées de sous-entendus, comme si des années de rancune s'y effleuraient.

Léa observa la scène, intriguée et perturbée par l'échange silencieux entre Gabriel et cet homme. Ses lèvres se pressèrent dans une ligne mince, et elle sentit un frisson glacial parcourir sa colonne vertébrale. Qui était cet homme ? Et pourquoi l'atmosphère s'alourdissait-elle à chaque mot prononcé ? Gabriel ne répondit pas tout de suite, son regard se durcissant à mesure que l'autre approchait. L'air se chargeait de tension, une charge invisible mais palpable. Leurs regards s'entrechoquaient, une bataille muette, des siècles de non-dits s'entrelaçant dans un instant.

Léa s'avança un peu plus, feignant l'indifférence, mais son attention était entièrement absorbée par la confrontation qui se jouait devant elle. Elle pouvait voir le conflit dans les yeux de Gabriel, un mélange d'inquiétude et de colère, et l'homme en face de lui, calme mais impitoyable, n'avait pas l'air prêt à céder. « Toujours aussi fermé, Gabriel, » lança-t-il, sa voix empreinte d'un sarcasme discret, mais d'une force inouïe.

Le nom de l'homme ne tarda pas à lui arriver aux oreilles. Il s'appelait Marco D'Angelo, un nom qui semblait chasser toute forme de lumière de la pièce. Gabriel ne répondit toujours pas, et c'est à ce moment que Camille s'approcha de Léa, son sourire figé mais ses yeux pétillants d'une curiosité malsaine.

« Regarde ça, » murmura Camille, presque trop fort pour que Léa ne l'entende pas. « Gabriel n'aime pas qu'on ressorte son passé. Pas ce genre de passé. » Elle appuyait chaque mot de sa voix, consciente de l'effet qu'elle avait sur Léa. « Tu ne savais pas que cet homme faisait partie de la vie de Gabriel avant tout ça, hein ? »

Léa se tourna vers elle, surprise, mais Camille était déjà en train de l'observer, comme si elle attendait une réaction. « Pourquoi me dis-tu ça ? » demanda Léa, le cœur battant plus fort qu'elle ne l'aurait voulu. Camille savait toujours comment manipuler l'information, la distiller avec des airs de confidence, mais Léa n'était pas sûre de ce qu'elle avait voulu dire. Pourquoi le passé de Gabriel était-il si important ? Pourquoi cet homme lui inspirait-il une telle peur silencieuse ? Et pourquoi Camille, dans toute sa malice, choisissait-elle ce moment pour en parler ?

« Tu n'as aucune idée du pouvoir de cet homme sur lui, » répondit Camille d'une voix basse, presque chuchotée. « Ils ont partagé plus que des secrets. Marco... il sait tout. »

Léa frissonna, mais avant qu'elle ne puisse répondre, Gabriel se tourna brusquement, ses yeux fixant Camille avec une froideur glaciale qui fit se tordre l'atmosphère autour d'eux. « Je t'ai dit de rester loin de ça, » gronda-t-il, sa voix menaçant. Camille ne broncha pas, son sourire se durcissant encore plus. Mais il y avait une nouvelle lueur dans ses yeux, comme si un jeu dangereux se jouait entre eux.

Le silence s'installa brièvement, seulement interrompu par la voix de Marco, qui, d'un ton tranquille mais autoritaire, s'adressa à Gabriel. « Tu sais pourquoi je suis là. Tu sais ce qui va suivre. L'empire que tu as construit... il ne tiendra pas sans tes anciennes alliances. » Marco parlait d'une manière presque familière, comme si la distance entre lui et Gabriel n'avait jamais existé, comme si le temps ne les avait jamais séparés.

Léa sentit un coup de froid la saisir en entendant ces mots. L'empire de Gabriel, de quoi parlait-il exactement ? Elle se tourna vers lui, mais Gabriel avait déjà détourné le regard, un masque de froideur se réinstallant sur ses traits. Marco s'éloigna lentement, sans ajouter un mot de plus, mais la tension qui flottait dans la pièce était insupportable. Léa attendait que Gabriel réagisse, mais il ne bougea pas, ne fit aucun geste pour arrêter cet homme. Marco avait lancé sa menace, et Gabriel l'avait laissée s'installer sans lutter. Cela la perturbait encore plus que tout ce qu'elle avait vu jusqu'à présent.

Camille, sentant que l'attention de Gabriel se détournait, se glissa à côté de Léa, presque invisiblement, un sourire suffisant sur ses lèvres. « C'est fascinant, n'est-ce pas ? Comment il s'effondre sous la pression de ce passé qu'il refuse de voir. Tu vois, Léa, tout le monde a des démons. Même Gabriel. » Elle jeta un coup d'œil furtif à Gabriel, puis se tourna vers Léa avec un sourire presque cruel. « Peut-être qu'il serait temps que tu apprennes à connaître ceux qui l'ont forgé. »

Léa, sous l'effet des paroles de Camille, se sentit plus déterminée que jamais à percer le mystère qui entourait Gabriel. Mais elle n'était pas prête à accepter ces révélations par d'autres biais. Elle devait comprendre par elle-même, à travers ses propres yeux et son propre cœur. « Tu ne me dis pas tout, » murmura-t-elle à Camille, mais son regard restait tourné vers Gabriel.

Le reste de la soirée se déroula dans un brouillard d'émotions non exprimées. Gabriel, plus distant que jamais, se perdit dans ses pensées, son regard se tournant sans cesse vers Marco, qui avait maintenant disparu. Camille, quant à elle, sembla se divertir de ce malaise, jouant avec les mots, glissant des remarques qui, à chaque fois, frappaient leur cible avec précision. Elle savait exactement où appuyer pour laisser des empreintes, mais Léa n'était pas dupe. Elle allait découvrir la vérité. Elle allait s'assurer que tout serait révélé.

La soirée se termina, mais pour Léa, ce n'était que le début. Elle sentait la douleur grandir, la frustration la ronger de l'intérieur. Gabriel... il était en train de céder à ses sentiments. Mais pourquoi se retirait-il brutalement ? Qu'est-ce qui pouvait le pousser à cette distance, à ce rejet presque viscéral ? Elle ne pouvait pas accepter cette situation plus longtemps. Elle ne voulait plus de demi-vérités. Elle voulait tout savoir.

« Je vais découvrir ce que tu caches, Gabriel, » se jura-t-elle silencieusement en quittant la pièce. « Et cette fois, il n'y a aucun secret que tu pourras garder. »

            
            

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