Caroline se dirigea directement vers nous, son regard se posant brièvement sur Daniel avant de s'attarder sur moi.
- Émilie, c'est ça ? dit-elle avec un sourire glacial. J'ai entendu parler de vous.
- C'est... un plaisir, mentis-je en me levant par politesse.
- Oh, je suis sûre que ça l'est, rétorqua-t-elle avant de se tourner vers Daniel. Toujours entouré de personnes aussi fascinantes, n'est-ce pas ?
Sa remarque était un venin déguisé, et je sentis ma gorge se serrer.
- Caroline, dit Daniel d'un ton sec, ce n'est ni le lieu ni le moment.
Elle ignora sa tentative d'interruption et s'assit à une chaise libre, son compagnon se plaçant à ses côtés.
- Ne sois pas si rigide, Daniel. Après tout, ces dîners sont faits pour détendre l'atmosphère, non ?
Elle continua son petit numéro pendant plusieurs minutes, lançant des remarques subtiles mais assassines qui semblaient viser à me déstabiliser.
- Alors, Émilie, dit-elle finalement, qu'est-ce que ça fait de travailler avec Daniel ? Vous trouvez qu'il est... charmant ?
Son ton était si sarcastique qu'il en devenait presque insultant.
- Je trouve qu'il est exigeant, répondis-je, serrant discrètement mes mains sous la table. Mais c'est probablement ce qu'il faut pour réussir à ce niveau.
Daniel leva un sourcil, visiblement surpris par ma réponse, mais Caroline ne lâcha pas l'affaire.
- C'est une réponse diplomatique. Mais dites-moi, vous n'avez pas peur qu'il soit... un peu hors de portée ? Les hommes comme Daniel, voyez-vous, sont attirés par des femmes qui ont ce je-ne-sais-quoi. Quelque chose de spécial.
Je restai muette un instant, choquée par l'audace de ses paroles. Les conversations autour de la table s'étaient presque éteintes, tous semblant attendre ma réponse.
- Heureusement, je ne cherche pas à attirer qui que ce soit, rétorquai-je finalement. Je me concentre sur ma carrière.
Caroline haussa les sourcils, comme si ma réponse l'amusait.
- C'est une bonne attitude. Mais parfois, il faut se demander si on ne passe pas à côté de ce qui compte vraiment.
Elle se leva peu après, emportant son compagnon avec elle, mais pas avant d'avoir planté ses griffes dans l'ambiance du dîner.
***
La soirée continua, mais je ne pouvais m'empêcher de repenser à ses paroles et à l'intensité de son regard. Qui était-elle vraiment, et pourquoi semblait-elle autant s'intéresser à moi ? Alors que je rassemblais mes affaires pour rentrer, Daniel se leva également et, contre toute attente, m'adressa quelques mots :
- Ne laissez pas Caroline vous atteindre. Elle adore manipuler les gens.
Je relevai la tête, surprise par son ton sincère.
- Pourquoi me dites-vous ça ? Vous semblez si bien la connaître.
- Parce que je sais ce dont elle est capable, répondit-il avant de partir sans un mot de plus.
Je restai là, les mots de Daniel résonnant dans mon esprit.
Le lendemain du dîner, je ne parvenais toujours pas à calmer le tumulte dans ma tête. Les mots de Caroline, son sourire narquois, l'étrange avertissement de Daniel... Tout se mêlait dans une cacophonie de doutes et de frustration. Assise à mon bureau, les yeux fixés sur un tableau Excel que je n'arrivais même pas à déchiffrer, je sentais une colère sourde monter en moi.
- Ça ne peut pas continuer comme ça, murmurai-je pour moi-même, serrant les poings.
À l'autre bout de l'open space, Daniel se tenait dans son bureau, la porte entrouverte. Il discutait avec quelqu'un au téléphone, ses sourcils légèrement froncés, mais toujours avec cette apparente maîtrise froide. L'image même de l'arrogance.
Je me levai brusquement. Tant pis si c'était impulsif. Je n'allais pas laisser ses regards cryptiques, ses phrases à moitié dites et son association avec Caroline me faire tourner en bourrique.
- Émilie ? Tu vas quelque part ? m'interrogea Clara en me voyant passer devant son bureau.
- J'ai besoin d'une clarification, répondis-je sèchement, avant de toquer légèrement à la porte de Daniel.
- Entrez, dit-il sans lever les yeux de son écran.
Je m'avançai dans la pièce, refermai la porte derrière moi, et attendis qu'il termine sa conversation. Quand il posa enfin son téléphone, son regard s'arrêta sur moi, comme s'il pesait déjà mes intentions.
- Mademoiselle Lemoine, que puis-je faire pour vous ? demanda-t-il, toujours aussi formel.
- Arrêtez ça, Daniel, répliquai-je d'un ton plus dur que prévu.
Il haussa un sourcil, clairement surpris par ma soudaine audace.
- Arrêter quoi, exactement ?
- Ce petit jeu ! Votre froideur, vos remarques ambiguës, et cette association avec Caroline. Je veux comprendre ce qui se passe ici, et pourquoi je me retrouve toujours au centre de cette absurdité !
Un silence s'installa, lourd et pesant. Il se pencha légèrement en arrière, croisant les bras, son expression indéchiffrable.
- Vous êtes bien directe aujourd'hui, Émilie.
- Peut-être parce que je n'ai plus de patience, rétorquai-je en croisant les bras à mon tour.
Il poussa un léger soupir et se leva, contournant son bureau pour s'appuyer contre le rebord.
- Caroline et moi avons une histoire compliquée, admit-il enfin, mais son ton restait distant. Ce que vous avez vu hier soir n'a rien à voir avec vous.
- Alors pourquoi elle me cible ? Pourquoi ses remarques semblaient-elles... si personnelles ?
Il détourna les yeux un instant, comme s'il cherchait les bons mots, mais au lieu d'une réponse, il choisit de clore la conversation d'une manière que je trouvai exaspérante.
- Vous devriez éviter de trop vous préoccuper de Caroline. Elle aime semer le chaos, et vous ne devriez pas lui accorder autant d'importance.
- Ce n'est pas une réponse, insistai-je, mais il se détourna pour attraper un dossier sur son bureau, clairement décidé à mettre fin à l'échange.
- Si vous n'avez rien d'autre, Émilie, j'ai une réunion qui m'attend.
Je sortis de son bureau en claquant presque la porte, mes joues brûlantes de frustration.
***
Clara m'attendait près de la machine à café, les bras croisés et un sourire malicieux sur le visage.
- Alors ? T'as confronté Monsieur Glacial ?
- Il est insupportable, lâchai-je en attrapant un café. Toujours à se cacher derrière des réponses vagues.
Clara hocha la tête, visiblement amusée par ma colère.
- Ça, c'est du Daniel tout craché. Mais écoute ça... J'ai découvert quelque chose qui pourrait t'intéresser.
Je relevai les yeux vers elle, curieuse malgré moi.
- Caroline a signé un partenariat avec la société. Rien de gros, mais suffisant pour la garder dans les parages.
- Génial, grommelai-je. Juste ce qu'il me fallait.
- Et ce n'est pas tout, continua-t-elle, baissant la voix. Apparemment, elle a toujours été très proche de Daniel, même après leur rupture. Certains disent qu'elle utilise ces partenariats pour garder un œil sur lui.
- C'est ridicule, soupirai-je. Pourquoi ferait-elle ça ?
- Peut-être parce qu'elle n'a pas vraiment tourné la page, dit Clara avec un haussement d'épaules.
Je n'avais aucune envie de me retrouver coincée dans le drame d'une relation passée, mais il était clair que Caroline ne comptait pas me laisser tranquille.
***
En revenant à mon bureau, je trouvai un colis posé sur ma chaise. Mon nom était inscrit dessus en lettres élégantes, mais aucune indication sur l'expéditeur.
- Tu as un admirateur secret, plaisanta Clara en jetant un coup d'œil au paquet.
- Ou un ennemi, rétorquai-je, méfiante.
J'ouvris le paquet avec précaution, découvrant à l'intérieur une petite boîte en velours noir. En l'ouvrant, je trouvai un bracelet délicat, en argent, accompagné d'une note manuscrite : *"Méfiance est mère de sûreté. Ne faites pas confiance aux Calloway."*
Mon cœur s'arrêta un instant. Qui avait envoyé ça ? Et pourquoi ?
- Tout va bien ? demanda Clara en remarquant mon expression.
- Oui, tout va bien, mentis-je en fourrant la note dans ma poche.
Mais tout n'allait pas bien. Pas du tout.