Sa voix résonnait avec une assurance qui me troubla autant qu'elle m'intimidait. Pendant tout son discours, il évita soigneusement de croiser mon regard à nouveau, comme si notre brève rencontre au gala n'avait jamais eu lieu.
Après son départ, les murmures reprirent de plus belle. Clara s'approcha de moi, visiblement excitée.
- Emilie, tu as vu ça ? C'est lui, n'est-ce pas ?
Je hochai la tête, incapable de parler.
- Mon dieu, c'est une dinguerie. Le type du gala est ton patron maintenant ?
- Je ne sais pas ce que ça change, murmurai-je. Il ne m'a même pas reconnue.
Clara fronça les sourcils, comme si elle n'était pas convaincue.
- Ou peut-être qu'il fait semblant. Je parie qu'il t'a reconnue.
Je ne répondis pas, mais son hypothèse me troubla. Pourquoi agirait-il ainsi ?
L'après-midi passa dans une lenteur exaspérante. Chaque fois que je passais près du bureau de Daniel, je sentais mon cœur s'accélérer, bien que je m'efforçais de ne pas montrer ma nervosité. Il était dans une réunion la plupart du temps, mais sa présence pesait sur tout le monde.
À la fin de la journée, Clara apparut à nouveau, un sourire malicieux sur les lèvres.
- Tu sais qui il est vraiment ?
Je secouai la tête, confuse.
- Daniel Calloway, lança-t-elle comme si elle révélait un secret d'État. Héritier d'une des familles les plus riches du pays. Ils possèdent des hôtels, des entreprises de luxe... Et tu sais quoi ? Il y a quelques mois, il a rompu avec une femme célèbre. Un mannequin ou une actrice, je sais plus.
Cette révélation fit l'effet d'une bombe dans mon esprit. Tout à coup, son allure élégante et son assurance prenaient tout leur sens.
- Comment tu sais tout ça ? demandai-je, incrédule.
- Internet, bien sûr ! répondit-elle avec un clin d'œil. Tu devrais essayer parfois.
Je restai silencieuse, le flot d'informations m'étourdissant. Clara sembla remarquer mon trouble et posa une main sur mon épaule.
- Ne te prends pas la tête, Émilie. Peut-être que c'est juste une coïncidence. Mais si ce n'en est pas une, alors... tu as un sacré roman en cours.
Elle rit, mais moi, je n'étais pas sûre de trouver ça drôle. Mon esprit était en ébullition, et je savais que cette journée n'était que le début de quelque chose qui allait bouleverser ma vie.
Et dans un coin de mon esprit, une question persistait : pourquoi Daniel agissait-il comme si je n'existais pas ?
La journée suivante débuta dans un étrange mélange de nervosité et d'appréhension. Après les révélations de Clara sur l'identité de Daniel, je ne pouvais m'empêcher de me demander pourquoi un homme avec une vie aussi incroyable se retrouvait ici, à diriger cette entreprise modeste. Et pourquoi, surtout, il m'avait regardée comme une inconnue totale alors que je pouvais encore sentir la chaleur de ses yeux sur moi lors du gala.
J'arrivai tôt au bureau pour éviter de croiser Daniel dans les couloirs. Mais mes efforts furent rapidement anéantis lorsqu'un courriel apparut dans ma boîte de réception, marqué d'un symbole urgent. Le message venait directement de lui. Mon cœur fit un bond incontrôlable.
> **Objet** : Affectation du projet Wintergreen
> Bonjour,
> Vous êtes désignée comme coordonnatrice principale pour le projet Wintergreen. Merci de vous rendre dans mon bureau à 10h00 pour un briefing.
> Cordialement,
> Daniel Calloway.
Mon estomac se noua instantanément. Pourquoi moi ? Il y avait des dizaines d'autres employés plus qualifiés pour ce genre de responsabilité. Pourtant, l'idée d'aller le voir déclencha un mélange d'excitation et de terreur que je ne savais pas comment gérer.
Quand 10h arriva, je me retrouvai devant la porte de son bureau, mes mains moites serrant un calepin inutile. Je pris une grande inspiration avant de frapper doucement.
- Entrez, dit-il d'une voix ferme à travers la porte.
Je poussai timidement la porte et entrai. Son bureau, comme lui, était impeccable, minimaliste, mais sophistiqué. Il se tenait derrière son bureau, les bras croisés, son regard glacé fixé sur moi.
- Asseyez-vous, dit-il en désignant une chaise devant lui.
Je m'assis, évitant son regard direct.
- Vous êtes probablement surprise que je vous choisisse pour ce projet, commença-t-il, sa voix dénuée d'émotion.
- Un peu, admis-je, ma voix plus tremblante que je ne l'aurais voulu.
Il hocha légèrement la tête, comme s'il s'y attendait.
- Je crois en l'efficacité et en la précision, continua-t-il. J'ai examiné vos précédents rapports, et malgré leur... simplicité, ils montrent un potentiel certain.
Sa remarque, bien que formulée poliment, ressemblait davantage à une critique déguisée.
- Merci, répondis-je, mes joues chauffant sous le mélange d'embarras et de frustration.
Il se pencha légèrement en avant, posant les mains sur son bureau, son regard bleu perçant capturant le mien.
- Ce projet est crucial. Nous devons le mener à bien sans erreurs. Compris ?
- Oui, compris, répétai-je, tentant de maintenir mon calme sous son regard intense.
Le briefing fut rapide mais précis. Daniel parlait avec une autorité naturelle, chaque mot soigneusement choisi. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de remarquer une tension étrange entre nous, un fil invisible qui semblait tirer nos émotions dans des directions opposées. Chaque fois que nos regards se croisaient, c'était comme une bataille silencieuse, un mélange de défi et de quelque chose de plus profond, plus inexpliqué.
***
La journée passa dans un flou de tâches administratives et d'appels incessants liés au projet. Vers 18h30, la plupart de mes collègues avaient quitté le bureau. J'étais encore plongée dans des documents lorsque Daniel passa devant mon bureau, un dossier épais sous le bras. Il s'arrêta, me fixant avec un mélange de surprise et d'approbation.
- Vous travaillez encore ?
- Oui, répondis-je, tentant de masquer ma fatigue. Je voulais avancer sur le projet.
Il hocha la tête, son regard adouci pendant une fraction de seconde avant de reprendre son expression neutre.
- Très bien. Suivez-moi, dit-il soudainement.
Je le suivis jusqu'à la salle de réunion principale, où il déposa le dossier sur la table.
- Nous avons besoin de finaliser ces points ce soir, ajouta-t-il, en s'asseyant et en m'invitant à faire de même.
L'idée de passer une soirée entière avec lui dans une salle de réunion vide me mit mal à l'aise, mais je n'avais pas vraiment le choix.
Le travail avança lentement. Nos échanges étaient ponctués de tensions, d'accrochages mineurs. Chaque fois que je posais une question, il répondait avec une patience froide qui me faisait me sentir idiote. Pourtant, il y avait des moments où son ton changeait légèrement, où une chaleur inattendue transparaissait dans ses mots.
- Vous êtes plus déterminée que je ne l'aurais pensé, lâcha-t-il à un moment donné, presque pour lui-même.
Je levai les yeux vers lui, surprise par ce compliment inattendu.
- Merci... je suppose, répondis-je, incertaine de la manière dont je devais interpréter ses paroles.
Il esquissa un léger sourire, presque imperceptible, mais suffisant pour envoyer une vague d'émotions contradictoires à travers moi.
Nous finîmes par travailler jusqu'à près de 22h. Alors que je rassemblais mes affaires, il m'observa en silence, son regard chargé d'une intensité que je ne pouvais ignorer.
- Bonne soirée, dit-il finalement, sa voix basse résonnant dans la pièce vide.
Je hochai la tête, incapable de répondre, et quittai la salle, mon cœur battant à tout rompre.
***
Le lendemain, Clara se précipita vers mon bureau avec une énergie débordante, son téléphone à la main.
- Tu ne vas jamais deviner ce que j'ai trouvé, dit-elle, presque haletante.
Je levai un sourcil, curieuse malgré moi.
- Alors ?
- Caroline, l'ex de Daniel. Elle connaît des gens ici. En fait, elle a déjeuné avec un des directeurs hier, juste après être passée devant l'immeuble.
- Caroline ? répétai-je, mon estomac se tordant à l'entente de ce nom.
- Oui, répondit Clara, ses yeux brillant d'excitation. Et je parie qu'elle ne fait pas ça par hasard.
Cette nouvelle jeta une ombre inquiétante sur ma journée. Pourquoi Caroline serait-elle impliquée ici ? Et pourquoi cela semblait-il soudainement me concerner ?