Chapitre 7 Yuri

Andrea est différente des autres soumises que j'ai connues.

Je n'ai personnellement aucune intention de la larguer.

Rafael et moi on est super potes. Quand il avait eu des problèmes de couple, j'étais là pour lui, alors quand il a senti mon désespoir, il a essayé lui aussi de me venir en aide.

-Est-ce qu'il s'est passé quelque chose entre vous... avant son départ?

Je fronce les sourcils, en resongeant à cette question pour laquelle je n'avais aucune réponse. Fixant le toit de mon antique lit de style Tudor, je me pose de nouveau cette question... mais très franchement, je ne vois pas ce que j'aurais pu dire ou faire... qui peut provoquer encore un autre malentendu entre nous.

Oui, parce que par le passé, nous en avons eu plusieurs.

Mais c'était avant que je connaisse son secret.

Avant que je lui confesse mon amour.

Lors de son récent séjour ici, j'ai tout fait pour qu'elle se sente à l'aise. Je lui avais même fait de la place dans mon garde-robe afin de bien lui faire sentir mon désir que nous vivions ensemble de manière permanente. Vous n'imaginez pas à quel point je l'ai gâtée lors de son passage en Russie!

Elle s'entendait aussi super bien avec ma mère. Elle avait toujours un mot gentil pour notre vieux majordome et j'ai aussi entendu dire les autres domestiques qu'ils trouvaient qu'elle mettait de la joie dans notre vieux manoir austère. Même ce vieux grincheux d'Hausen avait du plaisir à échanger avec Andrea. Ils aimaient à faire des parties d'échecs ensemble durant sa convalescence.

Bon... je n'dis pas qu'Andrea s'entendait parfaitement avec tout le monde. Au sein de la Bravta, les liens sont très profonds... et certains de mes frères fondaient beaucoup d'espoir pour moi et Yelena, la fille d'un de mes sovietnik, lorsque nous nous fréquentions, il y a déjà plus de deux ans...

Mes autres conseillers jugeaient aussi qu'un mariage d'alliance serait avantageux...Et puis, quand je m'opposais à l'ancien Pakhan de Moscou, Varek Pavel, le père de Yelena, était mon plus grand supporteur. Mon allié dans le plus grand secret. Alors plusieurs jugeaient que sa famille méritait une certaine reconnaissance de ma part.

Donc quand j'ai rompu avec cette sale menteuse... beaucoup de nos frères étaient très déçus.

Et maintenant que je fréquente Andrea, qui non seulement n'est pas une des nôtres, mais qui n'est même pas Russe à proprement parler... certains de mes frères de la Bravta désapprouvent notre relation. Ils la jugent indigne de moi et certains de ces imbéciles le lui ont bien fait sentir.

Ils ont toutefois eu à le regretter puisque s'en prendre à Andrea, même la plus petite insulte, c'est franchir la ligne à mes yeux.

À bien y réfléchir, je crois me souvenir qu'Andrea a croisé une ou deux fois Yelena dans le grand donjon de mon club BDSM se situe toujours dans le sous-sol de ce manoir, du moins jusqu'à sa fermeture, en juin prochain..

En effet, après l'ouverture du nouvel hôtel du Dragon d'or, qui est toujours en rénovation... j'ai l'intention de fermer mon club BDSM. Mais en attendant, il est toujours actif, les weekends, et Yelena, qui en est membre, le fréquente de manière très assidue. Comme Andrea était en convalescence, je lui avais interdit d'y aller sans moi et elle n'a fait que le visiter brièvement, lors de son passage...

Cependant, quand Yelena se rend au club, elle en profite toujours pour s'aventurer dans des sections du manoir interdites aux membres... Les gardes en poste la laissent faire, car elle est la fille d'un de mes Sovietniks, ce qui lui confère un statut particulier.

Simplement parce que son père est un de mes sovietnik, elle se croit tout permis.

C'était déjà ainsi lorsque nous étions en couple et même après que j'aie rompu avec elle, ça n'a jamais changé.

En général, je l'ignorais et je la battais froid, ce qui est de mon avis la meilleure chose à faire avec ce genre de croqueuse de diamants.

Mais je devrais peut-être changer de tactique. En effet, cela pourrait conduire à des malentendus... et Dieu sait que des malentendus, il y en a suffisamment eu entre moi et Andrea.

Je bondis dans mon lit en position assise tel un ressort.

Serait-ce déjà le cas sans que j'en sache rien?

Est-ce que Yelena aurait dit ou fait quelque chose à Andrea, lors de son séjour ici... qui porterait à interprétation?

J'en ai mal aux tripes.

Je ne veux plus jamais qu'ily ait le plus petit malentendu entre moi et Andrea.

Si vraiment Yelena a osé manigancer dans mon dos... les caméras de sécurités sauront très vite me le dire!

Je m'empresse d'aller ramasser mon portable sur la petite table ronde qui se situe non loin de ma porte-patio et sur laquelle je m'installe toujours pour travailler quand je prends mon petit-déj dans ma chambre.

Je reviens m'installer sur le lit dans la pénombre, je le mets sur mes genoux et je l'allume.

J'ai conçu moi-même tout le système de sécurité de ce manoir et il n'a rien à envier à celui de Sidov Corp, surtout depuis qu'Andrea a fait quelques petits ajouts. Beaucoup l'ignorent, mais il y a de nombreuses caméras cachées dans tous les accès du manoir qui ne s'activent que lorsqu'elles détectent une présence.

Les vidéos sont conservées dans un nuage de données dont moi, Andrea ainsi que les trois Boyeviks en lesquels j'ai le plus confiance sommes les seuls à avoir accès. Il s'agit bien évidemment de Fritz, de Vasili (un Obshchak, qui sont au sein de la Bravta sont des comptables et des bookmakers en charge de la trésorerie...) et enfin, Kazimir, un tueur professionnel qui est à mon service exclusivement.

En dehors de ces personnes, aucun autre ne peut avoir accès à ces images de sécurité autre que celles qui se situent à l'extérieur de mon domicile ou dans les couloirs en des endroits bien visibles et auxquelles tous les Boyeviks qui gardent le manoir ont bien sûr accès pour une question de sécurité.

Je mets peu de temps à trouver dans les archives de mon nuage de données les bandes vidéos des caméras cachées en date du séjour d'Andrea, ici, en Russie, ce qui fut pratiquement durant le mois de juillet et une partie du mois d'aout. Ensuite, il y a eu le mariage de Julian, en France, à Marseille et tout de suite après Andrea est partie en Espagne avec La Costa et sa femme pour débuter son entrainement.

Durant sa convalescence, Andrea est demeurée dans ma chambre majoritairement, puisqu'elle gardait le lit. Je me concentre donc sur les images de surveillance des caméras cachées de cette section du manoir...

Ce qui me fait tout de même des heures et des heures de vidéos à consulter. Je constate rapidement que ma mère était très attentive aux besoins d'Andrea durant toute la durée de son séjour. Je suis aussi agréablement surpris de découvrir que Svetlana, la fille de Vasili, semble aussi s'être prise d'amitié pour Andrea.

Elle lui fait plusieurs visites au cours de toute la durée de son séjour ici. Elles passent aussi du temps dans ma salle d'étude, avec sa grande bibliothèque à lire des livres et bavarder... ou encore dans les jardins.

Le père de Svetlana est très respecté dans notre organisation et même des autres Pakhans qui essaient toujours de le recruter.

Si Andrea a le soutien de sa fille, tôt ou tard, les autres Boyeviks qui ont encore des doutes à son sujet finiront par se ranger au même avis de Vasili. Mais avoir l'amitié de Svetlana ne veut pas nécessairement dire avoir la faveur de Vasili, puisque ce vieux roublard

préfère toujours se faire sa propre opinion et qu'il ne se laisse influencer par personne.

J'en suis à cogner des clous devant mon portable au petit matin quand je tombe enfin sur ce que je recherche.

Yelena, un plateau-repas dans les mains, frappant à la porte de ma chambre, pour venir servir son repas à sa rivale!?

Ce n'est définitivement pas dans ses habitudes.

J'en viens presque à m'inquiéter qu'elle l'ait empoisonné.

Ça expliquerait pourquoi Andrea a perdu tout ce poids et me parait si chétive.

Je me secoue les idées et me donne une claque au visage pour me réveiller. Yuri!

Fais donc preuve d'un peu plus de lucidité!

Si Yelena avait voulu l'empoisonner, elle l'aurait fait par personne interposée, elle ne serait jamais venue lui livrer ce repas elle-même.

Je regarde la date au bas de la vidéo.

Seulement deux jours avant notre départ pour Marseille... Il est vrai qu'Andrea me paraissait encore plus distante quand nous étions à Marseille.

Je fais un arrêt sur image et je zoom la vidéo au maximum pour tenter de trouver le moindre indice. Je scrute d'abord le plateau-repas... Rien ne me parait louche. Ce n'est qu'un simple bol de potage et un quignon de pain. Ce que notre majordome prépare toujours à l'heure du midi... Du moins, de ce que je peux voir...

J'examine le visage de Yelena, son expression faciale... mais elle ne me semble pas préparer un mauvais coup.

En fait, elle affiche cette même attitude, celle que je déteste tant...

Une attitude de fausse soumise.

Au club, elle en a trompé plusieurs, et moi le premier. OH! Yelena est très gracieuse quand elle adopte une des postures de la soumise toute obéissante. Et quand elle fait une séance avec un dom... elle arrive aussi à en tromper plusieurs. Mais tout en elle n'est que mensonge en comparaison d'Andrea, qui est une soumise pur jus.

Andrea m'était toujours naturellement soumise alors que dans le cas de Yelena, c'était toujours forcé.

Je continue de scruter cette image figée parce que mon instinct me dit que quelque chose cloche alors je continue de l'examiner à la loupe.

Soudain, je plisse les yeux, fixant le collier au cou de Yelena.

Une lumière se fait dans mon esprit.

Ma mâchoire se durcit en songeant à cette explication possible et il y a même une veine qui pulse sur mon front.

J'attrape mon cellulaire sur la table de chevet et je compose le numéro du téléphone satellite de Rafael. En ce moment, il est en Colombie, au fin fond de l'Amazonie... Le seul moyen de le joindre est ce fichu téléphone satellite.

C'est à espérer que quelqu'un décroche à cette heure tardive pour eux.

Je dois rappeler plusieurs fois avant que quelqu'un décroche enfin la ligne et je reconnais immédiatement la voix d'une de ses subalternes... Beckie ou Betty, je ne sais plus trop!

Je lui ordonne de passer le téléphone à El Cabeza, lui spécifiant bien que c'est Ivanov, le Pakahan de Moscou qui désire lui parler de toute urgence.

Je peux entendre des bruits de voix... et aussi une personne qui joue de la guitare classique, au fur et à mesure qu'elle se déplace vers le lieu où se trouve le chef de son organisation.

En Colombie, il est environ 20h30 présentement alors qu'ici il est 4 heures du matin et que j'ai un jour d'avance sur eux.

Quand le chef des Torpederos prend le combiné, je l'entends s'éloigner du groupe pour me répondre sur un ton quelque peu moqueur:

- Deux fois dans la même journée, hermano! On pourrait se demander qui est le plus soumis des deux dans votre couple!

Je grimace fortement parce qu'il a raison.

Apparemment, je ne vis que pour soupirer d'amour au pied de ma belle Andrea.

Belle Andrea qui pourrait bien avoir vraiment décidé de me quitter pour de bon par la faute de cette sale menteuse de Yelena, qui semble avoir manigancé un sale coup dans mon dos, si je n'm'abuse!

- Rafael, dis-je avec sérieux. J'ai un très grand service à te demander... D'un dom à un autre...

Je me dois de le préciser, parce que sinon, il serait parfaitement en droit de refuser la requête que je compte lui adresser.

La Costa redevient sérieuse automatiquement à l'autre bout du fil:

- Parle! Je t'écoute, Amigo!