Chapitre 5 Un coeur sensible

Phoebe

Je regarde Chad perplexe tandis qu'il me vante ce travail comme ridicule et qui ne durera que quelques semaines, voir un gros mois où je devrai me faire passer pour un androïde. Je savais qu'il avait une sacrée manie de tout ramener à l'informatique ; mais là il bat les records.

Je regarde à nouveau ma montre et je me lève en ne prenant même pas la peine d'achever mon café, et pourtant, dieu sait que j'en ai besoin de ma dose de caféine. Mais Chad me rend encore plus folle que Pearce à l'entendre parler de sa folie. Parce que c'est bien une folie ! Comme si personne ne verrait la différence entre moi et un robot ?!

Oui, il est toujours aussi mignon, mais il est devenu complètement barge pour me proposer une chose pareille.

- Attends ! Où vas-tu ? Me demande-t-il en me rattrapant alors que je descends les marches de la terrasse.

- Bien, tu vois je dois aller bosser. Lui fais-je remarquer.

- Je n'ai pas le temps de t'entendre fabuler sur une histoire de robot-humain que je dois remplacer. Lui lancé-je en levant les yeux au ciel devant la débilité de sa demande.

- Ce n'est pas un robot-humain, mais un androïde dernière génération qui s'appelle PTS. Me fait-il remarquer comme si cela changeait quelque chose pour moi. Sérieusement, je me plains de ce que je suis devenue, mais au moins, j'ai gardé toute ma tête... Enfin, je pense...

- Viens au moins avec moi à Philadelphie. Insiste Chad alors que j'approche de l'arrêt de bus.

- Je te jure que je ne te demanderais pas ça si je n'étais pas certain que tu puisses le faire. Continue-t-il tandis que je regarde la voiture noire qui se gare devant nous et je recule en voyant Brice sortir de celle-ci.

- Mais c'est ma Phoebe chérie ! Lance Brice amusé en s'approchant de nous et j'expire bruyamment en me demandant si cette journée va être vraiment la pire de ma vie, étant donné ce qui se passe depuis que j'ai ouvert les yeux.

- Tu pars en vacances ? Me demande-t-il en regardant le sac de sport que je porte dans ma main et je le ramène contre moi.

- Non, je vais travailler. Répondé-je.

Brice fait un signe à un de ses copains et il m'arrache le sac des mains pour l'ouvrir.

- Eh vous faites quoi ?! S'interpose Chad en voulant reprendre le sac et alors que je veux l'empêcher de le faire, il est déjà trop tard. Brice braque un flingue en direction de Chad qui blanchit en une seconde comme un cachet d'aspirine. Quelque chose que je vais avoir besoin pour surmonter le reste de la journée.

- Toi, occupe-toi de tes affaires ! Claque Brice et je me mets devant Chad en regardant l'autre abruti qui balance mes vêtements sur la route.

- Comme ça, tu voulais quitter la ville sans payer ce que tu me dois. Me lance Brice avec un regard noir et je me mords la lèvre en cherchant comment je vais m'en sortir cette fois-ci.

- Je pense qu'il est temps que je te montre qu'on ne joue pas avec moi ! Me fait-il froidement en m'attrapant par le bras pour m'attirer vers la voiture.

- Non, je te jure que je n'essaye pas de m'enfuir ! M'exclamé-je paniquée alors que la portière de la voiture s'ouvre.

Si je rentre là-dedans, je ne reverrai jamais plus la lumière du jour. J'essaye de l'empêcher de m'y faire entrer de force, mais il est beaucoup plus fort que moi et je me retrouve à moitié dans la voiture.

- Attendez ! S'écrie Chad.

- Elle vous doit combien ?! Lui demande-t-il alors qu'il cesse de me pousser dans la voiture.

- Pourquoi gringalet ? Lui demande Brice.

- Tu as peut-être cinq mille dollars sur toi ? Lui demande-t-il amusé.

- Je ne les ai pas sur moi. Admets Chad comme je le pensais.

- Mais si on trouve un distributeur, je pourrai vous les donner tout de suite ! S'exclame-t-il alors qu'il me pousse à nouveau dans la voiture.

Brice s'arrête net et il me redresse pour me mettre devant lui, tandis que mon regard se porte sur Chad qui semble sûr de lui à cet instant. Comment peut-il avoir cinq milles dollars ? Je ne me souviens pas que sa famille était aussi aisée. Et en voyant sa façon de s'habiller décontractée, il ne doit pas rouler sur l'or.

S'il essaye de gagner du temps, il va nous attirer encore plus d'ennuis.

Chad

Une fois arrivé au distributeur de billets avec ce gros porc qui tient fermement la pauvre Phoebe contre lui ; je m'empresse d'enlever les cinq mille dollars de mon compte en banque et de lui tendre.

- Voilà, maintenant vous pouvez la lâcher ! Lui dis-je fermement essayant de ne pas montrer que je transpire plus de peur que de chaleur.

Ce gros porc regarde Phoebe étrangement avant de me la lancer limite dans les bras.

- Ma chérie, tu devrais l'épouser et te barrer le plus loin possible de ton abruti de frère ! Lui lance-t-il avant de tourner les talons et de partir vers la voiture qui nous a suivie jusqu'ici.

Je suis tellement absorbé à regarder cet enfoiré pour être certain qu'il se barre, que je n'ai pas fait attention que je tiens fermement Phoebe contre ma poitrine.

- Désolé ! M'exclamé-je me rendant compte de notre proximité et surtout du fait que mon cœur bat la chamade à cet instant.

- Je pense que je n'ai pas d'autres choix que de te suivre. Fait-elle la tête baissée devant moi en se tenant le bras et je la revois dix ans en arrière quand elle est venue m'annoncer son départ pour la Floride.

Un sentiment de tristesse m'envahit de la voir ainsi ; elle qui dans mon souvenir est toujours souriante et forte quel que soit les situations. Je me rends compte qu'elle a dû vivre une vie affreuse pour se retrouver à se faire menacer par des enfoirés pareils, sans parler de son frère et de l'endroit affreux dans lequel ils vivent.

Je lève ma main vers elle et je la pose doucement sur son épaule avant de l'attirer doucement contre moi. J'ai l'impression quand elle est là dans mes bras que nous sommes à nouveau ces adolescents et je pose un baiser sur ses cheveux.

- Mais qu'est-ce que tu fous ?! S'exclame Phoebe en me repoussant et son regard se pose dans le mien ahuri.

Je me gratte les cheveux en me demandant si je n'y ai pas été un peu fort sur ce coup-là. Après tout, nous ne nous sommes pas revus depuis dix ans, et bien qu'elle ait été dans mon esprit tout ce temps, ce n'est certainement pas le cas pour elle.

- Bon, on doit aller où ? Me demande-t-elle en remettant ses cheveux en place avant de se retourner pour ramasser ses affaires que ces enfoirés ont balancés en passant en voiture.

- Aller où ? Répété-je et je tilte enfin à ce qu'elle vient de me dire.

- Tu vas m'aider ?! M'exclamé-je ahuri de ce changement d'attitude.

- Je n'ai pas cinq mille dollars pour te rembourser. Fait-elle en fourrant ses affaires en boule dans son sac avant de se lever et de passer à nouveau sa main dans ses longs cheveux bruns. Mon dieu, que j'aime quand elle fait ce mouvement.

- Donc, la moindre des choses, c'est que j'aille avec toi. Continue-t-elle avant de me toiser de ses grands yeux noisette.

- Mais si tu refais encore un geste déplacé, je te les coupe ! Me claque-t-elle en repartant vers la digue où nous avons pris un café.

Dean

Les heures passent et je n'ai pas eu de nouvelles de Chad pour confirmer que PTS sera bien présente au restaurant demain à dix-neuf heures. Cela m'ennuie de ne pas avoir le temps de me familiariser à elle avant de l'emmener voir mon père ; mais je n'ai pas vraiment le choix.

- Voici les documents pour la réunion de demain. Me donne Dany en évitant de me toucher et je prends les papiers une fois qu'elle a reculé.

- Comme ça, tu vas diner au restaurant avec ton père ? Me demande-t-elle tandis que je vérifie les documents.

- Oui, j'espère que Chad ne me fera pas faux bond avec PTS. Ruminé-je.

- Chad n'a jamais raté une occasion de se faire remarquer. Me dit-elle et je souris en acquiesçant.

Effectivement, il avait l'air plutôt ennuyé de devoir reporter la venue de PTS au téléphone quand je l'ai eu hier. Mais j'espère qu'il ne va pas encore reporter ; j'imagine déjà le regard de mon père posé sur moi remplit de malice en train de gratter sa barbe poivre et sel en se foutant littéralement de moi.

- Quand on parle du loup. Me fait Dany en regardant mon portable et je le prends pour répondre en me levant du bureau.

- Je pensais que tu m'avais oublié. Fais-je en sortant de la pièce pour rejoindre le hall qui amène à la terrasse sud de la maison où se trouve la piscine.

- "Non, non j'ai eu un contre-temps." M'explique-t-il.

- "Je te confirmais la venue de PTS demain." Me fait-il et je passe la main dans mes cheveux soulagé avant de m'assoir sur un transat.

- Très bien. Sois là à dix-neuf heures au Ricochet. L'informé-je.

- Oh, Chad ! Habille-la en conséquence. Lui fais-je remarquer avant de raccrocher.

Je pose le portable sur ma poitrine en regardant les nuages dans le ciel. J'espère sincèrement que ce stratagème pourra marcher ; mon père sera le plus coriace à convaincre de sa ressemblance humaine avec nous. S'il a le moindre doute sur le fait qu'elle soit humaine, je risque de perdre tout ce que j'ai construit pendant ces dix années...

Phoebe

Je crois halluciner quand nous arrivons dans son immense entrepôt. Et non, à cause du désordre qu'il y règne ; mais bien en regardant le robot qui se trouve devant moi.

- Alors ?

- Je pense que je vais sortir de cet entrepôt et faire comme si je n'avais rien vu ! Lancé-je abasourdi par ce qui se trouve devant moi.

Là, c'est clair ! Si je me demandais s'il avait grillé des neurones pendant ces dix années, j'en ai la confirmation devant mes yeux. Cette chose devant moi a identiquement le même visage que moi, sauf qu'elle semble beaucoup moins épuisée que moi. Et sans parler de la couleur de ses yeux qui renvoient mon reflet.

- Tu ne peux pas me laisser tomber. Me fait remarquer Chad alors que j'attrape mon sac pour m'enfuir de l'antre de Frankenstein.

Sérieusement tout le monde est devenu fou avec le temps ou quoi ?! Dire que ce mec trop canon qui embellit ma vie quand je me couche dans mon lit depuis dix ans, est en train de me faire regretter ma vie entière d'un coup.

Oui il est devenu encore plus canon en vieillissant, mais cette folie qui se trouve là devant mes yeux le rend totalement cinglé.

Et point de vue cinglé, je suis déjà bien entourée !

- Je trouverai comment te rembourser. Le rassuré-je en partant vers la porte.

- Je l'admets ! Se met-il à crier et je m'arrête.

- Pas une seule seconde pendant ses dix années, tu as quitté mon esprit. Continue-t-il.

- Ce n'est pas une excuse et encore moins une raison pour que ce que je ressens pour toi depuis ces années me fasse faire cela. Mais voilà je l'ai fait et je ne le regrette pas !

- D'un côté, tu es de nouveau auprès de moi et de l'autre ; je peux guérir mon meilleur ami.

Tout ce qu'il vient de dire devrait me pousser à me sauver en courant pour éviter de m'effondrer à nouveau dans ses bras comme tout à l'heure, et surtout lui montrer que je valide sa folie. Mais voilà je suis curieuse et je me tourne vers lui en penchant la tête.

- Que veux-tu dire par guérir mon meilleur ami ? Lui demandé-je perplexe ne comprenant pas le rapport entre cette chose et son ami malade.

Sauf si celui-ci est aussi fou que lui.

Voilà comment je me suis faite embobiner par Chad et mon cœur trop sensible me retrouvant devant ce mec aux yeux émeraudes qui me scrute comme s'il voulait pénétrer mon âme.

Je continue de sourire bêtement en me demandant si je n'aurais pas mieux fait de me faire tirer dessus par Brice...