Ce crétin ne va quand même pas me faire languir six mois pour le prochain programme ; il est hors de question que je perde ma place de numéro un dans le classement des finances et des meilleurs ingénieurs d'Amérique. Mon père est capable de me torturer l'esprit pendant les six mois à venir et je ne le supporterai pas. Je regarde Dany qui ramasse les feuilles de présentation qui sont sur le pupitre, tandis que je me tiens à bonne distance.
- Super présentation ! Me lance-t-elle tandis que je regarde ses longues jambes.
Franchement, je ne comprends pas comment cela se fait qu'elle soit toujours célibataire avec un corps pareil. Sérieusement, elle est élancée, elle a les formes là où il faut, elle est brune ce qui prouve qu'elle n'est pas une de ses idiotes de filles décolorées, et elle est plus intelligente que les trois quarts des personnes qui travaillent dans mon entreprise.
Ce n'est pas pour rien qu'elle est devenue ma secrétaire personnelle. Personnellement, j'aurais dû la nommer sous directrice, mais elle a refusé voulant garder du temps pour elle. Je me demande bien de quel temps elle parle ? Elle passe son temps au bureau ou chez moi à préparer les documents pour les réunions auxquelles elles se rend à ma place, quand celles-ci se déroulent hors de la ville.
Car oui, bien que j'aie une vingtaine de voitures dans mon garage et que conduire pour moi soit un vrai loisir, je n'aime pas me déplacer trop loin de Philadelphie. En cas de crise, le seul endroit où je me sens en sécurité reste chez moi...
- Dean ! Me hèle Chad alors que je m'apprête à sortir par la porte qui donne sur le couloir où personne ne se rend.
- Je dois te parler de mon nouveau projet ! Me crie-t-il en courant presque tel un gamin dans la salle.
Sérieusement, il pourrait arrêter de se comporter comme n'importe quel abruti. C'est quoi cette débilité de courir comme un gamin devant les acheteurs. Bonjour, la réputation ! Des fois, je me demande pourquoi je me suis lié avec lui en affaire. Mais je souris en le voyant arriver dans le couloir en s'arrêtant comme toujours à bonne distance de moi ; c'est mon ami et je lui dois beaucoup, pour ne pas dire ma vie.
Car quand nous nous sommes rencontrés par vidéo interposée, il m'a offert une raison de vivre et pour cela je ne le remercierai jamais assez. Mais je lui ferai peut-être faire un tour chez mon tailleur, c'est quoi cette chemise de hippie ?!
Phoebe
Quand je me suis levée ce matin, ce crétin de Pearce n'était pas à l'appartement et bien entendu il ne répondait pas à son portable. Si jamais je l'attrape avant d'aller travailler au restaurant ce soir, je lui arrache une touffe de cheveux comme jamais ; après tout, on ne verra rien avec ses boucles ! Je referme la porte à clé de la chambre que je viens de faire et je m'apprête à attaquer la suivante quand un couple sort de la chambre en se bécotant.
Non mais ils pouvaient rester dans la chambre si c'est pour faire ça dans le couloir. Ils ne sont en aucun cas gêné de ma présence et je m'appuie sur la rambarde en attendant qu'ils aient fini de se relécher contre la porte.
Il y a un peu de vent aujourd'hui, toujours aussi chaud mais j'apprécie pourtant cela. Je me rappelle souvent tu temps où il y avait du vent, et que nous allions sur la bute derrière chez nous enfants, pour lancer nos cerfs-volants. Mon frère râlait toujours parce qu'il n'avait pas la patience d'attendre le bon moment pour le lancer, et je gagnais toujours. Je dois dire que pour un grand-frère, il n'a jamais aimé perdre.
Pourtant, quand il est arrivé en Floride, il s'est mis à faire des paris et des jeux d'argents en tout genre. Mais la chance du débutant comme on dit n'a pas durée et il s'est vite retrouvé avec des dettes à payer un peu partout et me voilà dix ans après à continuer à payer ses bêtises. Si jamais j'apprends qu'il a encore été parié, je jure que cette fois-ci, je me barre.
Le couple se décide enfin à partir et j'ouvre la porte de la chambre d'un air dégouté. Mais ce n'est pas possible de laisser un tel bordel dans une chambre ! On dirait l'état de l'appartement quand mon frère fait ses beuveries... Bon, sans les capotes usagées qui trainent par terre.
J'enfile mes gants et en y regardant de plus près, je remets une deuxième paire par-dessus pour commencer à ramasser quand on toque à la porte de la chambre ouverte.
Cela ne se voit pas que je suis occupée ! Je sors de la salle de bain et je me trouve face à face à Brice et ses hommes. Je déglutis nerveusement en le voyant enlever ses lunettes de soleil et bomber fièrement son torse. Brice est un chef de gang de la côte ouest de Floride à qui Pearce devait beaucoup d'argents. Mais j'ai réglé sa dette récemment pour être certaine de ne plus le voir lui et sa bande. Ce mec se prend trop pour un caïd et il a des airs qui me passent au-dessus de la tête, si bien que moins je le vois, mieux je me porte.
Je prends une bonne inspiration en fermant les yeux.
- Qu'est-ce que cet abruti a encore fait ? Demandé-je vaincue à l'avance.
- Je vois qu'il n'a pas encore daigné rentrer te dire qu'il avait perdu cinq milles dollars cette nuit ? Me lance Brice en avançant vers moi jetant un coup d'œil au bordel dans la chambre tandis que je suis prête à défaillir en comprenant que ce petit con à recommencer. Je serre le poing furieuse ; si je l'attrape je le tue... Non, je lui rase ses cheveux ! Fini les bouclettes dont il est si fier !
- Comment comptes-tu me rembourser ma chérie ? Me demande Brice tandis que je m'imagine déjà avec la tondeuse en train de raser sa tête de petit con. Tu m'étonnes qu'il ne soit pas rentré !
Je réagis au toucher de la main dégoutante de Brice qu'il pose sur ma cuisse et je recule net de lui, non sans le regarder d'un mauvais œil.
- Tu sais que je t'aime beaucoup. Me fait-il en appuyant un bras sur le mur approchant son visage du mien qui pue l'alcool qu'il vient de boire. C'est répugnant...
- Je te rembourserai. Fais-je en évitant limite de respirer tandis que ses yeux globuleux essayent d'entrevoir quelque chose dans mon décolleté.
- Le soucis, c'est que j'ai besoin de cet argent dans une semaine. Me fait-il en rapprochant son visage de mes joues et je recule.
- Mais, on peut toujours s'arranger entre nous... Me fait-il en passant sa grossière langue sur ses lèvres et je suis à deux doigts de vomir.
- Je trouverai l'argent ! M'exclamé-je optimiste.
Brice me regarde étonné avant de sourire.
- On se voit donc dans une semaine. Me lance-t-il en remettant ses lunettes pour quitter la chambre.
Mais alors que je suis prête à balancer la loque que j'ai en main à travers la pièce, il se retourne à nouveau vers moi et je me fige en me forçant à sourire.
- Si je n'ai pas l'argent dans une semaine, c'est ton corps qui me remboursera ! Me lance-t-il en plaçant son majeur devant sa bouche et passant grossièrement sa langue dégueulasse autour de celui-ci, avant de partir en rigolant avec ses larbins. Je balance mon pied dans la poubelle qui se trouve devant moi en rageant.
- Où est-ce que je vais trouver cinq milles dollars moi ?! Paniqué-je maintenant en me faisant tomber au sol.
- Pearce, je vais te buter ! Ragé-je en tapant le sol me voyant déjà au lit avec ce pervers.
Mon dieu, je préfère encore mieux mourir !
Chad
La sonnette de l'entrepôt retentit et je cours en vérifiant qu'il n'y a rien de compromettant qui traine avant d'ouvrir à Dean et Dany.
- Bienvenu dans mon antre ! M'exclamé-je excité comme une puce de leur présenter mon nouveau projet.
- Comme je vois, tu n'as pas encore engagé de femme de ménage. Me lance Dean fidèle à lui en regardant l'état de mon bureau.
- Ose me dire que ton bureau est mieux rangé ?! Lui lancé-je amusé en passant ma main dans ma nuque.
Dean esquisse un sourire complice en me faisant un signe de la main prouvant que j'ai vu juste. Nous sommes tous les deux des mordus de boulot, il y a très peu de chance que son bureau soit rangé. D'ailleurs quand nous sommes en discussion Chat, il s'arrange pour ne pas s'y trouver ; cela veut tout dire.
Dany me fait la bise et je les invite à venir dans l'antre de génie.
- Alors, tu m'as fait venir parce que ce n'est pas un projet que tu pouvais m'envoyer. C'est ça ? Me demande Dean en regardant les papiers sur mon bureau et je suis tellement excité de lui montrer que je me prends les pieds dans les câbles qui traversent l'entrepôt.
Dany a un petit fou rire pendant que je me relève, tandis que Dean me regarde de haut avant de lever un sourcil et de s'avancer dans la pièce pour s'arrêter devant la couverture où j'ai dissimulé mon nouveau projet.
- Bien. Fais-je en me relevant pour le rejoindre et me mettre en face de lui.
- Alors, comme je te l'ai dit ce matin, il s'agit d'un nouveau concept qui fera merveille auprès des personnes qui souffrent de phobie sociale ou d'haptophobie comme toi. Commencé-je fier de moi.
- J'aimerais penser que dans un futur proche, les gens tel que toi ne soit plus seul tous les instants de leur vie et aie enfin une compagnie qu'il mérite. Continué-je.
- Je ne suis pas seul. Rétorque Dean en s'asseyant sur le tabouret près de mon bureau pas du tout intéressé.
- Et les gens ont des animaux pour leur tenir compagnie pour ne pas se sentir seule. Continue-t-il.
- Oui, tu as raison. Mais Dean, que dirais-tu d'avoir vraiment l'impression de vivre avec une personne qui est libre de ses choix et qui t'apporte de l'attention ? Lui demandé-je et je vois que j'ai capté son intérêt comme je le pensais.
- Si tu pouvais discuter de tout et de rien avec une personne et surtout que tu pouvais la toucher, sans risquer de déclencher une crise. Continué-je un peu euphorique maintenant.
- J'ai déjà Albert pour cela.
- Non, tu ne comprends pas ! Je veux dire que tu pourrais vraiment avoir une relation amicale comme avec une tout autre personne chez toi.
- Mais de quoi tu parles ? Tu veux encore me fourguer ton idée d'intelligence artificielle ?! Me lance Dean en se levant du tabouret et je comprends que je dois sortir le grand jeu.
Bien que je sache qu'il serait dur à convaincre, je me retourne donc vers mon chef-d'œuvre et j'enlève la couverture d'un coup.
- Je vous présente PTS, une androïde qui a tout d'une personne humaine, jusqu'à sa propre pensée. Leur dis-je tandis que je vois Dany froncer les sourcils.
- Arrête ton char ! Me lance Dean. On voit bien que c'est une humaine !
Je souris à cette réflexion et je me rends à mon ordinateur pour enclencher le système de PTS.
- Bonjour, je m'appelle PTS. Enchantée de vous rencontrer. Les salue PTS en souriant.
- Cela ne prouve pas que ce n'est pas une personne comme nous. Me fait Dean plus que perplexe.
- Tu me vexes Dean. Fais-je en revenant auprès de PTS et j'ouvre sa robe pour enclencher l'ouverture de sa pile en lithium.
- Depuis toutes ces années, tu penserais franchement que je te mentirais ? Lui demandé-je en lui montrant le centre de batterie de PTS qui se situe entre sa poitrine.
- C'est impossible. Marmonne Dany.
Mais je peux voir son regard émerveillé, tout comme celui de Dean qui s'approche enfin de PTS et je fais un pas en arrière pour le laisser voir de lui-même.
- Mais on dirait un être humain... Continue-t-il à dire alors qu'il voit tout comme nous le système de PTS à l'intérieur d'elle.
- Et si tu faisais le test ? Lui demandé-je en regardant sa main.
Dean me regarde avant de revenir sur PTS qui lui sourit à nouveau.
- Monsieur, veut que je lui prenne la main ? Lui demande PTS en penchant un peu la tête.
- Ne me regarde pas comme ça. Fais-je à Dean qui me regarde surpris.
- Je t'ai dit que j'avais fait un androïde qui se rapproche autant que possible à l'être humain avec ses propres envies, ses désirs et ses propres réactions. PTS est plus que parfaite, il ne lui manque plus qu'un cœur pour pouvoir aimer. Lui expliqué-je.
Dean revient sur les yeux noisette de PTS qui attend qu'il lui réponde ou qu'il fasse un geste vers elle. Je sais que c'est quelque chose que Dean n'a jamais fait depuis plus de treize ans. Il n'a jamais pris l'initiative de tenir ou de toucher quelqu'un de lui-même craignant de déclencher une crise, suivi d'urticaire. Mais bien qu'il soit sur ses réserves, il pose doucement son doigt sur celle de PTS.
- On dirait...
- J'ai utilisé le matériel se rapprochant le plus à notre épiderme pour la couvrir, ce qui fait que personne ne peut dire si c'est un robot ou une personne. Lui expliqué-je.
- Chad, tu es un génie ! S'exclame Dany qui touche PTS à son tour.
Mais moi, ce que je vois, c'est les yeux plus qu'illuminés de Dean tandis qu'il balade son doigt sur PTS.
Cela doit être merveilleux pour lui de ressentir cette sensation qu'il n'a plus eu depuis treize ans. Et même si ce n'est qu'une androïde, je suis certain qu'elle pourrait lui apporter des tas de choses positives et peut-être lui permettre de renouer avec les gens même sans les toucher.