Je n'étais pas très en forme aujourd'hui. Comme tous les lundis, je n'avais pas envie d'être là. Pourquoi les lundis existaient même eh ? Tsuip ! Huit mois après la naissance de Daniela, j'avais commencé à travailler dans une entreprise d'agro-alimentaire. J'avais la fonction d'assistante marketing. J'avais obtenu ce travail grâce à Richard Etoundi, l'ancien Directeur Juridique de l'entreprise des Enumedi. Aujourd'hui c'était lui qui avait repris les rênes de l'entreprise comme l'avait souhaité Philippe Enumedi père. Nous avions gardé de bons rapports et quand il avait su que je ramais pour trouver un job, il m'avait pistonné. Je n'avais pratiquement rien obtenu de mon divorce avec Thomas. En disparaissant, il avait pris la peine de vider tous ses comptes bancaires.
Heureusement c'était bientôt la pause. J'allais pouvoir souffler un peu. Mon chef tenait beaucoup à sa pause. Il rentrait toujours chez lui à midi. Moi je sortais rarement. Uniquement quand on m'invitait à manger ou si j'avais des choses à faire dehors. Et puis ce midi je n'avais pas faim. J'allais donc piquer un som' sur mon bureau et je m'achèterai un sandwich plus tard si j'avais faim.
Je posais ma tête sur la table quand j'ai reçu un sms de Serges. « Bonjour Princesse, ta semaine de boulot a bien commencé ? Tu me manques. Passe une bonne journée. » Je lui ai répondu en lui disant que ce n'était pas la grande forme. Je reposais ma tête sur la table pour enfin sombrer dans ce fameux sommeil quand je reçus un autre message. J'étais persuadé que c'était encore Serges. Mais non ! Un numéro que je ne reconnaissais pas. « Salope ! Voleuse de gars ! Il est à moi grosse pétasse ! »
Massa ! C'était encore quoi ce message-là ? Comme si je sortais avec un homme marié. Hum ! N'importe quoi ! C'était certainement une qui s'était trompé de numéro. La femme de mon boss m'avait appelé un soir comme ça pour me demander d'arrêter d'appeler son mari. Même quand je lui avais dit que j'étais juste sa collaboratrice, elle m'avait répondu : « comme si c'est ça qui va empêcher quelque chose ». Ah ! J'ai seulement fermé ma bouche. Maintenant quand elle me croisait dans des fêtes d'entreprise, elle me toisait. Tout ça alors que la vraie djomba est tranquille dans son coin.
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Enfin ! La journée de ouf était finie. Le lundi n'avait jamais autant duré. Mais bon, maintenant j'allais pouvoir profiter de mon canapé. Même comme avec la boule d'énergie que j'avais à la maison, ça n'allait pas être évident. Je n'avais pas la force de la suivre ce soir.
- Papy : Tu rentres aussi ?
- Moi : Oui. Je te dépose ?
- Papy : ok merci. En fait, façon je t'ai vu concentré dans le travail tout à l'heure, je me suis dit que tu rentrerais tard.
- Moi : Hum ! Heureusement non. La femme du pater est hospitalisée donc il est parti tôt.
Le pater était mon chef. Papy lui était mon collègue du service informatique. Mais un vrai pote aussi. D'une certaine manière, il m'avait aidé à m'intégrer dans l'entreprise. Entre les mères-chefs qui te regardent de hauts parce qu'elles sont aigries à cause de ta jeunesse et les hommes qui te voient comme une nouvelle proie qu'ils pourront chasser, il fallait savoir quelle était la meilleure attitude à avoir.
Très rapidement, Papy et moi nous nous étions liés d'amitié. Une amitié qui avait beaucoup intrigué. Les collègues, hommes bien entendu, allaient le trouver pour avoir des informations personnelles du genre, « est-ce que j'ai un gars ? », « est-ce qu'il y a moyen de m'approcher ? ». Certains lui demandaient carrément si lui et moi nous couchions ensemble. Heureusement, Papy était trop fin. A la première question il avait répondu oui, alors que je n'étais pas en couple à cette époque. A la deuxième il avait répondu non en argumentant que j'étais une dure « born again » et que lui-même avait essayé de me draguer mais je lui avais parlé de Dieu. Evidemment, ça n'avait pas arrêté ceux qui se prenaient pour Brad Pitt et que cette histoire de Papy rendait encore plus enthousiaste parce que ça représentait un défi pour eux.
Dans la voiture.
- Moi : Hum ! Au fait j'ai reçu un sms de menace aujourd'hui.
- Papy : Menace ? De qui ?
- Moi : Je ne sais pas. Regarde toi-même.
- Papy : Mince ! Une fille vulgaire en plus.
- Moi : Qui s'est de toute évidence trompé de destinataire.
- Papy : Tu es sûr ?
- Moi : Ekié ! Que j'ai donc volé le mari de qui ?
- Papy : Peut-être c'est une autre malade comme la femme de ton boss. Ou alors ça concerne ton gars même.
- Moi : Ok pour la première hypothèse. Mais ta deuxième là, nyet, impossible. Serges n'est pas marié. Il ne vit même pas avec une autre fille. Et puis il m'a demandé en mariage ce week-end.
- Papy : Tu as le genre de nouvelles là et tu commences par les broutilles pareilles. Félicitations à toi.
- Moi : Merciii
- Papy : Mais sérieux ! Qu'est ce qui te fait croire qu'il n'a pas jeté une autre fille pour toi ?
- Moi : Je n'ai aucune certitude, c'est vrai. Mais ça m'étonnerait. Et puis je ne gère pas ça. Elle n'a qu'à gaspiller son temps en m'envoyant des messages.
- Papy : Félicitations encore. Je suis vraiment soulagé. Je croyais que tu allais finir vieille fille.
- Moi : Mouf !
Alors que nous étions en train d'entrer dans Bonamoussadi, j'ai reçu un appel de Sandrine qui voulait à tout prix me voir. Elle était en pleurs, je ne pouvais pas lui dire non. Par contre, je lui ai dit que je m'arrêterais plutôt chez elle, au lieu qu'elle vienne chez moi. Comme Serges ne voulait pas que je la côtoie, c'était mieux comme ça. Mais je trouvais quand même bizarre qu'il me demande de ne pas être amie avec elle. S'il avait une raison valable, alors il fallait qu'il me la donne. Cette manie de me dire avec qui je devais parler, je n'aimais pas ça du tout.
- Papy : C'était qui non ?
- Moi : Mon frère laisse ! Une amie là, son gars l'abandonne alors qu'elle est enceinte. Et il dit que ce n'est pas son muna (enfant).
- Papy : Hum ! Il a une go.
- Moi : C'est ce que je lui ai dit.
- Papy : Mais bon il peut jeter la fille et s'occuper au moins du muna. Même comme c'est pas évident si il est vraiment en couple.
- Moi : Je te dis. Vous aussi les hommes. Tu veux aller tâter un autre terrain, tu ne peux pas prendre la peine de mettre le préservatif.
- Papy : On ne mange pas la banane avec la peau, ma chère. Hahaha !
- Moi : Mouf ! Idiot. Descends de ma voiture.
- Papy : Hahaha ! On se prend demain la go.
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Sandrine vivait dans un petit studio loué par son oncle. L'immeuble n'était pas très bien entretenu. Les escaliers étaient d'une saleté terrible. Mais quand on entrait dans le studio de Sandrine, c'était un autre monde. On avait du mal à croire que ce logis faisait partie de cet immeuble. La déco était vraiment recherchée et gaie. Ce qui contrastait vraiment avec l'humeur de Sandrine. Ses yeux étaient rouges. Ça se voyait qu'elle avait pleuré pendant des heures.
- Moi : Wèèè ma chérie, tu sais que ce n'est pas bon pour ta santé ?
- Sandrine : Je suis mal Cathy. Je l'ai appelé, il m'a traité de tous les noms. Que je suis une salope, une pute. Et qu'il ne veut pas d'enfant avec moi.
- Moi : Hum ! Je suis choquée. Comment on peut être autant cruel ? Ça prouve que tu ne dois pas pleurer à cause de lui.
- Sandrine : Je sais que c'est juste parce qu'il a peur de la responsabilité d'avoir un bébé.
- Moi : Hein ? Tu rigoles ? Ce n'est pas une raison pour te traiter ainsi.
- Sandrine : Il n'est pas comme ça.
- Moi : Tu refuses de voir qui il est ma pauvre. Désolé si je te parais dur mais ce type c'est un salop. Il ne t'a jamais aimé. Il voulait juste coucher avec toi. Maintenant tu dois essayer de te ressaisir, même si je sais que ça ne doit pas être facile.
- Sandrine : Je ne suis pas sûr de pouvoir.
Ayaa ! C'est toujours l'amour comme ça ? Ok je comprends qu'elle soit triste et effondrée parce qu'elle aimait de toute évidence ce gars. Mais de là à vouloir lui trouver des excuses, ça je ne comprenais pas. Ce n'est pas parce qu'il ne voulait plus d'elle et de son bébé qu'il avait le droit de lui lancer des paroles aussi blessantes. Sachant que ça ne devait déjà pas être évident de gérer cette rupture. Mais je crois qu'il faisait surtout ça pour la pousser à avorter.
- Moi : Dis-moi, tu veux garder c'est ça.
- Sandrine : Oui bien sûr. Je n'enlèverai pas. Je suis sûr qu'il reviendra quand l'enfant sera né.
Hein Père ! La fille-ci est sérieuse hein. Tout ce qui l'intéresse c'est le gars. Et le bébé alors ? Je commençais à la soupçonner d'utiliser le bébé pour retenir le gars. Ou plutôt c'est ce qu'elle pensait faire. C'était sans compter sur la malhonnêteté du gars. Est-ce qu'on retient encore de nos jours un gars avec l'enfant. Hum ! En tout cas, l'attitude de Sandrine était bizarre. Et je commençais à croire ce que Serges me disait quand il disait qu'elle était louche.
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Je ne m'étais pas éternisé chez Sandrine parce qu'il fallait que j'aille libérer la nounou qui attachait la bouche quand je suis arrivée. Je me suis excusée mais il fallait que je trouve une autre nounou. Compte tenu de mes horaires très souvent fluctuantes, il fallait que soit je trouve une nounou plus flexible ou alors à la limite une qui vivrait carrément ici. La deuxième idée ne m'enchantait pas trop parce que j'estimais que j'allais perdre un peu de mon intimité. Sauf si je la laissais partir les week-ends.
- Moi : Ma chérie il faut aller dormir maintenant. Tu pars à l'école demain.
- Daniela : Je veux pas partir à l'écoye.
- Moi : Mais à l'école tu seras avec tes copines et tu vas jouer avec la maîtresse.
- Daniela : Moi ye veux jouer avec toi.
C'était la première année de Dani à l'école. Et Même des mois après, elle grinchait toujours quand on parlait d'aller à l'école. Mais parfois quand elle voyait ses deux copines, elle oubliait ses craintes. Les premières semaines c'était à peine si je ne me sentais pas comme une mère indigne quand je la laissais à l'école. L'enfant pleurait de toutes ses tripes en me lançant un regard qui voulait dire « pourquoi tu m'abandonnes ? Méchante ! ». Des fois les enfants là pleurent souvent comme si on les maltraite à l'école. Mais aujourd'hui, j'étais vaccinée. Il y a un peu de manipulation dans leur histoire-là. Je suis sûre qu'ils savent qu'on n'aime pas les voir aussi tristes, donc ils nous sortent le grand jeu.
A 22 heures, Serges m'a enfin téléphoné. Depuis que j'avais discuté avec Papy de cette histoire de sms de menaces, j'avoue que je me posais des questions. J'étais persuadée qu'il ne me trompait pas mais je ne pouvais pas m'empêcher de me demander si il n'y avait pas un fond de vérité dans ce que Papy avait dit.
- Moi : C'est seulement maintenant que tu finis le boulot ?
- Serges : Oui chérie. Tu es déjà couché ?
- Moi : Oui. J'attendais ton appel.
- Serges : Ah ok ! Comment va Daniela ?
- Moi : Elle va bien. Tonton a dit qu'il est dispo ce samedi. Il sera avec deux autres oncles de ma famille paternelle.
- Serges : Ok bien. Ta journée alors finalement ?
- Moi : Bof ! En plus, j'ai reçu un sms de menaces aujourd'hui. Genre c'est mon gars, laisse-le avec des insultes comme pétasse.
- Serges : Mais qui t'a envoyé ça ?
- Moi : Je ne sais pas. Je ne connais pas le numéro. Il n'y a pas un truc que tu devrais me dire ?
- Serges : Hein ? Tu es sérieuse là ? C'est de moi qu'elle parlait ?
- Moi : Je ne sais pas. Je demande juste.
- Serges : Je n'ai rien à me reprocher. Dans le cas où tu reçois encore un autre sms de ce genre, je vais chercher à savoir qui c'est. Je te laisse, j'ai faim. Je t'appelle après.
- Moi : ok, bon appétit.
Serges avait l'air contrarié. Il n'avait certainement pas aimé le fait que je lui demande indirectement si il y avait une autre fille dans sa vie. Je n'aurais pas dû prendre au sérieux les histoires de Papy. Serges m'aimait et me surtout me respectait. Le reste je ne devais pas m'en préoccuper.
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Mercredi 15 heures. J'avais pris une permission au bureau pour accompagner Daniela chez le médecin. Elle avait mal au ventre depuis la veille, et on m'avait appelé à l'école pour me dire qu'elle avait la fièvre. Quand Daniela était malade, je flippais toujours grave. Si cela avait été possible, j'aurais aimé pouvoir aspirer toute sa douleur pour souffrir à sa place. J'étais vraiment stressée. En espérant de tout mon cœur que ce ne soit pas grave.
- Le médecin : Bon il n'y a rien de grave, d'accord ? Arrêtes de stresser. Ta fille a uniquement des vers intestinaux.
- Moi : Ouf ! Je suis soulagée.
- Le médecin : Tu lui administreras ce traitement. Et dans deux jours, tout devrait aller pour le mieux.
- Moi : D'accord. Merci beaucoup.
- Le médecin : Je t'en prie.
Plus de peur que de mal. C'était tant mieux. J'allais me dépêcher de rentrer à la maison pour la coucher parce qu'elle était toujours fébrile. Et comme Daniela avait un caractère assez grincheux, ce n'était pas facile quand elle se sentait aussi mal. Une vraie diva cette petite. Mais au moins c'était un stress d'éliminé. Après le message de lundi, j'avais reçu d'autres messages d'insultes encore plus vulgaires et virulentes. Donc au final, Serges avait pris le numéro de téléphone et comptait demander à un de ses amis qui travaillait chez l'opérateur de nous donner le nom du destinateur de ces messages. Franchement, j'espérais vraiment que ce serait quelqu'un qui se trompait tout simplement de destinataire. Imaginer que tout ceci avait un lien avec Serges, me rendrait malade.
Alors que je venais d'installer Dani sur son siège, et que je m'apprêtais à m'installer au mien, je suis tombé né à né avec quelqu'un que je n'aurais pas imaginé croiser à nouveau. La mère de Patrick.
- Martha Enumedi : Toi là, tu fais quoi ici ?