Nous devenions des Solitaires. Enfin, des Solitaires civilisés. Des loups citadins.
Je me tenais au centre de la pièce avec un bouquet de sauge et d'aconit séché - juste une infime quantité, assez pour irriter le nez mais pas pour blesser.
Je l'ai allumé. La fumée s'est élevée en volutes, âcre et amère.
J'ai fait le tour de la pièce, diffusant la fumée dans chaque coin, sur chaque meuble que je laissais derrière moi. C'était un vieux rituel, habituellement utilisé pour purifier une maison des mauvais esprits.
Je l'utilisais pour effacer mon odeur.
Je ne voulais pas que Jax entre ici et sente la vanille ou la lavande ou peu importe ce que je sentais pour lui. Je voulais qu'il ne sente rien. Je voulais qu'il sente le vide.
Mon téléphone a vibré sur le sol. Je l'ai ramassé.
C'était une notification du Réseau de la Meute, notre application privée.
Jax Little a posté une photo.
Je n'aurais pas dû regarder. Je n'aurais vraiment pas dû. Mais mon pouce a hésité, et j'ai appuyé.
C'était un selfie. Jax et Catalina. Elle portait un collier en diamant - une chose lourde et tape-à-l'œil avec l'écusson de la Porte Nord au centre.
La légende disait : *Ma Reine. #FutureLuna #CoupleDePouvoir*
J'ai touché mon propre cou. Il était nu. Jax ne m'avait jamais offert de bijoux. Il disait que c'était dangereux pour l'entraînement, que ça s'accrocherait partout. Il me donnait des cadeaux pratiques. Des chaussures de course. Des gourdes.
Mais pour elle ? Des diamants.
Il ne me protégeait pas. Il ne pensait simplement pas que je valais la peine d'être décorée.
J'ai fait défiler les commentaires.
*Elle est tellement plus sexy que l'autre.*
*Enfin une femelle Alpha.*
*Bye bye, Ellie l'Oméga.*
J'ai senti une larme glisser sur ma joue. Juste une. Elle était brûlante et colérique.
- D'accord, ai-je chuchoté à la pièce vide. Tu veux que je parte ? Je pars.
Je me suis assise sur le matelas nu. J'ai fermé les yeux et je suis rentrée en moi-même, cherchant le lien. C'était une corde épaisse et dorée dans mon esprit, s'étirant dans l'obscurité, pulsant d'une douleur sourde.
Je ne pouvais pas la couper. Seul un rejet accepté ou la mort pouvait la rompre complètement. Mais je pouvais l'enterrer.
J'ai imaginé construire une forteresse autour de cette corde. Pierre par pierre. Fer par fer. J'ai versé toute ma douleur, mon humiliation et ma rage dans le mortier.
*Je ne te sens pas,* ai-je chanté dans ma tête. *Je n'ai pas besoin de toi. Tu es un étranger.*
La pulsation a ralenti. La douleur s'est émoussée jusqu'à n'être qu'un bourdonnement de fond, comme un bruit blanc.
J'ai ouvert les yeux. Je me sentais plus légère. Vide, mais plus légère.
La porte s'est ouverte. Mon père se tenait là, tenant deux valises.
- Prête, ma puce ? a-t-il demandé doucement.
- Ouais, Papa, ai-je dit. Je suis prête.
J'ai attrapé mon sac à dos. Je n'ai pas regardé la chambre en arrière. Je n'ai pas regardé la maison en arrière.
Nous sommes montés dans la voiture. Alors que nous passions devant le panneau "Bienvenue à la Porte Nord", j'ai baissé la vitre.
J'ai pris une profonde inspiration de l'air frais de la nuit, laissant l'odeur du pin et de la terre remplir mes poumons une dernière fois.
Puis j'ai expiré.
Je quittais le territoire. Je quittais la hiérarchie. Je quittais la fille qui attendait qu'un garçon l'aime.
Paris m'attendait. Et qui que je sois destinée à devenir, elle ne serait pas une Oméga.