Point de vue d'Elara :
Je les observais depuis ma fenêtre, un tableau de deuil mis en scène. Isabella sanglotait contre le torse de Dante, l'image même d'une chose fragile et tremblante. Il la tenait, son large dos une forteresse, murmurant des mots que je ne pouvais pas entendre. Mais je n'en avais pas besoin.
J'ai vu ses lèvres former les contours familiers d'une phrase que j'avais entendue mille fois.
« Tu es ma femme. Tu ne devrais pas me cacher une chose pareille. »
Les mots lui étaient destinés, mais ils se sont gravés sur ma propre peau.
Au poste des infirmières, les ragots étaient un bourdonnement sourd et incessant. Dante Moretti – le Diable au cœur de pierre, comme elles l'appelaient – était un mari dévoué. Il avait fait venir des spécialistes de l'Hôpital Américain de Paris pour Isabella. Il avait acheté tous les panneaux d'affichage numériques de la ville pour lui souhaiter un joyeux anniversaire le mois dernier. Il avait fait couper la langue d'un homme pour un commentaire déplacé à son sujet dans un restaurant.
Je suis retournée dans ma chambre, engourdie. Le mensonge de son « contrat sans amour » était mis à nu, exposé sous les dures lumières fluorescentes de l'hôpital. Son cœur n'était pas seulement occupé ; il était conquis.
Les jours suivants, je ne l'ai jamais vu. Mais son nom était une présence constante, toujours lié au sien. Monsieur et Madame Moretti.
Le jour de ma sortie, ils sont venus me chercher ensemble. Isabella, le visage un masque de sympathie mielleuse, a offert des excuses impeccables pour le « terrible accident ». Elle a insisté pour que je vienne à leur fête de troisième anniversaire au domaine Moretti ce week-end.
« Nous sommes une famille, après tout, » avait-elle dit, son sourire n'atteignant jamais ses yeux.
Contre toute attente, j'y suis allée. Une part autodestructrice en moi avait besoin de voir les décombres de près. Le domaine scintillait, transformé en un monument à leur amour. Un écran géant sur la pelouse diffusait en boucle un montage vidéo : Dante et Isabella à Paris, Dante et Isabella sur un yacht en Méditerranée, Dante et Isabella coupant un gâteau, riant.
Puis, un clip de lui l'embrassant. Ce n'était pas un baiser de convenance. C'était profond, affamé, passionné. Le genre de baiser qu'il me donnait autrefois. L'air s'est transformé en verre dans mes poumons.
« Je n'aurais jamais cru voir le Parrain aussi complètement épris, » a chuchoté une femme derrière moi. « Elle a vraiment dompté le diable. »
Je ne pouvais plus respirer. J'ai titubé loin de la foule, cherchant refuge dans le silence soudain du jardin arrière. Mais même ici, elle m'avait remplacée. Mes lys blancs bien-aimés, ceux que Dante avait plantés pour moi des années auparavant, avaient disparu. À leur place se dressaient des rangées et des rangées de roses rouge sang, les préférées d'Isabella.
Une masse de fourrure noire a jailli de l'ombre. C'était l'un des précieux chiens de chasse de Dante, une bête massive et hargneuse. Il m'a percutée, me faisant perdre l'équilibre. J'ai atterri lourdement sur le chemin de pierre.
Isabella a hurlé.
J'ai vu la tête de Dante se tourner brusquement. Son premier instinct, immédiat, a été de se placer devant sa femme, la protégeant d'une menace qui n'existait pas.
Il m'a vue par terre. Il a vu le chien. Et il n'a pas bougé.
Le chien, agité par le cri, s'est tourné vers moi. Il a bondi, ses crocs s'enfonçant dans la chair tendre de mon mollet. Une douleur fulgurante et brûlante a parcouru ma jambe.
Mais l'agonie dans mon cœur était infiniment pire.