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Elle avait refermé la porte de sa chambre sur un soupir discret.
Pas de drap encore posé, pas de rideau, juste la lumière pâle de l'ampoule nue qui dessinait des ombres longues sur les murs blancs.
Inès retira son manteau, le plia avec soin, et le posa sur la chaise bancale près du petit bureau. Tout ici semblait légèrement en déséquilibre, comme elle. Un tiroir de travers, une latte qui grinçait plus fort que les autres, une étagère vide qui attendait d'être remplie.
Elle défit sa valise lentement.
Comme si chaque vêtement, chaque carnet, chaque objet sorti de la toile avait besoin d'être accueilli, apprivoisé, replacé dans ce décor inconnu.
Une vieille écharpe qu'elle ne mettait plus depuis des années.
Une boîte de médicaments qu'elle n'ouvrait qu'en dernier recours.
Un petit métronome en bois qu'elle n'osait plus faire vibrer.
Pas ce soir. Pas encore.
Elle n'avait pas ouvert la housse de son clavier.
Il attendait là, contre le mur, discret, comme si lui aussi savait qu'il n'avait pas encore sa place ici.
Dans la cuisine, elle avait remarqué les horaires d'Adam : précis, silencieux, organisés.
Il avait laissé une tasse dans l'évier, propre.
Elle, elle n'avait même pas encore choisi quelle étagère du frigo serait à elle.
Mais elle n'avait pas eu le courage de lui demander.
Elle colla un petit mot sur sa porte, une habitude d'ancien internat :
"Inès. (Pas dérangeante. Promis.)"
Elle ne savait pas s'il le lirait.
Elle ne savait même pas si ça servait à quelque chose.
Mais poser ce petit papier était comme poser un premier pas.
Léger.
Hésitant.
Mais sincère.
Elle s'allongea sur le lit, enroulée dans sa couverture.
Le plafond semblait plus bas ici, ou peut-être était-ce ses pensées qui remontaient.
Son corps lui rappelait encore parfois ses fractures passées.
Ses bras, ses jambes, ce genou qui craquait à chaque changement de position.
Mais ce soir, tout était calme.
Presque trop calme.
Elle se demanda si elle allait pouvoir dormir dans cette maison.
Avec ce colocataire de pierre.
Avec ce silence qui n'était pas encore le sien.
Elle regarda le métronome sur la commode.
Et dans le noir, elle murmura :
- Je prendrai le temps. Juste un peu