Mariage Scandaleux
img img Mariage Scandaleux img Chapitre 6 Chapitre 6 : La Dot
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Chapitre 7 Chapitre 7 : Le poids des conseils img
Chapitre 8 Chapitre 8 : – La yendu silencieuse img
Chapitre 9 Chapitre 9 : Le retour de Sarata - Ombres et doutes img
Chapitre 10 Chapitre 10 : Les tourments d'Abdoul Kabir - Ombres et lumières img
Chapitre 11 Chapitre 11 : Sarata et les préparatifs - Entre traditions et désirs img
Chapitre 12 Chapitre 12 : Premiers pas - Le voyage vers les îles du Saloum img
Chapitre 13 Chapitre 13 : – Chacun son monde img
Chapitre 14 Chapitre 14 : Le souffle court des jours lents img
Chapitre 15 Chapitre 15 : Ce que l'on ne dit pas img
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Chapitre 6 Chapitre 6 : La Dot

Le matin du jour de la dot, la maison de Sarata baignait dans une lumière douce et chaude. L'air sentait le beurre de karité, le henné et les fleurs de jasmin accrochées aux rideaux. Sarata, fidèle à elle-même, s'était préparée avec simplicité. Une robe longue, cousue dans un Bazin sobre mais élégant, couleur sable, épousait ses formes avec pudeur. Ses cheveux étaient tirés en arrière, tressés finement par ses cousines qui ne cessaient de la taquiner en riant, comme pour chasser la tension muette qui alourdissait l'atmosphère.

Elle restait silencieuse, les yeux baissés, le cœur serré. Sa mère n'avait pas souri de la matinée. Assise dans un coin du salon, les bras croisés sur sa poitrine, elle suivait les préparatifs d'un regard sévère, presque hostile. Elle répondait aux questions de la tante d'un ton sec, parfois absent. La vérité, c'est que ce mariage lui laissait un goût amer. Elle n'arrivait pas à se réjouir, malgré les sourires autour, malgré les voix joyeuses des griots qu'on entendait au loin, annonçant déjà l'arrivée de la délégation.

Elle avait supplié Sarata de ne pas accepter. Elle l'avait mise en garde. Elle avait tout tenté. Mais elle avait compris, dans le regard résigné de sa fille, qu'elle n'y pouvait plus rien. Elle se sentait impuissante, et dans cette impuissance, il n'y avait ni joie ni fierté. Juste cette boule dans la gorge qu'elle essayait de contenir pour ne pas pleurer.

Soudain, des klaxons se firent entendre au loin, des klaxons brefs, assurés, suivis de voix d'hommes qui plaisantaient. La délégation de la famille d'Abdoul Kabir venait d'arriver.

- Ils sont là, chuchota une cousine de Sarata, en jetant un œil derrière le rideau.

- Qu'ils entrent, répondit la mère sans bouger, avec une voix calme, presque lasse. On n'attend qu'eux.

Les hommes de la belle-famille entrèrent les premiers, suivis des femmes, portant de grands paniers enveloppés dans des tissus brodés. Les tambours résonnèrent doucement, comme une salutation, puis le griot fit son apparition, vêtu de blanc, tenant son sabar sous le bras, sa voix déjà prête à se faire entendre.

- Nagnu def, famille de Sarata ! lança un oncle d'Abdoul Kabir, après avoir pris place. On vous salue dans la paix et le respect. Nous venons aujourd'hui en toute humilité, pour demander la main de votre fille, notre perle rare, pour notre fils, Abdoul Kabir.

Le griot bondit alors au centre de la cour, un sourire éclatant aux lèvres.

- Wayé ! Wayé ! Aujourd'hui, c'est un grand jour ! Les ancêtres sourient, car deux familles s'unissent. Ouvrez les oreilles ! Écoutez ce que le fils d'Untel a apporté !

Il battit trois fois son tambour, puis leva la main vers la délégation.

- Ma tante, dit-il à la sœur de la mère de Sarata, approche, toi qui es gardienne de cette maison, toi qui es témoin de ce jour. Prends note de ce que nous déposons à vos pieds, pour l'honneur de votre fille.

La tante s'avança, les mains jointes, un sourire lumineux au visage.

- J'écoute, mon fils, dis-nous ce que vous avez apporté pour notre Sarata.

Le griot leva un premier panier, avec l'aide d'un jeune homme.

- Voici dix millions de francs CFA, emballés dans des tissus de soie. Dix millions ! Pas pour acheter une fille, non, mais pour honorer une reine ! Dix millions, pour rappeler que Sarata est un trésor qui mérite le respect !

Des murmures émergèrent. La tante leva les sourcils, impressionnée. Elle regarda sa sœur qui resta immobile, les bras croisés.

- Ce n'est pas rien, fit remarquer la cousine de Sarata, penchée vers elle.

Mais déjà, le griot reprenait, en soulevant un autre paquet.

- Voici un iPhone de dernière génération, encore sous blister. Pas pour éblouir, non ! Mais pour que Sarata reste toujours connectée au cœur de son mari. Qu'elle puisse appeler son époux même au bout du monde, qu'elle ne reste jamais dans le silence.

- Hmmm, l'iPhone, fit la tante, ravie.

Le griot, lui, s'échauffait.

- Regardez ! Cinq parures en or, cinq ! Une pour chaque jour où elle sera chérie ! Une pour ses fiançailles, une pour son mariage, une pour sa première grossesse, une pour sa belle-mère, et une pour elle-même, parce qu'elle en vaut mille !

Des exclamations fusèrent. Une voisine se pencha vers la tante :

- On dirait un mariage princier !

Mais le griot n'avait pas fini. Il fit signe à deux jeunes de poser une carte sur une natte.

- Voici les papiers d'un terrain aux Almadies. Pas en rêve, non, en vrai ! Un terrain pour qu'un jour, Sarata puisse dire "c'est ici que je veux bâtir mon avenir !"

La tante se leva, la main sur la bouche.

- Almadies ? Waw, ce n'est pas petit, ça !

La mère de Sarata haussa un sourcil, sans rien dire. Son regard se porta sur la mère d'Abdoul Kabir, qui affichait un sourire satisfait.

Puis, enfin, le griot tendit une petite boîte.

- Et voici... le dernier cadeau. Une bague, mais pas une bague ordinaire. Une bague en diamant. Pour dire à Sarata : "tu es la lumière de ma vie. Que ce diamant brille comme ton sourire chaque matin."

Un silence plana. Tous les regards se tournèrent vers la boîte que la tante ouvrit avec soin. La bague scintilla à la lumière. La sœur de la mère de Sarata applaudit.

- C'est une dot digne de ce nom ! Que Dieu vous bénisse !

Mais la mère de Sarata, impassible, se leva alors, s'adressant calmement à la mère d'Abdoul Kabir.

- Vous avez fait ce que vous avez jugé bon. Je n'ai rien à dire sur l'or ou les terrains. Mais j'espère que votre fils saura respecter ma fille autant que vous l'honorez aujourd'hui.

La mère d'Abdoul Kabir répondit, sans perdre son sourire :

- Il le fera. C'est un mariage qui vaut de l'or pour nous. Après tout ce qu'il a traversé, Sarata est un cadeau pour mon fils. Un luxe.

Le griot intervint, pour détendre l'atmosphère :

- Et maintenant, chantons ! Que les tambours parlent, que les voix s'élèvent ! C'est la dot, c'est la fête, c'est l'honneur de deux familles qui se scellent !

Les tambours se mirent à battre plus fort. Les femmes se levèrent, certaines dansèrent, les youyous éclatèrent. Mais la mère de Sarata resta assise, regardant le diamant comme si, dans tout cet éclat, elle pressentait déjà des ombres.

****

Dans la chambre, le silence était presque religieux. Le rideau épais bloquait la lumière du jour. L'air était chaud, étouffant. Sarata était assise au bord du lit, la robe bien tirée sur ses jambes croisées. Elle avait entendu les tambours. Elle avait entendu le griot chanter. Elle avait reconnu sa voix. Chaque mot qui s'élevait dans la cour résonnait dans sa poitrine, comme un coup porté à ses certitudes. Puis il y avait eu des cris de surprise, des applaudissements, des exclamations... Tout cela pour elle.

La porte s'ouvrit doucement. C'était sa cousine, Khady, une jeune fille vive, toujours souriante, les yeux encore brillants de ce qu'elle avait vu dehors.

- Sarata ! chuchota-t-elle, comme si elle avait peur de déranger un esprit.

Sarata ne leva pas les yeux.

- Ils ont tout envoyé. La mère d'Abdoul Kabir..., elle n'est pas venue pour jouer. Elle a frappé fort.

Elle s'approcha et s'assit sur le lit, face à Sarata.

- Tu sais ce qu'ils ont apporté ? Hein ? Dix millions. En liquide. Ils ont sorti les billets comme on sort du pain. Un iPhone, dernier modèle. Des bijoux en or, pas de l'or pâle, non. Cinq parures. Et le terrain... aux Almadies ! AL-MA-DIES, Sarata !

Sarata ferma les yeux, ses doigts tremblaient légèrement sur ses genoux.

Khady sourit.

- Et quoi d'autre ? Une bague en diamant. Le griot a dit que c'était pour dire que tu es la lumière de sa vie. Il a chanté ça devant tout le monde. Ta tante a failli tomber dans les pommes tellement elle était émue. Maman a applaudi, même les voisines se sont levées. On n'a jamais vu ça ici. Même les mariages des enfants de ministres n'ont pas eu ce genre de dot !

Sarata tourna lentement la tête vers elle, les yeux rougis mais secs.

- Et ma mère ? Qu'a-t-elle dit ?

Khady hésita, baissa un peu la voix.

- Elle... elle est restée calme. Elle n'a pas applaudi. Elle a juste dit que... que ça ne suffisait pas pour garantir que tu seras bien traitée.

Un silence lourd tomba dans la pièce. Sarata se leva lentement, marcha vers le petit miroir accroché au mur. Elle y vit son visage, marqué par l'inquiétude. Elle y vit ses yeux, fatigués. Elle y vit cette même beauté dont on parlait tant, aujourd'hui mise aux enchères sans qu'elle ne dise un mot.

- Tout ce bruit... toute cette richesse... tout ça... c'est trop, ce n'est pas ce que j'aurais voulu, souffla-t-elle.

- Quoi ? répéta Khady, interloquée.

- Le Prophète, paix et salut sur lui, a dit que plus la dot est modeste, plus le mariage est béni. Il a aussi dit que le mariage le plus facile est celui qui coûte le moins. Dix millions ? Un terrain ? Un iPhone ? Où est la simplicité ? Où est la baraka ?

Khady recula légèrement, un peu surprise par la fermeté de la voix de sa cousine.

- Tu vas dire ça à ta mère ?

- Oui. Et je vais lui demander de ne garder que ce que la religion impose. Je ne veux pas que ce mariage commence dans l'ostentation. Ce n'est pas ce que j'ai appris, ni ce que je veux transmettre.

- Mais Sarata, tu ne peux pas refuser un tel cadeau... C'est ton droit ! Et ce n'est pas toi qui as exigé tout ça. C'est leur choix à eux.

Sarata secoua doucement la tête.

- Khady, même si ce n'est pas moi qui ai demandé, accepter ce genre de richesse, c'est l'approuver. Je ne veux pas que les gens pensent que je vaux un terrain ou une bague. Mon honneur n'a pas de prix matériel. J'aurais préféré une simple somme et un cœur sincère.

Khady se tut un instant. Puis, d'un ton plus posé, elle prit la main de Sarata.

- Je t'aime, Sarata. Et je respecte ta foi. Mais écoute-moi bien. Même si tu ne veux pas de tout ça, même si tu le refuses aujourd'hui, Personne ne rendra ces cadeaux. Tu les as gagnés. En tant que femme, en tant que croyante, en tant que fille droite. Ce n'est pas trop pour toi. Le Prophète, paix sur lui, a offert bien plus à Khadija, sa première épouse, et il l'aimait profondément.

Elle marqua une pause.

- Rien n'est trop grand pour une bonne fille, Sarata. Rien.

Sarata baissa les yeux, émue. Un léger silence s'installa, puis elle murmura :

- Je ne veux pas qu'on pense que j'ai été vendue à prix d'or.

- Et personne ne le pense. Mais tu mérites d'être honorée. Tu peux leur demander de ne pas faire de bruit avec ça. Mais ne rejette pas ce que Dieu t'a envoyé à travers eux. Peut-être que ce cadeau n'est pas que matériel. Peut-être que c'est aussi un signe de réparation. Un symbole.

Sarata soupira longuement, levant les yeux vers le plafond.

- Très bien. Je vais parler à ma mère. Je veux qu'elle sache que mon cœur ne s'attache pas à l'or. Mais si ce mariage est écrit, alors qu'il se fasse avec paix et humilité. Je suis prête à accepter ce que Dieu a décidé. Et je prierai pour que ce soit un bien pour nous deux.

Khady sourit doucement.

- Voilà la Sarata que j'aime. Digne, simple, et forte.

                         

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