Mariage Scandaleux
img img Mariage Scandaleux img Chapitre 1 Chapitre 1 : Deux mondes, deux routes
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Chapitre 7 Chapitre 7 : Le poids des conseils img
Chapitre 8 Chapitre 8 : – La yendu silencieuse img
Chapitre 9 Chapitre 9 : Le retour de Sarata - Ombres et doutes img
Chapitre 10 Chapitre 10 : Les tourments d'Abdoul Kabir - Ombres et lumières img
Chapitre 11 Chapitre 11 : Sarata et les préparatifs - Entre traditions et désirs img
Chapitre 12 Chapitre 12 : Premiers pas - Le voyage vers les îles du Saloum img
Chapitre 13 Chapitre 13 : – Chacun son monde img
Chapitre 14 Chapitre 14 : Le souffle court des jours lents img
Chapitre 15 Chapitre 15 : Ce que l'on ne dit pas img
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Mariage Scandaleux

Doufali
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Chapitre 1 Chapitre 1 : Deux mondes, deux routes

Le cuir souple de ses mocassins épousait ses pas avec une précision presque arrogante. La montre suisse à son poignet clignotait doucement, reflet discret de son obsession du temps. Pas pour le gaspiller - pour le dominer. Abdoul Kabir Fall était déjà dans sa journée depuis cinq heures du matin.

Café noir. Pas de sucre. Deux écrans allumés devant lui, l'un affichant les chiffres des stocks, l'autre les messages codés de ses associés. La ville dormait encore. Lui, il signait des contrats. Il avait appris très jeune que la vie n'offrait rien. Qu'il fallait la forcer à plier. Alors il avait plié le monde à sa volonté. À trente-cinq ans, il dirigeait l'un des plus gros réseaux d'import-export du pays. Tout passait par ses entrepôts. Rien n'y entrait sans qu'il le sache. Et si quelqu'un tentait de le doubler, il apprenait vite pourquoi Abdoul Kabir Fall était craint autant qu'admiré.

- On enchaîne, Barkhane, disait-il en jetant un regard à son directeur logistique. Tu m'appelles ce type en France. Qu'il me débloque le conteneur. Aujourd'hui. Pas demain.

Il n'élevait jamais la voix. Il n'en avait pas besoin. Le ton suffisait. Net. Glacial. Précis. À midi, il sortait parfois de ses bureaux. Un déjeuner d'affaires, un sourire bien placé, un mot juste qui ouvrait toutes les portes. Les autres s'inclinaient. Même ceux qui le jalousaient.

Mais une fois la nuit tombée... il changeait de peau.

Costume tombé. Chemise ouverte. Verre à la main. Musique dans les oreilles. Pas de règles. Pas de chaînes. Des amis bruyants, des filles parfumées, des rires étouffés dans le cuir des banquettes.

Ce n'était pas une double vie. C'était sa vie. Parce qu'il ne devait rien à personne. Parce qu'il pouvait se le permettre.

- Frère, tu vas finir par te caser, lançait son ami Sylvain, entre deux gorgées de vin. Tu ne fatigues pas ?

- La seule chose qui me fatigue, c'est la routine, avait répondu Abdoul Kabir, en fixant la lumière bleue du club. Et le mariage, c'est la routine déguisée en devoir.

Il avait souri. Mais un sourire sans attache. Comme tout ce qui l'entourait.

Pendant ce temps, de l'autre côté de la ville...

Le bruit de l'eau qu'elle versait pour ses ablutions avait toujours quelque chose de sacré. Une paix douce qui traversait l'air du matin. Sarata se leva du tapis de prière, les yeux encore humides d'invocations. Le Fajr, c'était son départ. Son ancrage.

Elle ne parlait pas beaucoup. Elle n'aimait pas les bavardages inutiles. Chaque mot, pour elle, avait un poids. Et chaque silence, une vertu.

Elle noua son voile, réajusta son boubou repassé la veille, et sortit dans la petite cour. Les oiseaux commençaient à chanter. Elle sourit en les écoutant, comme à chaque aube. Elle avait appris à remercier Dieu pour les choses simples. Un bol de bouillie chaud. Un élève qui s'applique. Un sourire offert sans raison.

Vers sept heures, elle quittait la maison pour rejoindre l'école franco-arabe du quartier. Elle y enseignait l'arabe, avec cette rigueur douce qui la caractérisait. Dans sa classe, pas de cris. Juste la voix posée de Sarata, les pages tournées, et les efforts discrets de ses élèves.

• Mademoiselle Sarata, est-ce qu'on peut copier sur le tableau ?

• Oui bien sûr, répondait-elle souvent avec un sourire mystérieux.

Elle ne cherchait ni louanges ni regards. Mais dans la cour de l'école, les enfants la suivaient des yeux comme on suit une étoile.

À la pause, elle lisait, assise à l'ombre d'un manguier. Coran, hadiths, ouvrages d'exégèse, parfois un poème en arabe classique qu'elle gravait dans son carnet. Elle notait aussi ses réflexions, des pensées brèves, éclairantes, comme des éclats d'âme. Le soir venu, elle rentrait. Elle priait. Elle cousait un peu, dans sa pièce-atelier rangée avec soin. Elle priait encore.

Ses parents, fiers d'elle, n'en disaient pas trop. Mais dans leurs yeux, elle lisait un espoir discret : qu'un jour, un homme pieux la remarque. Qu'il sache lire la lumière derrière la pudeur. Elle ne disait rien.

Elle avait confiance en Dieu. Et elle ignorait encore qu'un jour, son destin croiserait celui d'un homme qui vivait la nuit comme elle vivait la lumière...

            
            

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