/0/24111/coverbig.jpg?v=d9252fdb01e1290ebab8226b755aa321)
Chapitre 4
Secrets murmurés
Le soleil se leva lentement sur la ville brisée, peignant d'or les ruines qu'il n'arrivait plus à réchauffer.
Serena se tenait là, à la fenêtre de sa chambre, les yeux fixés sur l'horizon gris, perdu dans ses pensées.
La pluie s'était arrêtée, mais quelque chose en elle restait encore humide, comme une promesse non tenue.
Les événements de la veille tournaient dans sa tête sans fin. Lysandre. Ses mots. Le regard qu'il lui avait donné.
Elle aurait dû être en colère. Elle aurait dû se méfier de ce loup, comme tout le monde lui avait appris à le faire.
Mais... quelque chose en elle refusait de l'y contraindre.
Elle se retourna lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit lentement.
Sa mère, froide et distante, entra sans un mot, comme si sa présence n'avait pas besoin d'être annoncée.
Elle déposa un petit panier de fruits sur le bureau, puis s'arrêta devant Serena. Son regard sévère, comme toujours, cherchait à lire dans ses yeux.
- Tu es bien silencieuse ce matin, dit-elle d'une voix qui n'appelait aucune réponse.
Serena baissa les yeux, fuyant cette analyse implacable. Elle savait ce qu'on attendait d'elle.
Être la fille du Parrain. Obéir sans poser de questions. Ne jamais faillir.
Mais aujourd'hui, c'était différent.
Aujourd'hui, un secret grandissait en elle. Un secret qu'elle n'avait pas l'intention de confier à qui que ce soit, pas même à sa mère.
- Je suis fatiguée, répondit-elle finalement.
Un mensonge. Mais un mensonge qu'elle savait parfaitement maîtriser.
Sa mère le savait aussi. Elle le comprit instantanément, mais ne fit aucun commentaire.
Elle se tourna vers la porte, sans un mot de plus, et Serena attendit qu'elle disparaisse, avant de lâcher un long soupir.
Il n'y avait pas de place pour les faiblesses dans cette maison. Pas de place pour les doutes. Et encore moins pour l'amour.
Serena se tourna une dernière fois vers la fenêtre, le cœur lourd.
La promesse qu'elle s'était faite la veille, de choisir son propre chemin, devenait de plus en plus difficile à tenir.
Un chemin semé d'obstacles. Un chemin qui la mettrait inévitablement face à son père. Face à la guerre. Et face à Lysandre.
Elle se leva soudainement, un éclair de décision traversant son esprit.
Elle ne pouvait pas rester là à attendre que les choses se passent.
Elle devait agir.
Elle devait voir Lysandre à nouveau.
Elle quitta sa chambre en silence, glissant discrètement dans les couloirs sombres de la maison.
Les servants étaient occupés, et personne ne remarqua sa sortie. Elle se faufila hors de la maison, sous l'ombre des arbres, sans se retourner.
La ville était encore calme à cette heure, presque paisible, mais Serena savait que la guerre n'était jamais loin.
Elle se rendit à l'endroit qu'elle avait vu la veille, là où Lysandre avait disparu.
Elle se perdit dans les ruelles, marchant sans but, jusqu'à ce qu'un cri perça le silence.
Un cri étrange, presque humain, mais pas tout à fait. Serena se figea, écoutant avec attention.
C'était un hurlement.
Un hurlement de loup.
Son cœur se serra dans sa poitrine. Elle s'élança dans la direction du cri, poussée par une force qu'elle ne comprenait pas.
Elle arriva près d'un vieux bâtiment abandonné, son souffle saccadé par la course.
Lysandre était là, à l'entrée de l'immeuble, les yeux fixés sur elle.
Il ne semblait pas surpris de la voir.
- Tu es revenue, dit-il simplement, sa voix douce mais emplie d'une étrange autorité.
Serena, haletante, s'arrêta devant lui.
- Pourquoi ? souffla-t-elle. Pourquoi est-ce que tu m'appelles ? Pourquoi moi ?
Lysandre la regarda longuement, comme s'il cherchait une réponse dans ses yeux.
Il s'approcha lentement, sa silhouette se découpant dans la lumière pâle du matin.
- Parce que tu n'es pas comme eux, répondit-il enfin, d'une voix qui portait une sagesse ancienne.
Tu te caches derrière des mensonges, mais je sais que tu es plus que ce qu'ils veulent que tu sois.
Serena sentit un frisson parcourir son dos.
Elle baissa la tête, incapable de soutenir son regard plus longtemps.
- Je ne peux pas t'aider, Lysandre, murmura-t-elle, la voix tremblante. Je suis... je suis prisonnière de ce qu'ils veulent de moi.
Lysandre s'avança encore, jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'à quelques centimètres d'elle.
Il tendit la main, effleurant doucement sa joue, comme une caresse douce et inexplicable.
- Tu n'es pas prisonnière, Serena. Pas encore. Mais tu dois choisir. Choisir ce que tu veux devenir. Ce que tu veux vraiment.
Elle ferma les yeux sous son touché.
Il avait raison. Elle était prisonnière. Prisonnière de son nom, de sa famille, de son passé.
Mais les mots de Lysandre, simples, mais puissants, lui donnèrent un peu de courage.
Peut-être qu'elle pouvait choisir une autre route. Peut-être qu'il y avait encore une chance.
- Je reviendrai, dit-elle d'une voix presque inaudible. Je reviendrai quand je serai prête.
Lysandre sourit légèrement, comme s'il savait qu'elle n'en avait pas fini avec lui.
- Alors attends-moi, Serena. Parce que je reviendrai aussi.