Chapitre 5 Amour sauvage, Sang maudit

Chapitre 5

Premiers liens

La journée passa lentement, comme un rêve brumeux dont on ne pouvait se réveiller. Serena ne pouvait chasser de son esprit la scène qu'elle avait vécue ce matin. Lysandre. Ses mots. Le doux frisson qui l'avait envahie sous sa simple caresse.

Elle se surprit à repenser à la promesse qu'elle lui avait faite.

Elle reviendrait. Mais quand ? Et surtout... comment ?

Elle n'avait aucune idée de ce que cela impliquait.

Les ruelles de la ville semblaient désormais étroites, les murs plus hauts, comme pour l'enfermer davantage dans sa propre cage.

Elle se sentait comme un oiseau qui a vu le ciel mais qui, pour l'instant, ne peut encore s'envoler.

Le soir arriva trop vite, et avec lui, le retour de son père.

Ce dernier n'eut même pas un regard pour elle à son arrivée. Il s'assit à son bureau, signant des papiers, sa concentration totale sur les affaires de la guerre. Serena resta dans l'ombre, comme une ombre elle-même.

Elle aurait voulu disparaître. Être ailleurs. Mais le destin semblait avoir d'autres plans pour elle.

Les jours suivants se succédèrent sans changement, mais Serena sentait qu'un lien invisible, tissé entre elle et Lysandre, se renforçait chaque fois qu'elle fermait les yeux.

Elle repensait aux moments passés ensemble, à la façon dont il la regardait, à la douceur de sa voix, et à l'inquiétude qu'elle ressentait lorsqu'il disait qu'il reviendrait.

Pourquoi lui ? Pourquoi elle ?

Tout semblait compliqué. Trop compliqué.

Un soir, alors qu'elle se rendait discrètement au jardin pour réfléchir, elle aperçut une silhouette familière à travers les haies. Un frisson parcourut son corps.

Lysandre était là, appuyé contre un arbre, les yeux fixés sur elle. La surprise la saisit au moment même où ses yeux croisèrent les siens.

- Tu m'as suivie, murmura Serena, un peu trop brusque.

Lysandre sourit, un sourire calme et rassurant.

- Pas tout à fait, dit-il d'une voix douce. J'étais juste... là.

Elle le regarda, essayant de comprendre comment il pouvait être aussi calme dans un monde aussi chaotique.

Comment pouvait-il se tenir ainsi, dans cette nuit silencieuse, sans crainte d'être vu, de se faire capturer par son père ou par ses soldats ?

- Pourquoi tu ne fuis pas ? demanda-t-elle. Pourquoi rester ici, dans ce danger ?

Elle se sentait perdue dans ses propres questions.

Lysandre s'avança légèrement, s'appuyant contre l'arbre de plus près, son regard plongé dans le sien.

- Parce que ce monde, ce monde de haine, ne te permettra jamais de fuir, Serena.

Il y a des chaînes invisibles qui nous retiennent tous, mais parfois, c'est en les brisant que l'on trouve la liberté. Même si ça fait mal. Même si ça semble impossible.

Elle déglutit difficilement. Elle savait qu'il avait raison. Ses chaînes étaient invisibles, mais terriblement réelles.

- Tu crois que je peux m'échapper ? demanda-t-elle, d'un ton qui trahissait ses doutes.

Lysandre ne répondit pas tout de suite. Il sembla réfléchir, comme s'il pesait chaque mot avant de parler.

- Tu n'es pas prisonnière, Serena. Pas encore. Mais tu dois y croire. Il y a toujours un moyen. Mais cela nécessite du courage. Plus que tout.

Elle resta là, silencieuse, observant les étoiles qui commençaient à se lever dans le ciel nocturne.

Elle n'avait jamais cru en l'idée d'une issue. Pas dans son monde. Pas dans cette guerre.

Mais la force tranquille de Lysandre, sa certitude, fit naître une petite étincelle d'espoir en elle.

Elle tendit la main, hésitante.

Lysandre la prit dans la sienne sans un mot. Ce geste simple mais puissant créa un lien, aussi fragile qu'une promesse, mais aussi fort que le vent qui soufflait entre les arbres.

- Je reviendrai, Serena, dit-il finalement, les yeux toujours plongés dans les siens.

Elle hocha doucement la tête, un sentiment nouveau envahissant son cœur. Un sentiment qu'elle ne pouvait encore identifier.

L'amour, la rébellion, ou un simple désir de trouver une échappatoire.

Elle n'en savait rien. Mais elle savait que, dans ce moment, quelque chose venait de changer.

- Nous nous retrouverons, répéta-t-il. Quand tu seras prête. Et quand ce monde sera prêt à nous entendre.

Serena ne répondit pas. Elle n'avait pas besoin de mots. Ils se comprenaient. La promesse était là, dans l'air froid de la nuit.

Elle avait l'impression que quelque chose d'indéfinissable se tissait entre eux, plus fort que tout ce qui les séparait.

Lysandre la relâcha enfin, se reculant dans l'ombre, son regard ne quittant pas le sien.

- N'oublie pas, Serena, dit-il avant de disparaître dans l'obscurité.

Tu n'es pas seule.

Serena se tint là, encore quelques instants, les yeux fixés sur le vide où il s'était évanoui.

Ses doigts frémissaient, comme si le contact avec lui la marquait encore. Ce n'était qu'un simple geste, mais cela avait suffi pour faire naître en elle un désir irrépressible de tout changer.

Elle tourna lentement les talons, son cœur battant fort, rempli d'un mélange de doute et de certitude.

Elle savait maintenant que son destin n'était pas tracé. Que son histoire, peut-être même celle du monde, se jouerait dans les choix qu'elle ferait.

Mais pour la première fois depuis longtemps, elle savait aussi qu'elle ne serait plus jamais seule.