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Elara se faufila à travers les troncs d'arbres tordus et les buissons épais, chaque pas la menant plus profondément dans la forêt. Le cri désespéré résonnait à ses oreilles comme un écho insistant, se mêlant au bruissement des feuilles et aux murmures incompréhensibles des racines sous ses pieds. C'était une douleur palpable, une urgence qui brisait la tranquillité apparente de la forêt. Sa respiration s'accéléra, son cœur battant à toute vitesse, mais une étrange tranquillité s'empara de son esprit. La forêt, malgré son mystère, semblait la guider.
C'était comme si chaque branche, chaque racine savait exactement où elle devait aller.
Au fur et à mesure qu'elle avançait, les bruits du monde extérieur semblaient se dissoudre dans une mer d'échos, comme si l'air même de la forêt se changeait en une substance épaisse. Le cri s'intensifia, se déchirant à travers l'air dense, et elle accéléra le pas, suivant ce son qui l'appelait à l'aide, comme si c'était son propre cri.
Puis elle aperçut une silhouette au loin, à peine visible dans la demi-lumière du crépuscule. Une forme floue, dissimulée par l'ombre des arbres. Elara s'approcha prudemment, ses mouvements fluides, presque furtifs, tandis qu'une brume légère commençait à se lever du sol, enveloppant ses pieds et montant jusqu'à ses genoux.
La silhouette se redressa lentement, luttant contre quelque chose. Un éclat de métal brilla brièvement dans l'obscurité, un reflet métallique, avant qu'une voix tremblante ne se fasse entendre.
"Elara..."
Elle s'arrêta, la reconnaissance frappant son cœur comme une cloche de fer. La voix n'était pas inconnue. C'était celle de Ricardo, l'homme qu'elle avait vu quelques jours plus tôt, celui qui l'avait aidée lors du massacre de son village. Celui qui semblait être à la fois un allié et un ennemi. Un regard rapide suffit à confirmer sa présence : il était allongé à moitié au sol, une profonde entaille déchirant son côté, le sang s'écoulant lentement dans l'herbe humide. Ses yeux, perçants et pleins de détresse, se fixèrent sur elle.
"Je savais que tu viendrais," murmura-t-il, sa voix faible mais résolue. "La forêt... elle t'a trouvée."
Elara s'agenouilla près de lui, son regard balayant rapidement ses blessures. L'entaille était profonde, mais pas mortelle. Elle avait vu des blessures bien pires. Elle n'eut pas besoin de réfléchir avant de poser sa main sur la plaie, et immédiatement une chaleur douce se diffusa de ses doigts, s'enfonçant dans la peau de Ricardo. Ses pouvoirs se réveillaient à chaque instant, se renforçaient à chaque contact avec la terre, et à cet instant, elle savait que ses mains pouvaient guérir. Mais cette fois, quelque chose de plus grand s'éveillait en elle, quelque chose de plus dangereux.
"Ricardo, qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi as-tu... cherché la forêt ?" demanda-t-elle, sa voix teintée de confusion et d'inquiétude. Il avait dit des choses, des paroles cryptiques qui la hantaient, sur la magie ancienne et la forêt vivante. Mais pourquoi était-il ici, seul, dans une telle douleur ?
Ricardo sourit faiblement, mais la douleur marquait encore ses traits. "Je suis venu... parce que je ne pouvais pas rester à l'écart. La forêt appelle tous ceux qui ont du pouvoir, ceux qui portent un fardeau... et toi, Elara, tu portes plus qu'un fardeau. Tu es la clé." Il toussa violemment, sa main se posant sur sa blessure. "Mais ce n'est pas la forêt qui te cherchait, c'est toi qui l'as attirée. La graine que tu portes... Elle est plus ancienne que tout ça."
Elara se sentit soudainement étrangement vide, comme si une partie d'elle venait de se dérober sous ses pieds. Elle avait toujours su que la forêt l'appelait, mais cette révélation, cet avertissement, la poussait dans une direction qu'elle n'était pas prête à prendre.
"La graine... est-ce ça qui m'a... sauvée ?" Elle savait qu'elle avait une part de magie en elle, mais cette graine qu'elle avait découverte, enfouie profondément dans son corps, n'avait jamais cessé de la hanter.
Ricardo hocha lentement la tête. "Oui. C'est elle. Mais elle n'est pas là pour te protéger, Elara. Elle est là pour te détruire... ou te transformer en quelque chose que même la forêt ne pourra plus contrôler."
Le poids de ses mots s'abattit sur elle. La forêt, la graine, ce pouvoir qu'elle ne comprenait pas pleinement... tout cela n'était pas juste une bénédiction. C'était un piège. Un piège qui l'enfermait, comme un fardeau qu'elle ne pouvait ignorer.
Le vent se leva alors, plus fort, une brise sauvage qui fit trembler les arbres autour d'eux. Un frisson parcourut la peau d'Elara, comme si la forêt elle-même réagissait à la révélation. Elle avait l'impression que chaque arbre, chaque racine, observait cette rencontre. Elle se releva lentement, son regard fixé sur Ricardo. Elle savait qu'il ne lui dirait plus rien pour l'instant. Ses paroles étaient des fragments d'un puzzle trop grand pour elle, trop effrayant pour être totalement compris.
"Tu dois aller plus loin," dit-il soudain, sa voix se faisant plus faible, comme si l'énergie qui le maintenait en vie s'étiolait à chaque instant. "Il y a des secrets dans cette forêt, Elara... des secrets que tu ne peux ignorer. Mais sois prudente. Ils ne te donneront pas la vérité sans te demander un prix."
Elara le regarda une dernière fois, avant de se détourner. Le vent soufflait à ses oreilles, emportant avec lui les dernières paroles de Ricardo. La forêt l'appelait. Et elle savait, au fond de son cœur, qu'elle ne pourrait jamais lui échapper.
La brume s'épaissit autour d'Elara, l'enveloppant dans une étreinte froide et lourde. Elle n'avait plus le temps de réfléchir. L'ombre de Ricardo, allongé sur le sol, se dissipa lentement alors qu'elle s'éloignait, une partie d'elle partagée entre l'envie de l'aider et la nécessité de poursuivre sa quête. La forêt, vivante et palpitante autour d'elle, semblait se replier en elle-même, comme une mer de feuilles chuchotant des secrets qu'elle ne pouvait entendre, encore trop jeune pour comprendre.
Ses pas, lourds et résolus, la guidèrent plus loin, là où les arbres devenaient plus vieux, plus tordus. Chaque tronçon du bois semblait suinter une énergie ancienne et toute-puissante. Les racines, épaisses et rugueuses comme des veines de pierre, se tordaient sous ses pieds, offrant un chemin dangereux mais inévitable. La forêt s'approfondissait, se transformant en un labyrinthe vivant de silence et de murmures étouffés.
Elara s'arrêta un instant, fermant les yeux, concentrée sur le ressenti de l'air autour d'elle. Un changement subtil, imperceptible pour un simple mortel, mais si évident pour elle maintenant. Elle sentait la magie s'intensifier à chaque pas, vibrer à travers la terre, remonter dans ses veines. La graine qui dormait en elle était éveillée, pulsant d'une vie propre, réagissant à l'énergie environnante. La forêt répondait à sa présence, comme un serpent qui se réveille au contact du sol, comme un volcan qui menace d'entrer en éruption.
Elle se força à avancer, repoussant la peur qui montait en elle. Il n'y avait pas de retour en arrière. Les paroles de Ricardo résonnaient dans son esprit, lourdes de sens : La forêt t'a trouvée, mais tu ne peux pas la contrôler. Pas encore.
Alors qu'elle s'enfonçait dans le cœur de la forêt, un sentiment étrange s'empara d'elle. C'était comme si quelque chose ou quelqu'un l'observait, une présence invisible mais palpable. Son souffle se fit plus court, son cœur battant plus fort à chaque pas. Elle s'arrêta soudainement, ses yeux s'écarquillant en fixant une silhouette sombre se détachant dans l'ombre. Un homme, grand, imposant, vêtu de cuir noir, se tenait là, juste au bord de la clairière. Il ne bougeait pas, mais ses yeux, d'un bleu glacial, la transperçaient, l'analysant avec une intensité glaciale.
Elara sentit un frisson la parcourir. Elle ne le connaissait pas, mais il semblait étrangement familier, comme si elle l'avait déjà croisé dans un autre temps, dans un autre rêve. Il sourit lentement, un sourire presque imperceptible, mais qui suffisait à faire grimper la tension dans l'air.
"Alors, te voilà enfin, Elara," dit-il d'une voix profonde et rauque, mais calme, presque invitante.
Elle recula instinctivement d'un pas. Le vent se leva brusquement, envoyant des tourments de feuilles autour d'eux. "Qui êtes-vous ?" sa voix tremblait légèrement, trahissant la surprise qui l'avait secouée. La question semblait inutile, mais quelque chose en lui, une aura qu'elle ne pouvait expliquer, l'intriguait profondément.
L'homme ne répondit pas immédiatement. Il avança lentement, chaque mouvement mesuré, comme une danse, comme s'il ne faisait qu'un avec la forêt elle-même. "Je suis un messager, comme beaucoup d'autres dans ce monde. Mais celui que tu attends, Elara, est bien plus complexe." Ses yeux se plissèrent. "Tu recherches des réponses. La forêt, la graine... elles t'ont appelée, mais elles ont un prix."
Elara s'efforça de ne pas montrer sa confusion. "Je ne comprends pas ce que vous voulez dire."
Le sourire du mystérieux homme se fit plus large, comme s'il goûtait à un secret qu'il était sur le point de dévoiler. "Tu veux savoir pourquoi la forêt t'a choisie. Mais vois-tu, Elara, la forêt ne choisit pas. Elle t'a simplement trouvée, comme elle a trouvé tant d'autres avant toi. Mais toi, tu n'es pas comme eux. Tu es différente. Ce pouvoir que tu portes en toi... il est plus grand que tout ce que tu imagines."
Elara sentit une montée d'appréhension. Elle secoua légèrement la tête. "Je ne veux pas de ce pouvoir. Je veux juste comprendre ce qui s'est passé, pourquoi ma famille..."
"Ta famille," dit-il en la coupant d'un geste de la main, "n'était qu'une des nombreuses victimes d'une guerre bien plus ancienne que tu ne pourrais l'imaginer. Et toi, Elara, tu es au centre de cette guerre, même si tu n'as pas encore choisi de quel côté tu seras."
Les mots de l'homme s'insinuèrent en elle, s'enroulant autour de son esprit comme des racines invisibles. "Je... je n'ai pas choisi," répondit-elle d'une voix presque inaudible. "Je suis juste... moi."
L'homme la fixa longuement, ses yeux brillants de cette lueur glaciale qui ne quittait pas son regard. "Ce n'est pas toi qui choisis, Elara. C'est la forêt, c'est le pouvoir que tu portes. Et ce pouvoir... il ne laissera personne l'ignorer." Il fit une pause, comme pour laisser ses mots s'imprégner dans l'air. "Il te conduira à des décisions que tu n'es pas prête à prendre. Mais n'aie crainte. Tout est écrit dans les racines de cette terre."
Avant qu'Elara n'ait pu répondre, l'homme fit un geste vague, et dans un éclat de lumière, il se fondit dans l'ombre, disparaissant aussi soudainement qu'il était apparu.
Le silence s'abattit sur la clairière, lourd et oppressant. Elara resta là, figée, les battements de son cœur résonnant dans ses oreilles. Qui était cet homme ? Pourquoi lui disait-il cela ? La forêt... la graine... le pouvoir qu'elle portait en elle... chaque instant passé dans cet endroit semblait la plonger plus profondément dans un abîme qu'elle ne comprenait pas, mais dont elle savait qu'elle ne pourrait jamais sortir.