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Elara se leva lentement, ses jambes tremblantes, et regarda autour d'elle. La forêt semblait différente maintenant, plus vivante, plus présente. Les arbres, autrefois immobiles, paraissaient presque respirer, leurs branches s'étendant vers elle comme des bras tendus dans une étreinte invisible. Le sol, bien qu'encore humide de la pluie de la veille, semblait vibrant sous ses pieds, comme si la terre elle-même palpitait à chaque battement de son cœur.
Elle prit une profonde inspiration, essayant de calmer la confusion qui bouillonnait dans son esprit. La douleur dans ses bras, là où les racines l'avaient enserrée, persistait, mais elle n'était plus qu'une gêne, une sensation étrange qui l'ancrait dans la réalité. Quelque chose venait de se passer, quelque chose d'inédit. La forêt, la magie, la graine... tout cela faisait partie d'elle maintenant.
Les murmures revenaient, plus faibles mais toujours présents, comme un bourdonnement dans l'air. Ils n'étaient plus un cri de terreur ou une alerte effrayante, mais une sorte de chant doux, d'invitation. Elara se sentit poussée à avancer, à suivre le rythme de la forêt, guidée par des voix qu'elle ne pouvait comprendre, mais qui semblaient l'accepter, la comprendre.
Elle marcha d'un pas assuré, ses pensées toujours en mouvement, mais un peu plus claires qu'avant. La forêt l'avait appelée, mais ce n'était pas seulement la forêt. Quelque chose de plus profond, plus ancien, semblait vouloir lui révéler un secret enfoui sous des couches de brume et de terre.
Elle s'arrêta à un carrefour, où deux sentiers se séparaient, l'un s'enfonçant profondément dans une zone d'ombre où la lumière du jour n'atteignait presque jamais, l'autre montant légèrement, comme s'il cherchait à la guider vers un sommet. Elle posa une main contre un arbre, sentant l'écorce rugueuse sous ses doigts. La forêt semblait la regarder, elle en était presque sûre.
Un murmure plus distinct se fit entendre, tout proche. "Là," dit la voix, douce, presque chantante. "Là où l'ombre rencontre la lumière. Là se trouve ton destin."
Elara prit une grande inspiration et choisit le sentier montant. Il n'y avait pas de raison logique pour cette décision, mais une certitude indéfinissable, une intuition qu'elle n'aurait pu expliquer. Elle savait, au fond d'elle, que c'était le bon chemin.
Les arbres étaient de plus en plus espacés à mesure qu'elle montait, et la lumière du jour, bien que faible à cause des nuages menaçants, semblait plus présente ici, comme si la forêt l'avait laissée respirer. Elle continua son ascension, son corps réagissant à la poussée du vent qui soufflait légèrement entre les troncs, ses sens aiguisés par la magie qu'elle portait désormais en elle.
Après quelques heures de marche, Elara arriva à un sommet. Là, au milieu d'une clairière, se trouvait un immense rocher, recouvert de mousse et de lichen, une surface sombre, presque noire. Autour de lui, des racines épaisses serpentaient, s'entrelacsant comme un piège végétal. Ce rocher semblait... vivant, d'une manière qui échappait à la logique.
Elle s'approcha lentement, chaque pas résonnant dans le silence lourd qui régnait autour d'elle. Le sol sous ses pieds vibrait doucement, et les murmures, bien que toujours distants, se faisaient plus pressants, plus exigeants. Elle posa ses mains sur le rocher, et à l'instant où elle entra en contact avec la surface rugueuse, une décharge d'énergie pure traversa son corps, la secouant jusqu'aux os.
Les racines autour du rocher se tendirent soudainement, comme des bras qui cherchaient à l'attraper, à la retenir. Un éclat de lumière émana du rocher, aveuglant Elara, et elle sentit sa vision se brouiller, comme si une force invisible cherchait à lui montrer quelque chose. Un endroit, un moment, un événement. Elle vit des flashs. La forêt. Des visages. Un feu. Un cri.
Elle s'effondra à genoux, le souffle court. L'image d'un homme, grand, sombre, les yeux brûlants, se superposa à celle de la forêt, en flammes. Un autre cri, plus proche cette fois, comme une plainte désespérée, un avertissement.
"Ne laisse pas les ténèbres dévorer la lumière," dit une voix, plus claire que toutes les autres.
Le rocher trembla sous ses mains, et les racines se retirèrent aussi soudainement qu'elles étaient apparues. Un silence lourd s'installa, et une tension palpable s'éteignit dans l'air, comme si un poids invisible venait d'être levé. Elara, épuisée, restait agenouillée, essayant de retrouver son souffle, ses yeux toujours fixés sur le rocher, qui maintenant ne dégageait plus aucune lumière. Il était devenu simplement un rocher, froid et inerte.
La vision s'estompa progressivement, et la sensation d'être observée, de faire partie de quelque chose de plus grand, de plus ancien, se dissipa lentement. Pourtant, quelque chose d'indéfinissable restait. Elle avait vu la vérité, ou du moins une partie d'elle. La forêt l'avait choisie. Elle ne pouvait plus ignorer cette vérité.
En se levant, ses jambes tremblantes sous elle, Elara se sentit plus connectée que jamais à cet endroit, à ce pouvoir qui bouillonnait sous la surface de la terre. Elle ne savait pas ce que cela signifiait encore, ni où cela la mènerait, mais une chose était certaine : la forêt ne lui offrirait jamais de réponses faciles. Et elle, Elara, ne pourrait plus jamais se détourner de ce chemin.
Elara resta immobile, le regard fixé sur le rocher, les mains toujours légèrement crispées sur ses genoux. La forêt autour d'elle, d'un silence inquiétant, semblait l'observer en retour, comme si ses arbres avaient pris conscience de sa présence. L'air était plus lourd, saturé d'une énergie qu'elle ne comprenait pas entièrement. Ses poumons se remplissaient de la fraîcheur humide du sol, et pourtant, une chaleur étrange commençait à bouillonner en elle, une chaleur qui ne venait pas de l'extérieur mais du cœur même de la forêt.
Elle ferma les yeux, laissant l'obscurité apaiser ses pensées tourmentées. Des fragments de visions continuèrent à s'imprimer dans son esprit, comme des éclats d'un rêve que l'on n'arrive pas à saisir complètement. La silhouette de l'homme qu'elle avait vu, cette créature de l'ombre aux yeux incandescent, revenait constamment. Il lui semblait tellement familier, mais elle ne parvenait pas à en saisir l'essence. Un froid glacé la traversa, et la forêt, elle, continuait de murmurer, comme si la réponse se trouvait juste au-delà du voile de la conscience.
Elle se leva finalement, poussée par une force qui ne lui appartenait pas entièrement. Ses pieds, nus et légèrement blessés par les pierres du sentier, la menèrent de manière presque instinctive, sans réflexion consciente, vers une partie encore plus dense de la forêt. Le sentier semblait se former sous ses pas, comme si les racines et les troncs se déplaçaient pour l'accompagner, ouvrant une voie qu'elle n'avait jamais vue auparavant.
Le vent souffla alors, mais ce n'était pas un vent ordinaire. Il portait une chaleur humide, une chaleur qu'elle n'avait jamais ressentie dans cette forêt habituellement fraîche et distante. C'était comme si la terre elle-même devenait vivante, s'éveillait autour d'elle. Une sensation de vertige l'envahit, une prise de conscience lente et inéluctable : la forêt était bien plus que ce qu'elle pensait. Elle n'était pas simplement un endroit sauvage et ancien, elle était un être vivant, respirant, qui agissait à travers chaque arbre, chaque racine, chaque feuille.
Elle s'arrêta un instant pour observer un arbre gigantesque, ses racines profondément ancrées dans le sol, montant en spirales autour du tronc comme des bras tendus. En s'approchant de lui, elle sentit un courant électrique traverser son corps. Sa vision se troubla une nouvelle fois, et cette fois, elle eut l'impression de voir au-delà de la surface. Le tronc, qui semblait solide et figé, se mit à onduler lentement, comme une mer calme au crépuscule. Un murmure bas, presque inaudible, s'éleva des profondeurs de la forêt.
"Écoute... écoute."
La voix résonnait dans sa tête, en elle, mais aussi autour d'elle. Ce n'était pas simplement un son, mais une vibration, une onde qui se propageait dans l'air et dans la terre, une invitation à comprendre. Elara ferma les yeux et s'agenouilla devant l'arbre. Le murmure, bien qu'indistinct, semblait percer la barrière de sa conscience.
Elle tendit la main, touchant lentement l'écorce rugueuse de l'arbre, ressentant le pouvoir brut qu'il émettait. À ce moment précis, une image frappante lui traversa l'esprit. Une grande bataille, des guerriers en armure, une forêt en flammes, des hommes et des créatures qui se battaient sans relâche. Le même homme, l'homme aux yeux brûlants, se battait au milieu de la scène, un sourire sinistre aux lèvres. Il levait la main, et la forêt semblait se tordre sous son pouvoir. Des racines brisées, des arbres tombés, la terre s'élevant contre ses ennemis. Mais au loin, une silhouette se dressait, une lumière éclatante.
Elara sursauta. La vision disparut aussi brusquement qu'elle était apparue, mais l'image de la lumière persistait, éclatante et pure, contrastant avec la violence de la scène.
"Tu as vu..." chuchota une nouvelle voix, différente cette fois, plus grave. "Tu dois choisir. La lumière ou l'obscurité. L'ombre te guidera, mais la lumière... elle te sauvera."
Elle ouvrit les yeux, son souffle court. La forêt autour d'elle s'était apaisée, comme si la vision elle-même avait modifié son atmosphère. Elle se leva, se sentant soudainement plus légère, plus consciente, comme si la forêt avait partagé un secret avec elle. Ce secret, elle n'était pas prête à l'entendre complètement, mais elle savait qu'elle était sur le point de découvrir quelque chose de terrifiant, quelque chose qui la lierait indéfiniment à cet endroit.
À ce moment-là, un cri perça le silence. Un cri humain, faible, désespéré. Il venait de la direction où elle se trouvait, mais plus loin, à l'intérieur des ombres de la forêt. Le cœur d'Elara se serra, et sans réfléchir, elle se mit à courir dans cette direction. Les branches semblaient se séparer devant elle, lui offrant un chemin rapide, comme si la forêt elle-même l'aidait à avancer.
Elle n'avait pas le temps de réfléchir. Quelqu'un, ou quelque chose, avait besoin d'elle.
Les cris continuèrent, de plus en plus forts, et Elara sentit la pression dans sa poitrine. Elle savait que la lumière n'était pas la seule chose qu'elle pourrait suivre. L'obscurité, elle aussi, cherchait à la guider. Elle était à l'orée de quelque chose de beaucoup plus grand qu'elle ne pouvait comprendre.