Chapitre 5 Chapitre 5

Chapitre 5

Il y a des moments où tout semble s'effondrer autour de toi, où tu te dis que c'est la fin, que tu n'as plus aucune chance, et que tu n'as plus rien à perdre. James ressentait ça. Chaque jour qui passait semblait être une nouvelle gifle, une nouvelle humiliation. Il s'était réveillé ce matin-là avec une nausée persistante, une douleur sourde dans la poitrine, et l'impression qu'il allait encore s'effondrer dans cette mer d'échec. Mais plus il se battait pour sortir la tête de l'eau, plus il sentait qu'il ne pouvait pas y arriver. Tout était trop lourd. Et c'est à cet instant précis qu'il comprit qu'il n'avait plus rien à perdre. Absolument rien.

Il n'avait plus de femme, plus de nom. Tout ce qu'il avait, c'était son fierté. Mais sa fierté n'avait pas de valeur si elle n'était plus appuyée par ce qu'il avait perdu. Rien n'était plus solide que ce qu'on t'avait enlevé. La douleur, la rage, ça ne servait à rien si tu ne l'utilisais pas pour avancer. Il fallait réagir. Pas juste pleurer sur ce qu'il n'avait plus, mais transformer cette perte en quelque chose de plus grand. Quelque chose qui lui redonnerait sa place.

Il n'avait pas compris tout de suite ce que Lady Sinclair lui offrait. Il ne voulait pas le comprendre. Parce qu'il savait qu'accepter sa proposition, c'était une capitulation. C'était se faire manipuler, se vendre à la pire des causes. Mais que lui restait-il d'autre ? Une vie de misère ? De solitude ? Ou se tenir à ce que Lady Sinclair lui tendait : une revanche, une seconde chance, une manière de prendre ce qu'il voulait, quoi qu'il en coûte.

Olivia. Cette pensée le hanta de plus en plus. Olivia et sa douce indifférence. Olivia qui le ridiculisait désormais publiquement, comme une victoire à savourer, une victoire qu'il n'avait pas encore digérée. Chaque fois qu'il la croisait, qu'il la voyait sourire, il ressentait la morsure de sa trahison. Elle n'était pas juste partie. Elle ne l'avait pas seulement abandonné. Non, elle l'avait détruit. Et pas simplement avec son départ. Non, c'était plus subtil, plus cruel. Elle l'avait exposé, comme un rat dans une cage. Elle s'était servie de lui pour briller, pour avancer dans ce monde qu'il ne comprenait plus. Elle l'avait enterré, et maintenant, elle se permettait de danser sur sa tombe.

L'autre jour, au club, elle avait fait une apparition aux bras de son nouveau compagnon, un homme qui semblait plus jeune, plus séduisant, plus... tout. La scène était parfaite. Les gens étaient là, le regard braqué sur elle, admirant son nouveau conquérant. Et James, au milieu de cette foule, il se sentait comme un spectre. Invisible. Dépourvu de toute importance. Il savait ce qu'elle pensait. Elle avait jeté un regard dédaigneux dans sa direction, juste un regard, comme si c'était un reflet du passé qu'elle avait effacé sans effort. Ce regard l'avait glacé. Et dans cette glace, il avait vu son futur, ou plutôt son absence de futur.

« Tu es pathétique, James. » Ces mots étaient sortis de la bouche d'Olivia comme une claque, plus violente que tout ce qu'il avait vécu jusqu'à ce jour. Et ces mots, il savait qu'il allait les entendre pendant longtemps. Ils seraient son écho. L'écho de son échec. « Ce n'est plus ton monde. Tu es trop vieux pour te battre. »

Mais ce qui le faisait encore plus rageur, c'était la manière dont il s'était laissé faire. Il s'était laissé réduire à rien. À une ombre. Elle l'avait détruit, et il n'avait même pas eu la force de l'arrêter. Non. Pas cette fois. Pas une autre fois.

L'idée de Lady Sinclair revenait de plus en plus fort dans son esprit. Elle l'avait observé, elle savait. Elle savait ce qu'il voulait, elle savait ce qu'il était devenu. Et elle l'avait vu comme un simple pion. Mais pour lui, c'était une chance. Une chance de reprendre le contrôle. Une chance de montrer à Olivia, à tous, qu'il n'était pas juste une victime dans son propre récit.

Il se rendit chez Lady Sinclair ce soir-là, comme un homme qu'on pousse vers son destin sans pouvoir l'arrêter. Il n'avait pas besoin de discuter. Il avait décidé. Il devait se vendre à elle. Mais il n'était pas naïf. Il savait que ce qu'elle lui offrait, il allait devoir le prendre avec toutes ses conséquences. Et il n'allait pas reculer.

« Alors, on en parle ? » demanda Lady Sinclair quand il entra. Pas un sourire, juste une froideur calculée. Elle avait ce regard perçant qui semblait détruire toutes les pensées qu'il avait encore. « Je vois que vous avez réfléchi. »

James acquiesça, la voix grave, presque inaudible. « J'accepte. »

Elle ne répondit pas immédiatement. Elle l'étudia comme si elle avait besoin de vérifier qu'il était bien celui qu'il disait être, qu'il ne se déroberait pas sous la pression. Enfin, elle s'approcha, ses talons résonnant sur le sol, et murmura, « C'est bien, James. Vous n'avez plus rien à perdre. Vous avez compris. »

Il ne répondit pas, il n'avait plus rien à dire. Il était bien celui qu'il disait être. Il avait compris, et il avait pris la décision. Tout ce qu'il pouvait encore faire, c'était avancer. Reprendre ce qu'on lui avait pris. Reprendre sa vie, sa dignité, son pouvoir.

« Mais sachez ceci », poursuivit-elle d'une voix presque douce. « Ce n'est qu'un début. Ce mariage, cet accord, ce n'est pas la fin. C'est le commencement. Il n'y a pas de retour en arrière. » Elle le fixa un instant, comme une mise en garde. « Vous êtes dans ma main, maintenant. Vous m'avez choisi. Mais croyez-moi, James, vous aurez à m'obéir. »

Il hocha la tête. Oui. Il l'avait choisi. Et il était prêt à tout. À se perdre. À se vendre. Parce qu'il savait que la seule façon de survivre dans ce monde, c'était de prendre ce qu'on voulait, et d'en faire son propre territoire.

« Alors, qu'attendons-nous ? » dit-il, presque froidement. Il sentait le poids de la décision dans ses veines, mais il n'avait plus peur. Il n'avait plus de place pour la peur.

Elle sourit, un sourire glacial, mais victorieux. « Maintenant, nous passons à l'étape suivante. Le vrai travail commence. »

Et pour James, tout commençait ici.

                         

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